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Le contrôle de constitutionnalité viole-t-il l’expression de la volonté générale?

Dissertation : Le contrôle de constitutionnalité viole-t-il l’expression de la volonté générale?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  27 Février 2024  •  Dissertation  •  2 085 Mots (9 Pages)  •  33 Vues

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 Le contrôle de constitutionnalité viole-t-il

l’expression de la volonté générale?

Accroche ( lien avec sujet)

        Le Conseil constitutionnel a rarement été autant sous le feu des projecteurs que lors de l’épisode tumultueux de la réforme des retraites en mars-avril 2023, durant lequel il a pu se prononcer, notamment sur les deux propositions de lois référendaires portant sur l’organisation d’un referendum d’initiative partagée fixant l’âge de départ à la retraite à 62 ans. Les «sages» ayant refusés ces 2 propositions, les acteurs de l’opposition s’interrogeaient et amenais à la réflexion quant à la légitimité du contrôle de constitutionnalité.

        Cette réflexion nécessite cependant des éléments de définitions en propos liminaire, ainsi le contrôle de constitutionnalité pourra se définir selon Michel de Villiers, professeur de droit constitutionnel comme une"Procédure ou ensemble de procédures ayant pour objet de garantir la suprématie de la Constitution en annulant, ou en paralysant l'application de tout acte [généralement une loi], qui lui serait contraire". Aujourd’hui, l’organe chargé de contrôler la constitutionnalité des lois est le Conseil constitutionnel. Cette notion est présentée dans le sujet en opposition frontale avec celle de «volonté générale» à qui on attribue la paternité au philosophe des lumières Jean Jacques Rousseau qui la définie dans son ouvrage phare Du contrat social comme l’intérêt commun du peuple qui s’oppose à la somme des intérêts particuliers. Quid de l’expression de cette volonté générale en politique? A cette question, la Révolution répond la loi, adoptée par les représentants du peuple – une souveraineté nationale étant préférée à une souveraineté populaire rousseauiste – , qui sera érigée en norme suprême, sacrée, intouchable puisque expression de la volonté du peuple (article 6 de la DDHC de 1789). Ce légicentrisme révolutionnaire n’est certes plus d’actualité aujourd’hui mais le principe de l’article 6 tient, depuis la fameuse décision du conseil constitutionnel de 1971 («liberté d’association») valeur constitutionnelle.

        S’il fût évoqué précédemment le Conseil constitutionnel, cette organe mérite quelques précisions contextuelles. En effet il est institué par la Constitution de 1958 (cependant réellement installé le 5 mars 1959) et est un organe sans précédent dans l’histoire constitutionnelle française, les révolutionnaires se méfiant d’un organe muselant la loi considéré suprême. A partir des années 70, le Conseil de la rue Montpensier va réellement s’affirmer comme juge constitutionnel et garants des libertés fondamentales en donnant au préambule de la Constitution (et donc à la DDHC de 1789 et au préambule de la Constitution de 1946 auxquels renvoi le dit préambule de 1958) valeur constitutionnelle.

        Pour autant, ce Conseil constitutionnel, ayant eu une grande difficulté à s’imposer comme l’organe de contrôle de constitutionnalité dans l’histoire constitutionnelle post-révolutionnaire, méfiant pour la suprématie de la loi, n’est pas exempt de critique aujourd’hui. Et pour cause, l’office même de l’organe chargé de la constitutionnalité des lois est de se confronter aux lois, de les poursuivre même jusqu’à la censure si jugées inconstitutionnelles. Mais la loi, comme précédemment évoqués est la voix du peuple, la traduction juridique de sa volonté politique – du moins dans un système démocratique sain – et dès lors il sera toujours délicat de se confronter frontalement à l’expression du peuple tout en arguant être une institution s’inscrivant dans une démocratie républicaine et qui plus est, garante des libertés fondamentales.

        Ainsi la question qui suscite des débats depuis la Ière République se pose, à savoir est ce que le contrôle de constitutionnalité dans sa forme contemporaine est-t-il réellement démocratique ?

