BTS CGE LA VITESSE ET LA LENTEUR

À TOUTE VITESSE-CGE-2019/2020

1. La valorisation de la vitesse et la stigmatisation de la lenteur

1. L’attrait pour la vitesse

Spontanément on associe la vitesse au dynamisme, à la jeunesse, à la force et à la puissance, à la performance et à l’efficacité. Dans notre société la vitesse est incontestablement valorisée. Les représentations collectives immédiates sont positives. Elle est perçue comme un facteur essentiel de réussite des actions mises en œuvre. Plusieurs expressions du langage courant témoignent de cette vision méliorative de la vitesse : « aller à la vitesse de l’éclair », « atteindre sa vitesse de croisière », « tirer plus vite que son ombre » pour évoquer la qualité de tireur du fameux héros Lucky Luke, « vivre à cent à l’heure » comme une garantie d’une vie trépidante et exaltante, « prendre quelqu’un de vitesse » pour évoquer une victoire…

Il nous faut  donc nous questionner dans un premier temps sur cet attrait  qu’exerce la vitesse. Quels sont les atouts  de la vitesse ?

1. Plaisir lié à l’expérience physique de la vitesse 

On peut penser tout d’abord au plaisir physique de la vitesse que plusieurs écrivains ont décrit dans leur œuvre.

-La vitesse procure des sensations fortes,  donne le sentiment d’une vie plus intense, plus trépidante, plus exaltante. Elle donne l’impression de dépasser ses propres limites physiques, procure un sentiment de pouvoir, de toute puissance et permet une affirmation de soi. Les jeunes apprécient en général la vitesse sans doute pour cette sensation de vivre des instants extraordinaires et pour le sentiment de  force qu’elle procure, pour le plaisir de jouer avec les limites, la loi, l’autorité. La vitesse procure aussi  un sentiment de liberté et d’indépendance. On parle d’ « Ivresse de la vitesse « ou de des sensations « grisantes » qu’elle procure comme si la vitesse était comparable à une drogue de se détacher de la réalité matérielle et ordinaire, d’être hors du temps ordinaire et routinier.

1. « Harley Davidson » P71

• La fureur de vivre  (film) Nicolas Ray 1955 Vitesse=oubli du mal-être/ refus des limites= défi de l’autorité / quête de soi-même p70 Voir la scène finale
• Texte de Françoise Sagan p64-67 « Avec mon meilleur souvenir »

1. Plaisir du spectacle de la vitesse

On peut également penser au plaisir du spectacle de la vitesse.

1. Fascination pour l’exploit réalisé grâce à la vitesse par ceux qui sont considérés comme des individus hors normes quel que soit le domaine dans lequel ils excellent : le sport, la virtuosité instrumentale, la diction de textes.

Dans le domaine sportif par exemple, l’Athlète depuis l’antiquité est perçu comme un être extraordinaire, hors du commun, il est perçu comme un être idéal. Il a un statut comparable aux héros de la mythologie ou aux Dieux de l’Olympe.  C’est la raison pour laquelle il peut, comme ces derniers, être représenté nu, du fait de la perfection qu’il représente.

Dans l’antiquité grecque et romaine déjà les hommes se rassemblent pour admirer les exploits des athlètes caractérisés par leur force, leur puissance, leur habileté, la vitesse.

Les jeux du cirque, les courses de char pour les Romains ou les jeux olympiques pour les grecs sont de véritables moments de liesse populaire. (Discobole statue du sculpteur grec Myron (Ve AJC) statue emblématique de la perfection du corps de l’athlète.)

Aujourd’hui les   champions sportifs sont toujours perçus comme des êtres exceptionnels. Il sont devenus des stars, des idoles. Ils  fascinent parce qu’il incarne la possibilité de défier les limites de la condition humaine. Ils représentent également  des valeurs sociétales importantes : la beauté, la jeunesse, la force, l’argent, la gloire. Ils sont devenus  « les dieux du stade » et réalisent des exploits dignes de les faire entrer dans « la légende du sport ».

Voir Jean Echenoz Courir 2008 p

On peut remarquer également que la vitesse est un sujet cinématographique à elle seule. Au cinéma plusieurs films dont le ressort principal est la vitesse sont devenus de véritables succès populaires, des blockbusters comme Taxi ou Fast and furious, ou Need for speed  dans le domaine du jeu vidéo. Le spectateur vit la vitesse par procuration, comme s’il était au volant d’un bolide sans en prendre les risques.

1. Félix Baumgarten

2. Jacques Henri Lartigue « Automobile Delage », 1913 Voir illustration II

3. Théodore Géricault Course de chevaux ou derby de 1821 Illustration I

1. Vitesse modernité et progrès technique

Depuis la révolution industrielle la vitesse est associée à l’idée de progrès . Les innovations technologiques ont permis aux hommes d’aller plus vite, d’accélérer le rythme de leur existence ou de diminuer la pénibilité de certaines tâches. La vitesse a considérablement accru  le pouvoir de l’humanité dans son exploration du monde et la maîtrise de son environnement. Elle est même devenue l’objet d’un culte. Plusieurs étapes symboliques témoignent de cette multiplication des possibles et de la puissance de l’humanité grâce à la vitesse.

• Fascination pour le train au XIX e siècle qui a changé notre rapport au monde et  notre  perception du monde Voir P 30 texte de  Gérard de Nerval
• Automobile devenue un objet de consommation pour le plus grand nombre
• Conquête du ciel symbolisé notammen par le  franchissement du mur du son en 1947 /
• De même pour la conquête de l’espace et la date légendaire du  20 juillet 1969 : « on a marché sur la lune » s’exclama-t-on ; 600 millions de terriens suivent en direct l’événement ; une des plus grandes émotions collectives et planétaires du XXe siècle, appartient à la   légende de l’humanité de la modernité.
• Enfin, la révolution numérique a permis de communiquer en temps réel et à l’échelle planétaire ; la communication entre les êtres humains et la circulation des informations n’a jamais été aussi rapide . De plus le nombre d’émetteurs et de récepteurs pour un même message est sans limite. Ces nouveaux outils de communication ont profondément bouleversé notre rapport au monde, à l’information, aux autres. Nous avons l’impression de pouvoir communiquer avec beaucoup plus de personnes qu’auparavant, d’échanger nos points de vue sur les réseaux sociaux, avec nous proches mais aussi avec des inconnus, d’accéder à beaucoup plus d’informations.

1. La stigmatisation de la lenteur

Parallèlement à cette fascination de la vitesse et au culte qu’on lui voue comme symbole du progrès de l’humanité on observe une stigmatisation de la lenteur.

La lenteur est souvent associée à :

- la fainéantise,  la paresse, l’oisiveté qui est « mère de tous les vices » (proverbe)

- l’inertie, l’immobilité, l’inaction

- l’indolence, la mollesse

- la procrastination, le manque de motivation

- L’ennui, la morosité de l’existence

Madame Bovary en quête d’une vie trépidante, exprime son mal être en terme d’ennui, de morosité de son existence. Elle rêve d’une vie exaltante, rythmée par  les distractions, la rapidité du rythme de l’existence de la grande ville. De même, l’héroïne d’Une vie d Maupassant associe son mal être et la trahison, l’abandon de son mari à la lenteur de sa vie et l’ennui qui en découle. Voir p20.

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