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Le principe de neutralité des services publics remet-il en cause la liberté religieuse

Dissertation : Le principe de neutralité des services publics remet-il en cause la liberté religieuse. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Mars 2018  •  Dissertation  •  3 473 Mots (14 Pages)  •  2 253 Vues

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GUERIN Hubert

Droit administratif

TD n° 3 : Dissertation

                                                                                                

                                                                                                

Sujet : Le principe de neutralité des services publics remet-il en cause la liberté religieuse ?

A la suite des attentats du 11 janvier 2015 contre le journal satirique « Charlie Hebdo », le Gouvernement réunissait – le 6 mars 2015 – un comité interministériel sur l’égalité et la citoyenneté. Suite à celui, Marylise LEBRANCHU, alors la Ministre de la Fonction Publique réaffirmait que « la laïcité est une valeur fondamentale de la fonction publique ». Cette réaffirmation répondait au débat polémique sur la place de la religion dans l’espace public, catalysé autour de l’application de la laïcité par les services publics. Il s’agit d’une question centrale car les textes fondateurs de la République garantissent la neutralité des services publics et la liberté religieuse. Cependant, certains estiment que ce principe est un obstacle à la liberté religieuse. En réalité, l’application du principe de neutralité par les services publics au regard de la liberté religieuse démontrent le caractère polémique de la Loi de 1905 garantissant la séparation des Eglises et de l’Etat et de la laïcité.

Le service public est une notion complexe considérée comme la « pierre angulaire »   du droit administratif (Gaston JEZE) dont il faut distinguer le sens matériel et le sens organique. Au « sens matériel », il s’agit d’une activité destinée à répondre à l’intérêt général, assurée par un organisme privé ou public, sous le contrôle de la puissance publique (Etat, collectivités, établissements publics) lui permettant d'en assurer la mission et les obligations. Au « sens organique », le service public désigne une organisation formée d’agents et de moyens matériels destinée à accomplir certaines dispositions, au sein d’une Administration (exemple : le service public de la santé ou de l’Université). Le principe de neutralité des services publics est affirmé dans la « Charte des services publics » de 1992. Il garantit le libre-accès de tous aux services publics sans discrimination politiques, philosophiques, religieuses, de sexe ou de handicap. La neutralité des services publics doit s’inscrire dans l’activité quotidienne des services publics car elle est intrinsèquement liée à l’Etat républicain. La liberté religieuse est un principe garantie par l’Etat au travers de la Loi du 9 décembre 1905 portant sur la « Séparation des Eglises et de l’Etat ». Cette liberté religieuse garantie, pour chacun, le libre exercice des cultes, la liberté d’exprimer sa religion, de la pratiquer ou non et de l’abandonner, dans le respect de l’ordre public.

Le principe de liberté religieuse apparaît pour la première fois lors de la révolution française de 1789. Dans son article 10, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) consacre la liberté d’opinion, même religieuse : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Plus tard, la loi du 9 décembre 1905 portant sur la « Séparation des Eglises et de l’Etat » vient renforcer la disposition de 1789 en affirmant, dans son article 1er que « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ». Elle pose également le principe de laïcité de l’Etat face aux religions dans son second article en affirmant que : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Ce principe de neutralité apparaît – dans sa forme actuelle - pour la première fois dans les années 1930 au travers des lois DE ROLLAND. Dans la poursuite des travaux de Léon DUGIT, Louis DE ROLLAND va théoriser les principes essentiels qui doivent s’appliquer à toutes organisations se réclamant d’un service public. Il s’agit des principes : d’égalité, de mutabilité, de continuité, auquel il est possible d’ajouter celui de neutralité et de laïcité. Cependant, malgré le caractère fondamental de ses dispositions dans la continuité de l’Etat démocratique, l’Etat a été obligé, à plusieurs reprises, de réaffirmer le principe de neutralité des services publics, de laïcité et de liberté religieuse en raison du débat récurent sur la place de la religion dans l’espace public : en 2000, le Conseil d’Etat rend un arrêt (CE, 3 mai 2000, Demoiselle Marteaux) qui réaffirme que le principe de neutralité et de laïcité de l’Etat s’applique à l’ensemble des Services Publics sans distinctions. En 2007, la « Charte de la Laïcité dans les Services publics » est adoptée avec pour objectif de rappeler la règle républicaine dans les services publics.

Est-il possible d’affirmer que le principe de neutralité des services publics remet en cause la liberté religieuse ?