Des récentes critiques du Conseil constitutionnel tendent à penser que ce contrôle ne serait tout bonnement pas démocratique et qu’il conviendrait de réformer en profondeur cette institution pour remédier à cela (I), a contrario, il ne faudrait pas tomber dans le manichéisme facile car un contrôle de constitutionnalité n’est pas sans aucune vertus et il est une condition sine qua non à une démocratie soucieuse du respect des libertés fondamentales. (II)


I - Le contrôle de constitutionnalité, anti-démocratique dans sa forme

        Si l’on se penche sur les critiques récentes du contrôle de constitutionnalité, elles ne se focalisent pas sur le contrôle en lui même mais plus sur sa forme actuelle et plus précisément les membres de l’organe de contrôle aujourd’hui en France à savoir le Conseil Constitutionnel. Les sages de la rue Montpensier sont en effet remis en question quant à leur légitimité et leurs intérêts (A) ainsi que sur leurs travaux directement (B).

A – Un organe avec une composition lacunaire

        Communément désignés dans la sphère médiatique comme les «sages» - non sans rappeler l’âge particulièrement avancé de ceux-ci, certains utilisant l’expression de gérontocratie - , les membres du Conseil constitutionnel au nombre de 9 sont nommés par le Président de la République, le Premier Ministre et les présidents de chaque chambre du Parlement français; ainsi, ces 4 personnalités politiques jouissent d’un monopôle quant à la nomination des membres du Conseil constitutionnel. Voilà le premier écueil soulevé par certains juristes mais aussi certaines personnalités politique qui usent alors du terme fort: légitimité. En effet, quelle légitimité ont les membres du Conseil pour siéger au Palais-Royal? Cette problématique ne date pas d’avril dernier mais puise ses origines dans la Révolution: l’abbé Sieyès avait proposé en 1795 un «jury constitutionnaire» chargé du contrôle de constitutionnalité mais composé d’une assemblée de 108 membres élus par la Convention. On aperçoit dès lors une dualité de possibilité en ce qui concerne la composition des membres de l’organe: soit ils sont élus, soit ils sont nommés. La Constitution de 1958 a préféré la nomination, ce qui peut soulever certaines questions de légitimité démocratique. La nomination des membres n’est pas tant un problème en elle même - l’élection n’étant pas une solution miracle aux crises politiques - mais c’est précisément le fait qu’aucunes conditions d’impartialité ou encore d’exigences professionnelles ne soit de mises. Résultat: les membres du Conseil constitutionnel aujourd’hui sont presque tous des personnalité politiques et non des juristes, des praticiens aguerri d’une longue carrière de praticien du droit, non. Au contraire, il s’y trouve deux anciens ministres (jacqueline Gourault et Alain Juppé). La situation est donc la suivante un organe se voulant juridictionnel composé de politiques nommés par des politiques. Ce qui peut en parallèle soulever des questions d’impartialité. Prenons l’exemple de Jacqueline Gourault, le 1er avril 2022 elle a statué dans sa décision n° 2022-986 QPC en prononçant la conformité de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique à la Constitution. Jusqu’ici, aucun problème mais il s’avère que la loi en question soumise à une QPC a été soutenu par...Jacqueline Gourault elle même dans le cadre de son exercice de Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales entre 2018 et 2022. Voilà ici une situation de juge et partie au litige, puisque le juge constitutionnel statue sur une loi qu’il à lui même soutenu, situation contraire à l’exigence d’impartialité auquel tout juge d’une juridiction en bon et du forme est soumis. En ça, Lauréline Fontaine, professeur de droit public au département d'études européennes de l'université de La Sorbonne Nouvelle (Paris 3) qui prône publiquement une réforme du Conseil constitutionnel déclarait: «Ce qui frappe d’abord c’est la dimension quasi structurelle d’une situation du Conseil constitutionnel comme juge et partie. [...]. Juge de la loi, il juge ainsi d’un acte dans l’élaboration duquel presque toutes les autorités politiques sont intervenues: le Président de la République souvent, qui impulse une politique — c’est le cas de cette réforme des retraites — le Gouvernement, qui prépare la loi au moins six fois sur dix, et enfin les assemblées, qui en principe doivent voter la loi pour que celle-ci soit adoptée. Or les neuf membres qui composent le Conseil constitutionnel sont, par l’effet de la pratique des autorités de nomination (le Président de la République, le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée nationale)».1

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