Lecture Analytique Extrait Scène 4 Acte II

CLITANDRE : « Parbleu ! je viens du Louvre, où Cléonte, au levé (…) » […]

ALCESTE : « Ce grand attachement aux défauts qu’on y blâme »

Problématique : nous montrerons que cet extrait présente une comédie dans la comédie.

Amorce sur le renversement des valeurs aristocrates au XVIIème et l'honnête homme

Présentation de l'auteur, de l'œuvre(comédie de mœurs et de caractère), et de la scène:

Situation du texte : Dans le premier acte, Alceste le misanthrope, moraliste intransigeant, montre son indignation à son ami Philinte pour la société mondaine dans laquelle il vit et propose de s’en exiler. Il est en procès avec un « franc scélérat » et se fâche avec le précieux Oronte à propos d’un sonnet de sa composition. Mais surtout, il est amoureux de la jeune et coquette Célimène qui est, selon lui, contaminée par les vices de son temps. Il veut s’entretenir avec elle pour l’inciter à se déclarer clairement, mais les « fâcheux » se succèdent…

Rappel de la problématique et annonce du plan:

I. La « comédie de Célimène » : quand tenir salon devient spectacle

Ainsi, à la fin de la scène qui précède, Célimène s’entretenait avec Alceste sur la nature de leurs sentiments mais soudain, Basque, son valet lui annonce la visite de ses amis: Acaste et Clitandre, Philinte et Eliante font leur apparition. Célimène s’empresse de les accueillir pour tenir salon, heureuse de contrevenir aux questions empressées d’Alceste. Elle fait apporter des sièges et le salon devient spectacle. Cette scène représente alors une mise en abime de la pièce.

A. Célimène crée une variation de portraits très cohérente qui montre l'esprit railleur des gens de cour. Elle l'anime avec dynamisme, sans aucune monotonie

→ des portraits variés: Molière, par l’intermédiaire de Célimène, évite la monotonie qui pourrait occasionner le nombre élevé de portraits (8) en les faisant de longueurs inégales:

- On distingue les portraits courts, où Célimène s’en tient à une caractérisation générale et synthétique (ex : Cléonte l’extravagant) et ceux plus longs, où elle donne à voir le personnage en action comme Bélise. Aux extrêmes, on trouve le portrait de Damis qui comporte 14 vers contre 4 vers pour celui de Damon. Par ailleurs, si la plupart sont d’un seul tenant, certains sont relancés par une réplique courte. Par exemple, le portrait de Cléon est interrompu par Eliante, ce qui permet à Célimène de rebondir par un jeu de mots.

- De même, on observe une gradation dans la richesse critique des portraits : par exemple aucune grâce n’est trouvée à Damis, qui veut être « habile » mais finit par devenir un être « guindé », un prétentieux ridicule. (« table », « mets », « servir », « goût », « repas ») dans lesquels le jeune Cléon est métaphoriquement assimilé aux plats qu’il sert à ses invités.

- Les portraits fonctionnent à peu près sur un même modèle. Quelqu’un adresse un nom à Célimène et elle engage son portrait de manière improvisée: Clitandre évoque le « ridicule achevé » de Cléonte ou Timante qui serait un « bon caractère », c’est-à-dire bon à « croquer » = dessiner = en faire le portrait. Acaste s’en prend à Damon qualifié de « raisonneur fatigant ». Philinte évoque Damis et finit sa réplique par "Qu'en dites-vous, Madame?". Cet appel à la médisance peut rester implicite, prenant la forme d’une simple interrogative : « Et Gérald Madame ? », « Que vous semble d’Adraste ? » ou d’une proposition : « On dit qu’avec Bélise il est du dernier bien ».

- Les invités de Célimène sont alors comme des spectateurs à qui elle donne entière satisfaction et qui n'hésitent pas à relancer le spectacle.

↔ Spectacle accrocheur, dynamique, original, varié, comique par ses jeux de mots et l’implicite. Célimène réussit ses portraits avec brio. Ici, Molière montre toute la fatuité et la méchanceté des gens de cour qui comblent leur ennui en se riant d'autrui. Mais cette comédie dans la comédie est aussi l'occasion de faire le portrait de la précieuse.

B. Une brillante « croqueuse »: la parfaite précieuse

Préciosité: Tendance au raffinement dans le jeu des sentiments et dans l'expression littéraire, qui se manifesta en France dans certains salons au cours de la première moitié du XVIIe s. Précieux/se: Caractère de quelqu'un dont les manières, le langage, les sentiments sont empreints d'une délicatesse et d'un raffinement artificiels.

​- Dans cette scène, les qualités de Célimène apparaissent avec éclat : esprit, fraicheur, légèreté. En un mot : séduisante. Les personnes sont littéralement croquées. Le dialogue mondain n’a pas de secret pour elle. Ici, elle montre l’étendue de sa préciosité car elle manie avec brio des tournures stylistiques variées. Les répliques flatteuses d’Acaste et Clitandre vers 649-650 le remarquent (hyperboles: « portrait véritable », « admirable »).

→ Antithèses : 580, 592-593, 601, 646-647 / chiasme: 597-598

→ Jeux de mots : 588, 646

→ Comparaisons : 616

→ Métaphore : 590

→ Métonymie et métaphore filée : 625-626, 628-630

→ accumulation/énumération : 598, 600, 611, 621

→ Hyperboles : « jamais », « toujours », « sans cesse », « chaque jour », « tout »/ « tout », 613-615, 638, 643-644.

- De plus ses portraits sont en mouvement : elle sait suggérer l’ennui que dégage Bélise à travers les méandres d’une phrase qui traîne en longueur (énumération et ponctuation : virgules, points-virgules). Il semble d’ailleurs que le pronom de Bélise ne soit pas dû au hasard puisqu’il fait songer, par paronomase, à « bêtise »…

- Les portraits se terminent par une chute remarquable : la comparaison de Bélise à une pièce de bois, la posture du prétentieux Damis qui regarde de haut, les bras croisés, la société entière.

→ Ainsi Célimène démontre son aptitude à l'hypocrisie, la médisance, la

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