Dans un premier temps, nous verrons que la liberté religieuse est une liberté fondamentale conditionnée par la neutralité des services publics car le respect de cette neutralité est à géométrie variable et ne garantit pas pleinement la liberté religieuse (I). Cependant, dans un second temps, nous constaterons que la neutralité des services est, avant tout, un instrument de protection des citoyens afin de leur permettre d’exercer pleinement et librement leur culte (II)

  1. La liberté religieuse : une liberté fondamentale conditionnée par la neutralité des services publics

La neutralité des services publics est un principe fondamental mais son application semble être à géométrie variable faisant que la liberté religieuse reste assujettie au destinataire (A). Dans le même temps, le contrôle des comportements fautifs est difficile et tumultueux car faisant face à la liberté d’opinion et religieuse (B).  

  1. Une neutralité des services publics à géométrie variable : la liberté religieuse assujettie au service public et à son destinataire

Le service public est l’interface entre la population et l’Etat, c’est-à-dire l’interlocuteur privilégié des citoyens pour garantir leur liberté, leur protection et permettre à l’Etat de s’assurer du respect des lois en vigueur. C’est la raison pour laquelle le service public se doit d’être irréprochable dans l’application des principes de la République, dont la neutralité des services publics fait partie. La liberté religieuse, en réalité, pose la question de l’application de la laïcité, un sujet sensible dans la société française. Nous constatons que deux visions de la laïcité s’opposent : l’une se veut « ouverte », mettant l’accent sur la tolérance et l’expression de ses convictions ; l’autre se voulant « stricte » considérant l’expression des convictions religieuses comment privée et ne devant pas apparaître dans la sphère publique. C’est ainsi que la liberté religieuse est assujettie, conditionnée au service public et à son destinataire. En réalité, si les services de l’Etat doivent observer une laïcité stricte, celle-ci va s’adapter en fonction du public et de la société. Le respect de cette loi fondamentale va s’imposer aux usagers, conditionnant la liberté religieuse de chacun garantie par le DDHC de 1789, à celle en vigueur dans les services publics, c’est-à-dire aucune liberté religieuse. En effet, l’agent du service public doit observer une neutralité exemplaire en matière religieuse comme le stipule la Charte de la Laïcité dans les Services publics (2007) : « Tout agent public a un devoir de stricte neutralité ». Pour illustrer, la décision rendue par la Cour de cassation en 2014 dans l’affaire dites « Crèche Baby-Loup » a confirmé le bien fondé du licenciement d’une salariée qui avait refusé de retirer son voile sur son lieu de travail au motif que le règlement intérieur qui interdisait les signes religieux au sein de la crèche et rappelait l’obligation de « neutralité philosophique, politique et confessionnelle » à laquelle étaient tenus les salariés. Ainsi, cette obligation d’observer une stricte neutralité dans les services publics peut être analysé comme une atteinte à la liberté religieuse de l’individu, celle de l’agent : il n’a pas le droit d’exprimer sa liberté religieuse. Cependant, nous constatons que la neutralité religieuse des services publics peut également évoluer en instaurant une neutralité à géométrie variable : elle va s’adapter aux citoyens bénéficiant du service public. Cette affirmation est confirmée par une décision de 2015 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH, 2015, Ebrahimian contre France) : un agent de la fonction publique hospitalière (n’a pas été reconduite dans ses fonctions car elle refusait d’enlever son voile durant ses heures de services et contrevenait, selon l’hôpital, au principe de neutralité qui s’impose à l’ensemble des agents publics (CE, 2000, Arrêt Demoiselle Marteaux). Une décision remise en cause par le CEDH qui affirme « la possibilité de réglementer le port de signes religieux par les agents publics en fonction des populations prises en charge, afin de garantir au mieux la neutralité du service ». Ainsi, par cette décision, la CEDH n’a pas remis en cause la possibilité de manifester librement sa religion et la laïcité à la française mais a ouvert la possibilité d’une laïcité à géométrie variable, c’est-à-dire qui va varier en fonction du public auquel le service s’adresse : une application stricte pour des agents en lien avec la petite enfance et une possibilité de mettre en place une application plus souple pour la fonction publique hospitalière. Par conséquent, la liberté religieuse de l’individu est bien assujettie au service public et à son destinataire et reste conditionnée par la neutralité des services publics. Cependant, le contrôle des comportements fautifs est difficile et tumultueux car faisant face à la liberté d’opinion et religieuse.

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