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Mallarmé, le sonnet du cygne

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Par   •  3 Avril 2018  •  Analyse sectorielle  •  1 632 Mots (7 Pages)  •  3 396 Vues

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Mallarmé, Le sonnet du cygne

Le sonnet du cygne

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui

Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre Ce lac dur oublié que hante sous le givre

Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !

Un cygne d'autrefois se souvient que c’est lui Magnifique mais qui sans espoir se délivre Pour n'avoir pas chanté la région où vivre Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.

Tout son col secouera cette blanche agonie Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie

Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris

Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne, Il s'immobilise au songe froid de mépris Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.

Introduction

Sonnet composé vers 1885. Un des textes les plus (mal ?) connus de Mallarmé.

Quelques pistes de recherche :

1. L'image fondamentale : celle d'un cygne prisonnier d'un lac gelé dont il ne s'est pas envolé à temps, symbolisant le drame essentiel de toute l'existence de Mallarmé : celui dont la création poétique, avec

ses affres, ses échecs, ses regrets, ses espérances.

2. Les deux principes en lutte : l'un de mouvement (thème de la fuite, du vol, de la délivrance) ; l'autre de fixité (thèmes du gel, de la captivité, de l'immobilisation). On peut suivre de strophe en strophe les phases de cette lutte.

3. L'unité du poème : elle est double : c'est à la fois celle du son et de la couleur.

• Sonnet en i majeur : toutes les rimes contiennent la voyelle i « aiguë et contractée » la plus haute de la gamme des voyelles

• Sonnet en blanc majeur : tout est blanc dans ce paysage : lac, givre, glacier, le cygne lui-même et sa « blanche agonie »

1. Naissance de l'image

L'image du cygne prisonnier du lac gelé est présente dès le début, mais on ne le sait pas tout de suite. Une des techniques favorites de la suggestion mallarméenne consiste à décrire avant de nommer : le mot cygne n’apparaîtra qu'au vers 5, mais des mots comme coup d'aile, vol, le rendent déjà présent peu à peu.

Dans ce premier quatrain se met également en place l'affrontement des deux forces (de mouvement et de fixité) à l’œuvre dans tout le poème.

α) Le cygne.

• Désigné pour l'instant par une mystérieuse périphrase : « Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui »

• Tour syntaxique rare : substantivation de l'adverbe (cf. Verlaine, Sagesse : « Si ces hiers allaient manger nos beaux demains... »

• vierge = à la fois blanc et intact (cf. « le vide papier que la blancheur défend » dans Brise marine). Obsession de la virginité chez Mallarmé, qui allait, dit-on, jusqu'à la répugnance à couper ses livres ! …

• vivace =plus tenace, plus douloureux que « vivant ».

• bel = forme plus légère et plus « aérienne » que beau. Elle annonce phonétiquement l'aile du vers suivant, introduisant ainsi secrètement la présence de l'oiseau.

• Quant au vers dans son ensemble, il évoque des possibilités intactes, les ressources vives du présent.

• Va-t-il... Une inquiétude perce dans ce futur « proche », qui guette le surgissement de l'action attendue, effet encore accentué par la présence du datif « éthique » : nous

• déchirer … ivre... Effort douloureux, violence sauvage de l'élan libérateur. Ces « coups d'aile » étaient déjà présents au vers précédent dans l'allitération :

LE Vierge LE Vivace et LE Bel aujourd’hui

• Mais cette évocation est assourdie par sa reprise en mineur au quatrième vers : … « que chante sous le givre / Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui ! »

→ Après l'élan, la retombée : « [l]es vols qui n'ont pas fui ! » sont les poèmes qu'il aurait pu réaliser et dont le remords le « hante », maintenant que ces beaux projets sont figés et refroidis. Mais « hante » ne suggère pas seulement le remords, il évoque aussi quelque chose d'irréel, les virtualités non réalisées, et annonce le

« fantôme » qui apparaîtra au vers 12.

β) Le lac.

Espace vide et durci par le gel, qui symbolise l'âme du poète frappé de stérilité et incapable de créer. Oublié appelle un double commentaire :

• au sens courant du mot, le lac gelé est devenu invisible sous le givre, au point qu'on ne sait plus qu'il est là, qu'on l'a « oublié ».

• étymologiquement, Littré rapproche oublié (< oblivisci) de lividus = pâle. Accord secret de ce mot avec la « symphonie en blanc majeur » que constitue tout le sonnet. Le cygne, avec le « transparent glacier » de son vol semble alors faire partie du lac, être issu de la même blancheur glacée, où se révèle une triple profondeur :

┌ - « Le givre », qui se dépose à la surface du lac

┤ - « Le lac dur », la couche glacée

└ - « Le transparent glacier », l'oiseau, avec ses ailes prisonnières sous la glace, qui ne peuvent plus battre

II. Le réveil angoissé

• Un cygne : L'oiseau est enfin nommé. Ce mot, par son apparition, donne au quatrain qui précède un sens qui n'était jusqu'alors que « suspendu ».

Mais en même temps se met en place

...

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