Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

                Juste la fin du monde est une pièce de théâtre écrite par Jean-Luc Lagarce, publiée en 1990. Cette pièce de théâtre  composée en deux parties qui racontent le retour de Louis, 34 ans qui va mourir et qui décide de retourner voir sa famille après une longue absence de 12 ans pour leur annoncer la nouvelle. Au cours de la pièce, on témoigne d’une crise personnelle, du langage et familiale entre Louis, son petit frère Antoine, sa sœur Suzanne et leur mère. La tragédie du langage peut-être considérée comme un drame à cause de la communication. Nous nous demanderons si on peut considérer la pièce de Jean-Luc Lagarce Juste la fin du Monde comme une "tragédie du langage". Nous étudierons la tragédie dans cette pièce. Puis, nous nous pencherons sur la crise familiale. Pour finir, nous étudierons la crise du langage dans cette pièce de théâtre.

            Pour commencer, nous allons étudier la tragédie. La tragédie est un genre du théâtre originaire d'Athènes et du théâtre grec antique. La tragédie est une œuvre dramatique (principalement écrite en vers), représentant des personnages illustres aux prises avec des conflits intérieurs, avec un destin exceptionnel et malheureux. Tout d’abord, la pièce Juste la fin du monde peut être qualifiée de tragédie.  D’une  part,  puisque  celle-ci  respecte  les  codes  de  la structure  tragique  avec  un  prologue  (exposition),  un  nœud  (le développement)  et  un  épilogue  (dénouement). En effet, le prologue de Louis (lorsqu'il annonce qu'il va mourir), rappelle les premières tragédies grecques, lorsque le chœur tragique annonçait le destin du personnage.  Le prologue est  suivi  d’un  développement  séparé  en  deux  parties  par  un intermède. Dans le nœud, on se retrouve plongé dans la famille de Louis. On y découvre les personnages, la Mère, Antoine, Suzanne et Catherine qui vont faire face au retour de Louis. Entre explications et règlements de compte, va surgir des péripéties, des disputes. Nous pouvons prendre comme exemple la tirade  d’Antoine. Ces péripéties vont provoquer le silence et le départ de Louis. Celles-ci vont donc nous mener au dénouement avec l’épilogue. Une fin malheureuse (mort de Louis) qui définit la tragédie et qui, surtout, la différencie de la comédie. Un épilogue rempli de regrets pour Louis. Le lecteur découvre alors une pièce aux allures de tragédie avec son prologue et son épilogue.

                   Cette pièce est définie comme tragédie grâce à l'annonce de mort de Louis. En effet, Louis est le fils prodige qui doit faire face à son destin tragique et fatal. Comme un héros de la tragédie. Nous pouvons également constater qu'il tient son prénom de son père, ce qui amène à une dimension héréditaire qui renvoie à la royauté et de ce fait aux l'héros tragiques. Ce dernier va devoir affronter un dilemme tragique. Et face à ce dilemme, il va choisir de garder le silence pour pouvoir entendre et écouter sa famille comme s’il n’allait pas mourir. Un silence qui a une double fonction, celle de pouvoir geler la fatalité et celle au contraire de la manifester. Il s’exprime très peu et ne parle pas de ses sentiments ouvertement. Il  est venu pour annoncer sa mort et exprimer ses émotions. Comme tout héros tragique, Louis ne peut pas faire le poids face à son destin, face à la fatalité de son destin.

                Bien que cette pièce de théâtre respecte certains critères de la tragédie, d'autres ne sont pas respectés. Tout d'abord, le titre comporte une expression aux résonances apocalyptiques, l’adverbe « juste » vient opérer une dédramatisation indéniable. En effet, le titre de la pièce laisse présager une tragédie versée dans l’ironie ou dans l’humour noir. La tragédie doit permettre de purifier les passions, et cette catharsis est rendue périlleuse par l’absence de tout déblocage de la parole ou la mise en place de toute résolution. Dans cette pièce de théâtre, le tragique est déterminé par l'incompréhension, la vacuité affective et relationnelle ainsi que par l’absence, comparé aux tragédies grecques où la tragédie était montrée par un acte traumatisant. De plus, contrairement aux pièces tragiques, il n’y a pas eu d’événement traumatique au sein de la famille qui a pu pousser Louis à partir. Le départ de Louis est aussi tragique, car dans la pièce Dieu n’est pas présent, il n’y a donc pas de fatalité divine, puisque les tragédies viennent souvent d'un acte divin, d'une volonté divine (dans les tragédies grecques). Louis a ainsi créé son propre malheur sans aucune justification.

              En résumé, cette pièce de théâtre respecte certain critère de l'ancienne tragédie (la mort du protagoniste annoncé au début ; un prologue, un nœud, un épilogue). Tout en étant une tragédie moderne. Elle sera accentuée grâce à différents points, la rivalité fraternelle (renvoyant aux figures de Caïn et Abel), la tension familiale, la mort inéluctable du protagoniste et l'incapacité de communiquer.

              Maintenant, nous allons nous pencher sur la crise familiale. En effet, cette crise est très importante dans cette pièce. Les retrouvailles de cette famille ont semé la crise familiale, ce qui va prendre une tournure tragique. Le fils prodigue, Louis, est l’ainé de la famille donc lorsqu’il revient, les autres personnages se concentrent sur ce fils qui s’est métamorphosé en une sorte d’idole. Louis est au centre de la famille, ce qui crée inévitablement un déséquilibre familial et en conséquence des conflits. Les autres personnages savent que Louis ne reviendra pas après 12 ans alors c’est leur seule chance pour dire tout ce qu’ils ont sur le cœur, toutes les choses non dites qu'ils gardaient jusque-là pour eux. Ainsi, le retour de Louis vient bouleverser l’équilibre familial et réveiller les souffrances de chaque membre de la famille  Il provoque en effet plusieurs tensions entre Antoine et Suzanne qui rythment la pièce, Antoine accusant sa sœur de se retourner contre lui depuis que Louis est arrivé : « Toute la journée tu t'es mise avec lui, / tu ne le connais pas » (partie 2, scène 2). Antoine s'en prend aussi à Louis, n'hésitant pas à le caricaturer dans la scène 9 de la première partie, ce qui l'amène à répliquer : « Tu te payais ma tête, tu essayais ». Dans la scène 3 de la deuxième partie, le personnage de Louis comprend qu’il est déjà mort pour les autres, parce qu'il s’est isolé, même si sa famille ne sait pas encore la nouvelle,. Cela montre le réel manque de communication dans cette famille, puisqu'ils ne se connaissent plus à cause du temps qui est passé. Ils sont devenus étrangers les uns les autres. Il est un revenant, il revient du côté des vivants avec, paradoxalement, la mission de dire qu’il va mourir. Le moment de la réunion familiale est un moment de confrontation. Celle-ci oppose les deux frères, Louis et Antoine, lesquels se disputent également avec Suzanne, leur sœur, les trois étant en conflit latent avec la mère, s’arrogeant la place du père absent.

...