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Lecture Analytique : Extrait De La Bête Humaine De Zla

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Par   •  25 Mars 2015  •  5 821 Mots (24 Pages)  •  6 046 Vues

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Zola, la Bête humaine

Alors, Jacques, les jambes brisées, tomba au bord de la ligne, et il éclata en sanglots convulsifs, vautré sur le ventre, la face enfoncée dans l’herbe. Mon Dieu ! il était donc revenu, ce mal abominable dont il se croyait guéri ? Voilà qu’il avait voulu la tuer, cette fille ! Tuer une femme, tuer une femme ! cela sonnait à ses oreilles, du fond de sa jeunesse, avec la fièvre grandissante, affolante du désir. Comme les autres, sous l’éveil de la puberté, rêvent d’en posséder une, lui s’était enragé à l’idée d’en tuer une. Car il ne pouvait se mentir, il avait bien pris les ciseaux pour les lui planter dans la chair, dès qu’il l’avait vue, cette chair, cette gorge, chaude et blanche. Et ce n’était point parce qu’elle résistait, non ! c’était pour le plaisir, parce qu’il en avait une envie, une envie telle, que, s’il ne s’était pas cramponné aux herbes, il serait retourné là-bas, en galopant, pour l’égorger. Elle, mon Dieu ! cette Flore qu’il avait vue grandir, cette enfant sauvage dont il venait de se sentir aimé si profondément. Ses doigts tordus entrèrent dans la terre, ses sanglots lui déchirèrent la gorge, dans un râle d’effroyable désespoir.

Pourtant, il s’efforçait de se calmer, il aurait voulu comprendre. Qu’avait-il donc de différent, lorsqu’il se comparait aux autres ? Là-bas, à Plassans, dans sa jeunesse, souvent déjà il s’était questionné. (…) La famille n’était guère d’aplomb, beaucoup avaient une fêlure. Lui, à certaines heures, la sentait bien, cette fêlure héréditaire ; non pas qu’il fût d’une santé mauvaise, car l’appréhension et la honte de ses crises l’avaient seules maigri autrefois ; mais c’étaient, dans son être, de subites pertes d’équilibre, comme des cassures, des trous par lesquels son moi lui échappait, au milieu d’une sorte de grande fumée qui déformait tout. Il ne s’appartenait plus, il obéissait à ses muscles, à la bête enragée. Pourtant, il ne buvait pas, il se refusait même un petit verre d’eau-de-vie, ayant remarqué que la moindre goutte d’alcool le rendait fou. Et il en venait à penser qu’il payait pour les autres, les pères, les grands-pères, qui avaient bu, les générations d’ivrognes dont il était le sang gâté, un lent empoisonnement, une sauvagerie qui le ramenait avec les loups mangeurs de femmes, au fond des bois.

Jacques s’était relevé sur un coude, réfléchissant, regardant l’entrée noire du tunnel ; et un nouveau sanglot courut de ses reins à sa nuque, il retomba, il roula sa tête par terre, criant de douleur.

I – UNE BETE HUMAINE

A – Une métamorphose

1 – un personnage en crise

2 – la transformation physique en bête

B – un conflit intérieur

1 – Jacques et « les autres »

2 – la « bête » contre l’ « homme »

II – UNE CREATURE ZOLIENNE

A – Une énonciation ambiguë

B – Jacques, personnage « dominé par son sang »

C – La « fêlure héréditaire »

1 – Jacques, un « cas d’école »

2 – le poids de l’hérédité

INTRODUCTION

Emile Zola (1840-1902) est le chef de file et le théoricien du mouvement naturaliste dont il jette les bases dans son ouvrage théorique Le Roman expérimental (voir annexes). Zola explique qu'il a pris le parti du naturalisme, doctrine par laquelle il essaie d'élever la littérature au rang de science exacte.

Zola narre en un cycle de vingt romans constituant une grande fresque romanesque « L'histoire Naturelle et Sociale d'une famille sous le Second Empire » ainsi que l'indique le sous-titre donné à l'ensemble de son oeuvre sur les Rougon-Macquart. Zola avait pas ailleurs prévu un roman consacré aux chemins de fer, sujet qui avait déjà inspiré Huysmans (Les Sœurs Varard, 1879), Claude Monet (La Gare Saint-Lazare)...

Mais comme il souhaitait que Les Rougon-Macquart ne dépassent par vingt romans et qu’après Le Rêve, il ne lui restait plus que quatre à écrire, il décida de mêler les thèmes ferroviaire et judiciaire : « je vais mettre quelques grammes terribles dans le cadre des chemins de fer, une étude de crimes, avec une échappée sur la magistrature. »

Dans son roman La Bête humaine (1890), Zola met en scène Jacques Lantier, mécanicien de la locomotive La Lison. Porteur d’une « fêlure héréditaire », la pulsion sexuelle s’accompagne toujours chez lui d’une pulsion meurtrière. Ainsi assassinera-t-il sa maîtresse, Séverine.

Au cours d’une visite à sa marraine, Tante Phasie, Jacques Lantier, fils de Gervaise et d’Auguste Lantier, a essayé de tuer la jeune Flore. Affolé par son geste, il s’enfuit dans la campagne et croise un train hurlant, métaphore de la « bête humaine » qui l’habite et l’égare.

Ce personnage traversant une crise de conscience majeure, soumis à ses passions homicides, ne sont-elles pas l’occasion pour Zola de mettre à l’œuvre ses théories naturalistes telles qu’il les expose dans le Roman expérimental ? Ou, justement, l’extrémité du cas de Jacques Lantier ne nous permet-elle pas d’entrevoir les limites des prétentions scientifiques de l’écrivain ?

Nous verrons dans un premier temps en quoi cet extrait peut constituer le cœur thématique du roman, puis dans un second temps, dans quelle mesure le personnage de Jacques Lantier constitue une créature typiquement zolienne.

I - UNE BETE HUMAINE

A - Une métamorphose

1 – un personnage en crise

- Le texte s’ouvre sur le connecteur temporel « alors » : élément perturbateur, crise narrative.

- Cette crise est n’est pas occasionnée par Flore, mais par la rencontre entre Jacques et Flore, d’où la double forme emphatique, mettant en relief et Flore (pronominalisation), et ce qu’elle provoque (présentatif « voilà »): « Voilà qu’il avait voulu la tuer, cette fille ! ».

- Passage de l’individuel au général, du spécifique au générique : «Voilà qu’il avait voulu la tuer, cette fille ! » ⇒ « Tuer une femme, tuer une femme » (l.4). Cette

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