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La nature juridique de l'offre de contrat

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Par   •  14 Octobre 2019  •  Dissertation  •  2 791 Mots (12 Pages)  •  1 614 Vues

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La nature juridique de l’offre de contrat

Jean-Luc Aubert, dans sa thèse de 1970 consacrée à l’offre et l’acceptation dans la formation du contrat, définit la pollicitation comme « une manifestation de volonté visant la préfiguration d’une situation contractuelle à venir ». Etape transitoire entre les pourparlers (négociations préparatoires) et la conclusion définitive du contrat après son acceptation par le bénéficiaire, l’offre de contracter présente deux caractères fondamentaux. D’une part, celle-ci doit être ferme. En d’autres termes, elle doit exprimer clairement « la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation », dit le code civil. D’autre part elle doit être précise. En effet, on imagine mal une offre de contrat exprimée au conditionnel : « je vous donnerais bien mon bateau », ou encore une offre de vente qui ne mentionnerait ni la chose ni le prix. Dans ce cas, précise le code civil, « il y a seulement invitation à entrer en négociation ». De même, l’acceptation obéit également à une contrainte majeure : elle ne peut être qu’absolue, sinon il y a contre-offre…

En tout état de cause, l’offre de contracter est une condition nécessaire à la formation d’un contrat et, dans la majorité des cas – la catégorie de principe étant celle des contrats consensuels – son acceptation par le bénéficiaire suffit à le former. Dès lors, cette partie charnière de la phase précontractuelle est omniprésente dans le droit des obligations : il suffit d’ailleurs de feuilleter un catalogue publicitaire pour s’en rendre compte. Pour autant – à l’inverse de la promesse unilatérale de contrat, par exemple, dont on sait par la loi qu’il s’agit d’un avant-contrat – la nature juridique de l’offre fait encore l’objet de vifs débats doctrinaux. En cause, le code civil qui, malgré les modifications importantes apportées par le législateur avec l’ordonnance de 2016 et la loi de ratification de 2018, reste muet à ce sujet (peut-être à dessein car, nous le verrons, ce dernier a pour particularité d’être aussi clivant qu’épineux)

La nature juridique supposant classification suivant une certaine typologie, son étude est immanquablement subordonnée à celle du régime juridique.

La présente analyse se propose ainsi de déterminer la nature juridique de l’offre de contrat, au regard des dispositions de droit positif qui la régissent actuellement.

Aujourd’hui, la doctrine reste campée sur deux positions antagonistes. D’une part, l’offre de contracter serait un acte juridique (I). Reste alors à la catégoriser dans la typologie des actes juridiques. S’il est acquis qu’elle soit un acte juridique unilatéral, peut-on parler d’engagement unilatéral de volonté ? D’autre part, selon certains auteurs comme MARTIN DE LA MOUTTE, la pollicitation serait un fait juridique (II).

  1. L’offre comme acte juridique

Demolombe, grand juriste du XIXème siècle, considérait l’offre comme un avant-contrat (A). Aujourd’hui, cette qualification devenue désuète, laisse place à celle d’acte juridique unilatéral, voire d’engagement unilatéral de volonté (B).  

  1. Une théorie tombée en désuétude : l’offre comme contrat préparatoire

Avant de se lancer dans l’étude de la nature juridique de l’offre telle que pensée par Demolombe, quelques éléments de contexte sont nécessaires. Il faut savoir qu’en droit français, le pollicitant a toujours eu l’obligation de maintenir son offre pendant un certain délai (explicite ou non). Au XIXème siècle, les juristes français ne laissaient pas de place à l’engagement unilatéral de volonté (cf. B)), considérant que l’obligation ne pouvait provenir que d’un accord de volontés, donc d’un contrat. Pour ces raisons, le juriste Demolombe a conclu que l’offre était un avant-contrat. Etrange dira-t-on, car la pollicitation « exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ». La rencontre des volontés n’est donc censée se faire qu’au moment de l’acceptation, et non au moment de l’offre, qui n’est censée que matérialiser la seule volonté du pollicitant. Demolombe, d’un revers de main, s’écarte de cette idée par une théorie dont la teneur suit. Deux cas sont à considérer. Le pollicitant peut fixer un délai pendant lequel il doit maintenir son offre, ou le délai peut être implicite. Dans le premier cas, selon la doctrine précitée, l’offre se décompose en deux parties : la première, qui détermine les grandes lignes du futur contrat et la seconde, qui propose de maintenir l’offre pendant le délai précisé. Cette dernière étant forcément à l’avantage du bénéficiaire, elle est présumée acceptée : un contrat préparatoire est formé. Dans le second cas – si l’offre ne contient pas de délai – on considère que l’offrant a tout de même laissé au bénéficiaire un temps de réflexion : il y a une offre implicite de délai qui est également présumée acceptée par le bénéficiaire. Cela étant, il y a bien, selon cette théorie, un contrat à l’origine de l’obligation de maintenir l’offre. Mais qu’on ne s’y trompe pas, cette théorie constitue une habile manœuvre de contournement par laquelle on parvient à reconnaître l’existence d’une obligation, afin d’éviter le recours à la notion d’engagement unilatéral de volonté. Cette doctrine a – partant – fait l’objet de vives critiques en raison du caractère artificiel de la rencontre des volontés. En suivant la logique de Demolombe, on aboutit d’ailleurs à ce que tous les contrats unilatéraux (à l’avantage exclusif du créancier, donc) soient considérés comme tacitement acceptés. Or, le moins que l’on puisse dire est que le droit français ne suit pas cette logique : si je veux bénéficier de la promesse unilatérale de vente consentie par mon promettant, il me faudra tout d’abord l’accepter (le refus n’étant d’ailleurs pas écarté). De plus, si l’offre de contracter était considérée par le code civil comme un avant-contrat, il y a fort à parier que ce dernier nous éclairerait sur sa nature. Or il ne le fait pas. En revanche, le caractère de contrat préparatoire de la promesse unilatérale de vente est bien mentionné. Donc si l’offre en était également un, le législateur n’aurait probablement pas omis de le dire. On rappellera à cet égard que le régime de l’offre qui comportait de grandes imprécisions, a fait l’objet de modifications très récentes (2016 et 2018).

