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L'Oiseau dans les "Lais" de Marie de France

Dissertation : L'Oiseau dans les "Lais" de Marie de France. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  10 Novembre 2021  •  Dissertation  •  6 499 Mots (26 Pages)  •  523 Vues

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L’oiseau dans Les Lais de Marie de France

        Il est toujours intéressant de se pencher sur l’étymologie des mots qui souvent nous en apprennent un peu plus. En ce qui concerne le mot oiseau on le trouve sous cette forme dès le moyen français, mais il vient de l’ancien français oisel qui est lui même issu du bas latin aucellus. De ce bas latin la loi salique forme le diminutif avicellus qui rappelle le substantif latin avis qui désignait l’oiseau et aussi dans le langage religieux principalement un présage, une augure[1]. Cette étymologie renvoie donc notre animal à plume à une fonction symbolique, dont les différentes espèces et comportements peuvent être interprétés comme différents présages. Dans Les Lais de Marie de France la présence d’oiseaux n’est jamais anodine et demande toujours une interprétation et une analyse de la part du lecteur, tant ces animaux sont chargés de symboles. On note leur présence notamment dans les trois lais consécutifs que sont « Yonec » « Le Laüstic » et « Milon » dans lesquels trois oiseaux bien distincts – à savoir respectivement un autour, un rossignol et un cygne – occupent une place importante. Le regroupement de ces oiseaux dans trois lais consécutifs est d’autant plus intéressant que sur les 12 lais qui constituent le recueil c’est seulement dans ces 3 là que nous avons à faire à ces animaux. Si l’on peut certes évoquer l’aigle d’or qui trône sur la tente de la fée que Lanval rencontre : « Un aigle dor ot desus mis ; de cel ne sai dire le pris » (v.87/88) ou encore l’épervier que celle-ci tient en son poing à son arrivée à la cour durant le jugement de son amant « Un espervier sur un poin tint » mais ceux-ci n’ont qu’une valeur d’objet, évoqués pour leur splendeur et le rayonnement qu’ils permettent à la fée. Ces 3 oiseaux sont donc des piliers de ces lais, mais aussi des piliers du recueil tout entier. Ils sont d’abord et de manière la plus évidente le symbole d’un amour courtois, c’est en partie parce qu’ils servent l’amour courtois qu’ils sont également – mais de manière plus subtile – à l’origine de l’expression et de la création poétique, et c’est à travers cela notamment qu’ils permettent aux hommes de s’accomplir (en leur permettant au fil des lais de traverser diverses étapes), à travers une réelle progression dans les lais.

I. Symboles / Instruments : L’oiseau et l’amour courtois

        Si les animaux sont relativement abondants dans les récits de Marie de France, ce sont exclusivement les oiseaux qui semblent être au service de l’amour et plus particulièrement de l’amour courtois. Et cela par différents moyens, en effet ils peuvent aussi bien être symboles, que substituts ou encore instruments, quitte parfois à perdre leur nature première animale.

        Voici comment se définit l’amour courtois, autrement appelé fin amor : « L’amour courtois est une façon de se comporter se rapportant au Moyen Âge. Il consiste en une attitude conventionnelle qui conduit à agir avec élégance et raffinement avec celle pour qui on nourrit des sentiments. Il se vit hors mariage et évoque un amour total.[…] Mais cet amour idéalisé est ambigu car frustré. Il mêle désir et désespoir, plaisir et souffrance. En effet la plupart du temps il s’applique à un amour impossible, vécu de façon secrète. », c’est aussi bien la beauté de cet amour si pur que son côté interdit et destructeur que les oiseaux symbolisent ici.

        

        Bien qu’il s’agisse de trois oiseaux, la manière dont chacun est au service de l’amour courtois et de sa représentation est bien différente. Pour commencer nous pouvons parler du cygne puisqu’il apparaît comme celui qui est le plus au service – au sens propre du terme – des amants et de leur amour. On retrouve le cygne dans Milon le lai éponyme qui relate l’histoire de Milon et de son amante avec qui il va concevoir un enfant hors mariage et qui sera donc élevé par la sœur de l’amante. La jeune fille va être mariée par son père à un autre que lui mais tout deux parviennent malgré tout à communiquer pendant 20 ans grâce au cygne de Milon, en cachant sous le plumage de l’oiseau les lettre des amants. Le cygne est donc ici une sorte de messager, l’oiseau est donc ici à première vue un instrument au service de l’amour plutôt qu’un symbole. D’ailleurs cette forme de maltraitance qu’est le jeûne forcé que subit le cygne pourrait démontré cette indifférence face à la souffrance animale et montré ainsi que le cygne perd sa qualité d’être vivant pour n’être seulement qu’au service des humains. Mais on le sait les Lais sont remplis de symboles, et Marie comme elle l’annonce dans son prologue laisse toujours une part plus obscure forçant le lecteur à analyser et interpréter son œuvre. Ce lai n’échappe pas à la règle et on retrouve tout une symbolique autour de du cygne. Tout d’abord le choix de l’oiseau, s’il s’agissait simplement d’un messager l’auteur aurait pu faire le choix de n’importe quel oiseau, or c’est le cygne qui a été choisi et le cygne est un oiseau bien particulier. Si à première vue il évoque la pureté, la noblesse etc par la blancheur de son plumage, blancheur alors à l’image de l’amour pur et fidèle que se porte les deux amants, il est aussi avéré comme par exemple dans le Livre du Trésor de Latini :

 « cignes est uns oisiaus toz blans de plumage ;

mais sa char est tote noire »

(Tresor, 1. I, V, CLXIII, p.212)

Hugues de Fouilloy écrit à ce sujet dans son « De avibus » (Le livre des oiseaux – entre 1130 et 1160) « La blancheur du cygne est le symbole du converti. Le cygne a un plumage blanc mais une peau noire. Allégoriquement la couleur blanche du plumage signifie le prétexte sous lequel la peau noire est dissimulée. Parce que le péché de chair est dissimulé par divers prétextes. » On retrouve donc cette idée de tromperie, de dissimulation dans le lai de Milon puisque le cygne qui est offert en apparence comme un cadeau à la dame permet d’entretenir et de garder secrète la relation adultérine des amants en cachant sous son plumage les lettres.

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