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Étude linéaire - Le Prologue de Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce

Fiche de lecture : Étude linéaire - Le Prologue de Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  13 Mars 2023  •  Fiche de lecture  •  1 432 Mots (6 Pages)  •  310 Vues

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LE PROLOGUE

« Juste la fin du monde » - Jean-Luc Lagarce

Cette œuvre se rattache au parcours crise personnelle, crise familiale et est intitulée « Juste la fin du monde ». Quand Jean-Luc Lagarce l’écrit en 1990, il se sait déjà atteint du SIDA, donc voué à une mort inéluctable. Le thème de la maladie est inévitable dans ses œuvres. Même si cette pièce de théâtre n’est pas autobiographique, on y retrouve de nombreux éléments de la vie de l’auteur, comme la maladie et la mort, la difficulté à communiquer, la solitude, ou encore les tensions familiales.

Dans cet extrait, on a affaire au prologue qui ouvre la pièce pour présenter la situation, et qui donne les informations nécessaires à sa compréhension. Ici, le protagoniste Louis, viens révéler son projet aux spectateurs dans un monologue constitué d’une unique phrase : il souhaite annoncer sa mort prochaine. Louis nous donne quelques informations sur le genre et le registre de la pièce, mais d’autres éléments sont passé sous silence.

Nous pouvons dès lors nous demander en quoi ce prologue qui semble se confronter à l’échec de la parole annonce paradoxalement les enjeux de la pièce.

Trois mouvements se distinguent dans cet extrait. D’abord, les vers 1 à 12 constituent un début déconcertant et tragique. Ensuite, du vers 13 au vers 26, le projet personnel de Louis ainsi que l’importance de dire « malgré tout » sont présentés. Enfin, la volonté du personnage de rester maître de son destin est évoquée sur le reste de l’extrait.

  • En premier lieu donc, le prologue s’ouvre sur une prolepse avec les deux compléments circonstanciels de temps au vers 1, qui évoquent des faits futurs.
  • Sont ensuite utilisés le futur proche à l’imparfait puis le futur de certitude aux vers 2 et 3. La révélation faite ici nous présente donc les faits comme certains : Louis va mourir. Il semble s’adresser à nous dans une forme de prosopopée.
  • Cette annonce importante est déconcertante car elle est encadrée par des tirets. Or, cette ponctuation est généralement employée pour des informations secondaires.
  • Ensuite, la locution adverbiale « à mon tour » peut faire référence à la fois au père de Louis,  aux personnages de tragédie en général, ou encore apparaître comme un memento mori.
  • Au vers 3, un changement du système des temps est effectué, ce qui montre un contraste entre le présent d’un homme vivant et le futur d’un homme mort. Ici, Louis est vivant, mourant, et presque déjà mort. La mention de son âge insiste sur sa jeunesse, et fait référence au Christ qui est décédé à 34 ans.
  • D’autre part, l’anaphore de compléments circonstanciels de temps peut faire penser à une sorte de glas qui va retentir régulièrement pour rappeler le caractère inéluctable de la mort. Cette dernière apparaît d’ailleurs comme un parasite qui viens perturber la phrase.
  • Au vers 5, Louis liste ses actions à l’aide d’une accumulation au rythme ternaire, ce qui souligne son impuissance face au destin : il ne comprend pas ce qu’il se passe.
  • Après, la répétition « de nombreux mois » et l’emploi de l’adverbe « déjà » aux vers 5 et 6 signalent l’implacabilité d’un temps dévorateur.
  • La périphrase euphémistique « en avoir fini » au vers 6, quant à elle, reprends et résume le vers précédent.
  • Aussi, le huitième vers est composé d’une comparaison que l’on perçoit grâce à l’adverbe « comme ». Elle exprime la tentative désespérée d’une action.
  • En opposition, aux vers 9 et 10, l’utilisation d’adverbes de manière et de la préposition négative « sans » insistent sur la nécessité de ne pas agir.
  • De plus, la métaphore filée allant du vers 8 au vers 15 compare la maladie, qui est personnifiée, à la guerre. On comprend ici que le personnage mène un véritable combat contre la mort.
  • Enfin, les hyperboles « détruire » et « trop violent » présentent cette dernière comme un ennemi redoutable.

