Code Justinien

Commentaire de texte

« Il est incroyable combien tout le droit civil, à part le notre, est confus et presque ridicule » dit Cicéron dans le De Oratore, exprimant ainsi la supériorité des Romains sur les Grecs en matière juridique. D’ailleurs, même le Code civil français qu’on connaît aujourd’hui tire ses racines du droit romain, l'une des fondations juridiques les plus influentes de l'histoire. Le droit romain a connu une transformation remarquable sous le règne de l'empereur byzantin Justinien Ier au VIe siècle. Au cœur de cette révolution juridique se trouve un grand projet de codification et une activité législative monumentale. En 528, sous les ordres de Justinien, la commission Tribonien formée par des professeurs de droit et présidée par le juriste Tribonien, commence la rédaction d’une œuvre qui devient à sa promulgation le plus grand recueil de textes juridiques: le Corpus Juris Civilis. Sa première partie, appelée le Codex Justinianus ou le Code Justinien, compile toutes les constitutions impériales, les leges, depuis Hadrien. Ceci fut immédiatement suivi par deux nouveaux recueils, le Digeste et les Institutes qui forment ainsi les deuxième et troisième parties du Corpus juris civilis. Le Digeste, aussi connu sous son nom grec de Pandectes « l’œuvre qui contient tout », réunit des textes juridiques et la jurisprudence par matière et l'Institute, lui, sert de manuel d’enseignement pour les étudiants de droit. Avant la publication du Digeste, pour justifier son projet de codification, Justinien publie cette fois ci la Constitution Tanta. La Constitution Tanta est une constitution impériale publiée en 533. Elle représente une tentative audacieuse de rationalisation et d'harmonisation du droit romain, unifiant des siècles de jurisprudence en un tout cohérent. Mais en quoi exactement la Constitution Tanta révolutionne-t-il le droit romain? Nous verrons que cette constitution permet d’abord à l’empereur de justifier et légitimer son projet de codification (I) et qu'il a pour but de synthétiser, d'unifier et d'améliorer le droit romain (II).

I- Un texte impérial qui permet de justifier et légitimer l’empereur

La Constitution Tanta est avant tout une œuvre du grand empereur romain Justinien Ier. Elle présente et justifie son projet de codification d’abord par le pouvoir divin (A), ensuite par l’implication dans sa rédaction des experts de droit tels que des juristes et des professeurs (B).

Un empereur légitimé par le divin

“l’empereur César Flavius Justinianus, l’Alaman, le Franc, le Goth, le Germain, l’Ante, le vandale, l’Africain, pieux, heureux, glorieux, vainqueur et triomphateur, toujours auguste” → éloge de l’empereur, l’empereur de tous les peuples

"Au nom de Notre Dieu, Jésus-Christ" → Au nom de Dieu, ambition d'un empire chrétien

« Si grande [Tanta] est la providence de Dieu fait homme à notre égard qu’elle ne cesse de nous combler de ses grâces éternelles. » —> Tanta est l’œuvre de l’empereur, ainsi l’œuvre de Dieu

« Après qu’une paix perpétuelle a mis fin à la guerre contre les Parthes, que nous avons subjugué le péril vandale, associé une seconde fois à l’empire de Rome Carthage et même toute la Libye, Dieu a permis que les lois anciennes, accablées sous le poids de leur vieillesse, fussent par nos soins parées d’une nouvelle splendeur et réunies en un recueil peu considérable ; personne avant nous n’avait espéré pouvoir réunir ce qui paraissait tout à fait impossible à l’esprit humain. » —> « Dieu a permis », « impossible à l'esprit humain » Dieu est l’auteur de Tanta car idée inconcevable pour un humain

« Une telle entreprise fut l’œuvre de la céleste Providence, car elle était irréalisable pour la faiblesse humaine. Aussi avons-nous fait appel, comme d’ordinaire, au secours divin ; et après avoir invoqué la Suprême Puissance, nous avons demandé à Dieu d’être le garant et le maître de tout l’ouvrage. » —> irréalisable sans Dieu

« De son côté notre Majesté, suivant et examinant de près leur travail, aidée du secours du Ciel, corrigeait tout ce qui était douteux et incertain et lui donnait une forme convenable. Tout l’ouvrage terminé, le Seigneur notre Dieu Jésus-Christ nous en ayant donné, à nous et à nos collaborateurs, la possibilité. » —> Empereur aidée par Dieu observe et examine la rédaction de ces œuvres

Comme il n'y a que les choses divines qui soient parfaites, et que le sort du droit humain est de s'étendre à l'infini et de ne pouvoir rester immuable […], nous pensons bien qu'à l'avenir surgiront des difficultés qui ne sont pas prévues dans les lois actuelles. Dans ce cas, il faudra avoir recours à l'empereur : car Dieu lui-même a élevé le pouvoir impérial au-dessus de tous les hommes à l'effet de corriger, d'ordonner, de soumettre à des solutions convenables toutes les situations nouvelles. […] —> En cas de vide, de flou ou de non sûreté, l’empereur prend la décision car Dieu lui confie le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire.

« C’est ce qui a été exécuté avec la grâce du Ciel et de la Très Sainte Trinité, conformément aux ordres dès le début adressés à l’illustre Tribonien. » —> Dieu ordonne les experts

Ainsi selon Justinien, son projet de codification a été possible grâce aux ordres divins. Néanmoins, il utilise également un autre moyen pour justifier la légitimité des textes juridiques: l’expertise des rédacteurs.

Un texte juridique édicté par des juristes, ainsi par des experts

« Nous en avons confié l’exécution à Tribonien, homme exceptionnel, maître des offices, ancien questeur de notre palais et ancien consul ; nous l’avons chargé du soin de cette mise en ordre afin qu’avec la collaboration d’autres hommes illustres et très prudents, il satisfît à notre vœu. » —>

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