Si la doctrine se montre actuellement très défavorable à la qualification d’avant-contrat, celle d’acte juridique unilatéral, voire d’engagement unilatéral de volonté, séduit bien plus d’auteurs.

  1. La théorie généralement admise : l’offre comme acte juridique unilatéral voire comme engagement unilatéral de volonté

La pollicitation est une manifestation unilatérale de volonté destinée à produire des effets de droit. En ce sens, elle correspond à la définition d’un acte juridique unilatéral, et c’est d’ailleurs comme ça qu’elle est communément désignée. Mais est-elle, au surplus, un engagement unilatéral de volonté ? La question a été et est encore la source de nombreux débat doctrinaux assez divergents. En effet, il est admis que l’on ne puisse pas, par l’effet de sa seule volonté, créer un lien d’obligation dans lequel on est le créancier. En revanche, peut-on, par sa seule volonté, devenir créancier ? C’est la question – épineuse – de l’engagement unilatéral de volonté. Si le code civil ne le consacre pas (malgré les préconisations de certains avant-projets de la réforme de 2016), on peut y voir dans la loi certaines manifestations. Evidemment, si l’on peut s’obliger par sa seule volonté, on ne saurait faire marche arrière. Cela contredirait le principe même de l’obligation. Ainsi, l’engagement unilatéral de volonté créé-t-il un lien d’obligation que seul un accord de volontés ou encore la loi saurait venir modifier ou éteindre. L’exemple le plus éloquent d’engagement unilatéral de volonté est probablement celui de la transformation d’une obligation naturelle en obligation civile : une personne effectue ou commence à effectuer un devoir moral, et ce devoir se transforme en une obligation civile dont le créancier peut réclamer l’exécution forcée devant les tribunaux. La création d’une EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée) en est un autre exemple. Cela étant, il ne s’agit pas de faire ici l’inventaire détaillé de tous les engagements unilatéraux de volonté, ni même de dire s’ils existent ou non, mais simplement de constater si, au regard des critères définis plus haut, la pollicitation – en plus d’être un acte juridique unilatéral – est également un engagement unilatéral de volonté. A ce sujet, le code civil nous livre quelques éléments de réponse dans les articles 1114 et suivants. Ainsi lit-on, par exemple, que l’offre « […] ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut à l’issue d’un délai raisonnable ». Par sa seule volonté l’auteur de l’offre s’est donc obligé à la maintenir pendant un certain délai. En d’autres termes, la volonté seule semble avoir fait naître une obligation. S’agit-il pour autant d’un engagement unilatéral de volonté ? Au regard des articles 1115 et 1116, rien n’est moins sûr. Ceux-ci disposent en effet que l’offre est réceptice d’une part (l’émetteur peut rétracter l’offre avant qu’elle ne soit parvenue au destinataire) et, d’autre part, que sa rétractation peut se faire même avant l’expiration du délai de maintien de l’offre. On voit donc que le principe d’irrévocabilité de l’engagement unilatéral de volonté, selon lequel la volonté seule ne peut pas défaire ce qu’elle a elle-même fait, est quelque peu écorné. On soulignera également que l’offrant, s’il n’a pas assorti son offre d’un délai, sera obligé de maintenir son offre pendant un « délai raisonnable », sans réellement l’avoir voulu… Enfin, le régime de caducité de la pollicitation pose question. En effet, il semble logique que l’offre de contracter devienne caduque après l’expiration du délai de maintien (explicite ou implicite), mais l’article 1117 dispose « [qu’]elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur, ou de décès de son destinataire ». L’obligation qui est d’habitude transmissible, cesse ici d’exister en même temps que son auteur ou son destinataire. La loi de ratification de 2018 à laquelle on doit la dernière partie de l’article 1117 (« […] ou de décès de son destinataire ») nous en donne la raison : l’offre de contracter est faite en fonction du bénéficiaire (caractère intuitu personae). La caducité est-elle donc vraiment un argument valable contre la qualification d’engagement unilatéral de volonté ?

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