Bien que le début du monologue de Louis soit marqué par la présence du tragique, les vers 13 à 26 présentent le projet du protagoniste, marqué par l’importance de dire « malgré tout ».

  • Effectivement, dans un second temps, au vers 16, l’adverbe « malgré tout » est employé. Il introduit une rupture dans le monologue et dans l’attitude de Louis face à sa mort prochaine, et annonce une prise de décision qui va obliger le protagoniste à ne plus être immobile.
  • Au vers 18, l’utilisation du passé simple mets en relief la prise de décision.
  • De plus, Louis se présente comme un sujet agissant en employant le pronom personnel « je ».
  • Au même vers, le préverbe « re » marque un retour du personnage, certainement dans sa famille, mais le pronom « les » reste vague.
  • Quoi qu’il en soit, le chiasme du vers 18 montre que son voyage va se faire à la fois en lui et en extérieur.
  • Ensuite, les vers 19 et 21 sont formés d’énumérations qui expriment le projet du personnage, qui se présente à la fois comme un retour en arrière vers le connu, et un saut vers l’inconnu.
  • Après, au vers 23, le complément circonstanciel de but « pour annoncer » exprime l’objectif du voyage. Cependant, l’objet de l’annonce reste en suspens. En effet, le complément d’objet direct arrivera seulement trois vers plus tard.  Cela montre que Louis rencontre des difficultés pour s’exprimer.
  • Les commentaires des vers 20 et 22 montrent eux aussi qu’il n’est pas sûr de lui.
  • Par la suite, le verbe de parole « dire » est mis en valeur au vers 24, puis est immédiatement repris en épanorthose en étant précisé par l’adverbe « seulement » au vers 25. Ce procédé rend compte à la fois de la difficulté à communiquer mais aussi du trouble de Louis.
  • Enfin, le personnage parvient à dire l’objet de son annonce au vers 26. Ce vers nous permet de comprendre la difficulté extrême d’annoncer simplement quelque chose de si tragique. On comprend alors tout le paradoxe du projet de Louis, qui semble impossible à relever.

Ainsi, Louis présente bien un projet personnel qui consiste à dire « malgré tout ». Bien plus, il désire rester maître de son destin, ce qui est évoqué dans le reste de l’extrait.

  • Tout d’abord, le vers 27 contient une double présence : le pronom tonique « moi-même » accompagné de l’adjectif « unique ». Celle-ci se veut la représentation de la volonté de Louis d’être maître de son destin, d’être actif, et de ne pas être présenté comme une victime.
  • Le terme de « messager », lui, n’est pas anodin. Il fait référence à la tragédie antique : le registre tragique confirme alors que Louis est bel est bien condamné à la fatalité.
  • Ensuite, du 29 au vers 31, une nouvelle épanorthose et l’emploi des verbes « décider » et « vouloir » montrent la persévérance du personnage, qui éprouve la volonté de contrôler la situation.
  • Pour finir, les deux expressions « responsable de moi-même » et « mon propre maître » terminent cette longue phrase, et insistent sur le contrôle que Louis souhaite exercer.

Ainsi, nous avons vu que ce prologue qui semble se confronter à l’échec de la parole annonçait paradoxalement les enjeux de la pièce. Après avoir admis qu’il commençait par un débat déconcertant et tragique, nous avons évoqué l’annonce du projet personnel de Louis qui avait besoin de dire « malgré tout ». Enfin, nous avons vu la tentative désespérée du protagoniste de rester maître de son destin. Ici, la crise personnelle et familiale s’annonce d’abord comme une crise du langage. Le choix du monologue est significatif, on a aussi bien la tragédie d’un individu, que celle d’une famille, et à la fois celle du langage qui est impuissant à exprimer.

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