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Une vie, Maupassant

Dissertation : Une vie, Maupassant. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  13 Novembre 2023  •  Dissertation  •  1 592 Mots (7 Pages)  •  53 Vues

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I - LA DIFFICILE GENÈSE D’UN PREMIER ROMAN

Le projet romanesque d’Une vie, encouragé par Flaubert, a probablement été conçu par Maupassant dès 1877 «Flaubert s’est montré fort enthousiaste du projet de roman que j’ai lu, écrit le jeune auteur à sa mère. Il m’a dit: “Ah oui, cela excellent, voilà un vrai roman, une vraie idée.” »

Toutefois, après une foisonnante période d’écriture au printemps 1878, Maupassant, peut-être accaparé par ses tâches administratives au ministère de l’Instruction publique, semble en panne d’inspiration : «Je me sépare de plus en plus de mon pauvre roman, confie-t-il à son maître j’ai peur que le cordon ombilical soit coupé... » Ce n’est qu’en 1881, après la mort de Flaubert et le succès de Boule-de- suif qu’il reprend son projet: il en publie deux parties sous forme de nouvelles, l’or un soir de printemps et Histoire corse.

Achevé en 1882, le roman sera publié en feuilleton dans le journal Gil Blas à partir de février 1883 : « C’est, lit-on dans l’annonce, l’histoire très intéressante d’une femme depuis l’heure où s’éveille son cœur jusqu’ à sa mort... » Paru en librairie en avril suivant, le livre connaît un réel succès : 25 000 exemplaires sont vendus, consacrant le succès de scandale du romancier, dont l’ouvrage est interdit dans les bibliothèques de gare, garantes de moralité en littérature...

II - UNE VIE... DES JOURS

Points de vue

Considéré comme le plus «flaubertien» des romans de Maupassant, Une vie repose sur un principe narratif qui rappelle Madame Bovary ou L’Éducation sentimentale : l’évocation, par un narrateur « neutre », de la suite des événements qui composent, dans la linéarité de leur succession chronologique, la « vie» d’un personnage principal. Mais, contrariant l’existence de ce narrateur extérieur qui justifie le récit à la troisième personne, la primauté est sans cesse donnée au regard de Jeanne, à travers lequel le lecteur perçoit ou éprouve sensations et événements.

A la différence de ce qui se passe dans Pierre et Jean, il ne s’agit presque jamais ici d’une introspection intellectuelle des choses, d’une investigation psychologique des sentiments ou d’une analyse des faits par l’héroïne. C’est au contraire de l’émotion éprouvée, de la sensation perçue que se nourrit le plus souvent son point de vue. Ainsi, au moment du départ de ses parents, Jeanne se laisse-t-elle envahir par la présence « ressentie » des pommes, du cidre, de l’odeur de l’étable autant d’effets sensoriels qui provoquent, comme une douloureuse prémonition, «la sensation vive de l’isolement de tous les êtres que tout désunit ».

Répétitions et séries

Le pressentiment qu’éprouve Jeanne est représentatif de l’écriture d’ Une vie : baliser la « vie » et sa suite de «jours » indifférenciés par une multitude d’échos, de répétitions, de réminiscences qui créent pour le lecteur une sorte d’architecture implicite et démentent ainsi la succession explicite des quatorze chapitres du roman:

— des signes prémonitoires relient secrètement des scènes éloignées dans le temps : ainsi au chapitre 1, Jeanne découvre le rébus de son histoire désenchantée dans la légende de « Pyrame et Thisbé » qui sert de motif à la tapisserie de sa chambre.

— des « leitmotive » thématiques, comme les crises de larmes de Jeanne ou ses innombrables «stations » à la fenêtre (une quinzaine d’ occurrences) scandent le récit de leur retour obsessionnel;

— certains personnages secondaires, comme Rosalie, réapparaissent eux aussi épisodiquement : la tante Lison, vieille fille négligée de tous, est présente dans chacun des moments décisifs de la vie de Jeanne, comme si elle était son double lointain et solitaire, traversant, elle aussi, la vie comme un fantôme

— des scènes en miroir (deux passages aux Peuples, deux sorties à Yport, deux randonnées au petit bois, deux visites aux voisins), par le jeu des similitudes et des écarts, mesurent enfin l’usure du temps.

Accélérations et dilatations du temps

Une étrange phrase du roman souligne le rapport complexe que Jeanne entretient avec ces fragments de temps : «Une idée la saisit qui fut bientôt une obsession terrible, incessante, acharnée. Elle voulait retrouver presque jour par jour ce qu’elle avait fait [j elle parvenait parfois à retrouver un mois entier, reconstruisant un à un, groupant, rattachant l’un à l’autre tous les petits faits qui avaient précédé ou suivi un événement important. » Si la durée supposée de l’intrigue du roman nous conduit de 1819 aux environs de 1848, nous comprenons que l’écoulement du temps à l’intérieur du récit dépend de la façon dont Jeanne le perçoit.

Le premier chapitre, qui raconte l’arrivée de Jeanne aux Peuples, dilate la durée ; les chapitres suivants initient au contraire un processus d’accélération que mesure la modification des adverbes ou locutions temporelles : « le dimanche suivant », «deux jours après », e la semaine suivante », «régulièrement» et enfin «de jour en jour »... Plus parlante encore est la confrontation du rapport durée

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