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Zazie Dans Le Metro

Rapports de Stage : Zazie Dans Le Metro. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  7 Avril 2013  •  2 410 Mots (10 Pages)  •  1 543 Vues

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Présence du réel, refus du réalisme

Zazie dans le métro n'a rien d'un texte réaliste, mais la réalité parisienne y est présente à toutes les pages et Zazie la croise à chacun de ses déplacements. L'une des spécificités majeures du texte de Queneau, mais aussi l'un des principaux enjeux de son adaptation cinématographique, a été de donner à sentir dans le texte et le film la présence du réel, tout en refusant les canons de la représentation réaliste.

1. Le trajet de Zazie dans Paris : le labyrinthe de la représentation

Reconstitution du parcours de Zazie

Pour comprendre l'aventure de Zazie, il faut suivre son parcours tortueux au sein de Paris. Les personnages quittent la gare d'Austerlitz en taxi (p. 9), traversent la Seine le long de la ligne 5 du métro (p. 14) vers la gare de Lyon et la caserne de Reuilly (p. 15). Ils arrivent à La Cave, le café de Turandot (à l'étage duquel se situe l'appartement de Gabriel), probablement situé dans le quartier de la Nation (p. 20). Le lendemain, Zazie se rend aux puces, derrière la porte de Clignancourt, qui n'est pas nommée (p. 45). Après une discussion puis une course-poursuite avec Pedro-Surplus, elle revient avec lui chez Turandot (chapitres 4, 5, 6 – p. 66). Charles, Gabriel et Zazie repartent en taxi vers la tour Eiffel le long de la ligne 6. Ils rencontrent Fedor Balanovitch, guide touristique dont les touristes « guidnappent » Gabriel (p. 98). Zazie, la veuve Mouaque et Trouscaillon le suivent jusqu'à la Sainte-Chapelle grâce à un « sanctimontronais » qui les prend en stop (île de la Cité, p. 98). Ils passent devant la gare d'Orsay (p. 99) puis longent les quais de la Seine le long des 8e, 1er et 4e arrondissements (p. 113 et suivantes) jusqu'à la Sainte-Chapelle (p. 120). Les personnages se dirigent ensuite de la terrasse du café des Deux Palais (p. 122) vers le Mont-de-Piété (le club où danse Gabriel, à Pigalle – pp. 154-170) en passant par le boulevard de Sébastopol (p. 130 et suivantes). Ils finissent aux Nyctalopes, le restaurant voisin du club où éclate un affrontement avec les forces de l'ordre (p. 192) avant de s'échapper par une trappe dans le sol (p. 194) qui les mène, par un souterrain, au Châtelet (p. 195). Gabriel regagne la gare d'Austerlitz avec Zazie évanouie (p. 197).

D'un parcours à l'autre : les variations du trajet de Zazie du roman au film

Un certain nombre de lieux changent du roman au film. La gare d'Austerlitz devient la gare de l'Est dans le film. La caserne de Reuilly devient l'église Saint-Vincent-de-Paul (3, 6:20). Des lieux absents du roman font leur apparition dans le film, comme le pont de Bir-Hakeim (8, 31:00), la galerie Vivienne (8, 30:10), le passage Choiseul, le passage du Grand Cerf (8, 28:50) ou encore les toits de Paris (8, 29:30), la place du Palais-Royal (11, 40:40) ou la place du Canada (11, 48:55).

La vertu cartographique du récit

Le parcours de Zazie dans Paris constitue le fil rouge du roman. Chaque chapitre indique avec exactitude où se trouvent les personnages. Dans la tradition du roman réaliste, le texte dessine une carte de la capitale (cf. l'incipit d'Au bonheur des dames de Zola) et fonde son récit sur les pérégrinations des personnages au sein de cet espace. Nombre de lieux sont nommés ou suggérés sans être traversés : le Panthéon et les Invalides (p. 15, p. 87), le Sacré-Cœur (p. 88), l'église Sainte-Clotilde (p. 90), la place de la République et le Père-Lachaise (p. 94). Comme le veut la tradition du roman picaresque, c'est la complexité voire l'incohérence des déplacements qui fonde la dimension romanesque ainsi que son épaisseur digressive, laquelle apparente la complexité du texte à celle du réel. Ainsi, quantité de monuments sont cités dans le texte mais aussi plusieurs lieux et commerces moins connus mais familiers des parisiens de 1959 : le Vélocipède (p. 130), la brasserie du Sphéroïde (en réalité la brasserie du Globe, dans le manuscrit, p. 131), l'épicerie Félix Potin (« une épicerie en gros et au détail », p. 132) ou la pharmacie Canonne (« une pharmacie non moins grossiste et non moins détaillante »). Dans le film, la plupart des scènes d'extérieur sont tournées in situ, et la scène de la tour Eiffel est l'occasion d'un immense panorama sur Paris (11, 42:00).

Le labyrinthe et l'égarement ludique

Le texte et le film se plaisent toutefois à ne pas représenter l'espace urbain de manière parfaitement cohérente. Un doute permanent pèse sur la désignation des lieux et des monuments, comme si Queneau reprenait à son compte les conquêtes du nouveau roman, mais sur le mode de la dérision (p. 15, pp. 87-88, p. 128). En faisant jouer en permanence cette problématique de la nomination, il donne de Paris une représentation essentiellement linguistique et peut ainsi transformer sa ville en un kaléidoscope de mots. Dans le film, les scènes correspondantes montrent les personnages dans le taxi de Charles avec l'église Saint-Vincent-de-Paul qui apparaît en arrière-plan dans le champ, par la gauche ou la droite du cadre, quelle que soit la direction dans laquelle s'oriente le taxi et l'angle de la caméra (3, 6:00). Le caractère artificiel et répétitif de ces scènes perd les personnages dans un labyrinthe d'images, une ville mentale autant que réelle.

2. Le refus du réalisme : des stratégies pour contourner et déjouer le réalisme

Quelques éléments théoriques sur la notion de réalisme dans le roman et au cinéma

En littérature comme au cinéma, le réalisme est un problème complexe qui dépasse celui de la simple représentation. Au xxe siècle, l'art ne cherche plus à donner une impression de réalité vraisemblable (cf. le roman réaliste) mais bien à rendre la sensation du réel, à susciter celui-ci dans le texte ou l'image. Il s'agit de le rendre présent. Ainsi, pour reprendre le mot de Jacques Lacan, « le réel commence là où le sens s'arrête » : le réel est ce qui échappe à l'acte de nomination littéraire ou à l'acte de représentation picturale (la littérature, la peinture, le cinéma ou la photographie ne peuvent représenter exactement le réel). Dans la littérature et le cinéma, c'est la continuité narrative et mimétique qui donne l'illusion de la vraisemblance réaliste. Le roman, écrit dans une langue que nous partageons, intègre une narration continue à une représentation

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