La guerre dans Gargantua de Rabelais

La guerre dans Gargantua

Introduction

Les guerres dans Gargentua sont nommées picrocholines, en référence au roi Picrochole qui les a  déclarées. Ces guerres occupent une grande partie du roman, allant du chapitre XXV (p213) au chapitre LII (p347).

Deux camps s'opposent : les hommes de Grandgousier et les gens de Picrochole, un seigneur voisin. Cette guerre a pour point de départ une absurdité. L'expression guerre picrocholine vient de là, elle  désigne une affaire qui fait grand bruit, et qui est pourtant partie de peu de choses.

A travers cette guerre, Rabelais évoque la naissance d'un conflit, les aspects diplomatiques, le déroulement des batailles avec des figures héroïques mises en avant, et le traitement des prisonniers et des vaincus. C’est aussi la dimension morale de la guerre qui est montrée et analysée.

Nous pouvons classer les thèmes en plusieurs parties :

I/ Une guerre déclenchée par un prétexte futile

II/ Picrochole, le tyran mégalomane

III/Grandgousier et Gargantua, des princes humanistes

I/ Une guerre déclenchée par un prétexte futile

1. Une querelle entre bergers et fouaciers : Chapitre 23

La guerre est déclenchée par les fouaciers de Picrochole qui insultent puis blessent les bergers de Grandgousier. Ces derniers ne leur demandaient rien d'autre que de leur acheter des fouaces, comme ils le font habituellement. L'attitude des bergers est de plus pacifiste : « ils leurs demandèrent bien poliment » « Les fouaciers ne voulurent pas accéder à leur requête ; qui pis est, ils les insultèrent d’abondance » p211. En suit une énumération d'insultes. Ce à quoi le berger Frogier répondit « bien doucement » en essayant de les raisonner : « Ce n'est pas agir en bons voisins »  p213. Le fouacier Marquet agit par la violence en blessant Frogier. Alors les bergers se révoltent en poursuivant les fouaciers « à grand coupde pierres » p215 ; ils leur prennent les fouaces dont ils avaient besoin mais les payent, ce qui nous montre que leur attitude est juste.

Ce chapitre nous présente donc une scène où l'agressivité des fouaciers est absurde. Il y a une opposition entre leur attitude et celle des bergers et comme le dit le titre du chapitre, cette « grande dispute » va entraîner « de grosses guerres ». On comprend donc que le comportement des fouaciers est caricatural.

1. L'attaque de Picrochole : Chapitre 24 

De retour à Lerné, les fouaciers vont aussitôt se rendre auprès de leur roi Picrochole. A peine ce dernier les a-t-il vus qu'il déclare la guerre sur-le-champ, sans chercher à comprendre davantage la situation : « Picrochole aussitôt entra dans un furieux courroux, et sans plus s'acquérir du quoi ni du comment, fit proclamer par tout son pays le ban et l'arrière ban » p217 (ban : signal pour  appeler à la mobilisation des troupes). On découvre donc que Picrochole est un personnage facilement irritable. Il ne prend pas le temps de réfléchir mais agit guidé par ses pulsions. C'est pourquoi sa décision de guerre est insensée.

Il lance donc l'assaut sur le pays de Grandgousier. Ses troupes agissent comme des barbares, elles volent absolument tous les biens des habitants qu'elles trouvent, comme le montre cette énumération : « ils emportaient bœufs, vaches, taureaux, veaux, génisses, brebis, moutons, chèvres et boucs, poules, chapons, poulets, oisons, jars, oies, porcs, truies, gorets ; ils gaulaient les noix, grapillaient les vignes, emportaient les ceps, abattaient tous les fruits des arbres. » p221. Ces actions montrent la cruauté des troupes : leur but n'est pas de s'approprier ce qu'ils volent mais de priver les habitants de leurs biens vitaux ; en effet, ce sont des nourritures qu'ils pillent, et ce sont les seules choses qu'ils possèdent. Les habitants ne leur résistent pas, ils sont abasourdis et ne comprennent pas la raison de cette attaque. La seule et unique réponse des attaquants est comique parce qu'elle nous rappelle la raison ridicule de la guerre, qui est de la brioche !  « ils ne leur répondirent rien sauf qu'ils voulaient leur apprendre à manger de la fouace » p221.

1. La critique de Rabelais

Avec ces deux chapitres, Rabelais a voulu dénoncer les ravages causés par les troupes et leur barbarie. Il fait références aux soldats des armées du 16°siècle ont un comportement de voleurs et de voyous. Il critique également l'absurdité des causes de la guerre. Une dispute ridicule comme celle des fouaciers avec les bergers sert de prétexte à des tyrans tel Picrochole pour calmer leurs sautes d'humeurs. Les raisons leur importent peu, seul leur désir de conquêtes compte. En effet, derrière le prétexte de Picrochole il y a en réalité la volonté de terres supplémentaires. Nous allons donc voir cela dans la deuxième partie.

II/ Picrochole, le tyran mégalomane

1. Volonté de dominer le monde : chapitre 31

Le duc de Menuail, le comte Spadassin et le capitaine Merdaille viennent « conseiller » Picrochole.  En réalité, ils l'illusionnent en l'entrainant dans des rêves de conquête !  Ils commencent par le flatter en disant qu'il sera « le plus heureux, plus chevaleresque prince qui ait jamais existé depuis la mort d'Alexandre de Macédoine », p263. Ensuite ils le font devenir héros d'une épopée formidable et totalement irréaliste. Le chapitre est consacré à l’énumération des territoires conquis par les deux armées de Picrochole passant par tous les endroits du monde : « la Galice et le Portugal »; « la Sardaigne, la Corse »; « la Crète, Chypre, Rhodes et les îles Cyclades; » « l'Asie mineure » p265. Naïf, Picrochole les croit et se emporter par sa mégalomanie « Je ferais donc rebâtir le temple de Salomon » Il est ridicule par ses questions de « touriste » : « Verrons-nous Babylone et le mont Sinaï? »p267. Cela créé un décalage avec l'atmosphère guerrière.

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