LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Le débat français sur le service public

Mémoires Gratuits : Le débat français sur le service public. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  28 Mai 2014  •  2 154 Mots (9 Pages)  •  793 Vues

Page 1 sur 9

Le débat français sur le service public

Bien que la mention de « services publics » remonte jusqu’au XVe siècle, l’acte de naissance du service public est plus tardif en droit administratif (arrêt Blanco, 1873). Pour que s’enclenchât sur la notion ainsi juridiquement consacrée un travail de théorisation, il fallut attendre encore la première décennie du XXe siècle. Un vigoureux débat a alors opposé deux modèles, thématisés par deux des plus célèbres juristes de la Troisième République. Ce débat s’applique de façon fort significative au service public universitaire : depuis la loi du 18 mars 1880, il ne pouvait exister en France d’établissements d’enseignement supérieur pouvant prendre le titre d’universités hors du service public. Par voie de conséquence, la discussion sur le service public éclaire rétrospectivement ce qu’en a été jusqu’à aujourd’hui le devenir de nos universités.

Le projet plus logique, dans le contexte des premières décennies de la Troisième République, était celui d’un renforcement de la puissance publique : la République, réapparue de façon presque miraculeuse en 1875, pouvait, de fait, estimer avoir besoin d’un tel renforcement pour asseoir son régime sur le pays. Projet que défendit Maurice Hauriou, notamment dans ses Principes de droit public (1910).

Un second projet, illustré par Léon Duguit, pouvait au contraire espérer du développement des services publics un profond renouvellement dans la représentation et dans la pratique de l’Etat. « Le service public, lit-on dans le Traité de droit constitutionnel (1911), est le fondement et la limite du pouvoir gouvernemental ». En sorte que, précisait Duguit, par la théorie du service public, « ma théorie de l’Etat se trouve achevée ». Afin de comprendre la superposition ainsi affirmée de la théorie de l’Etat et de la théorie du service public, il faut prendre acte du fait que Duguit s’était donné pour objectif de combattre les doctrines de la souveraineté.

En étayant le pouvoir sur un fondement supposé solide et inébranlable, elles conduisaient en réalité, estimait Duguit, à fonder un nouvel absolutisme de l’Etat. A l’encontre de quoi Duguit considère que ce qui fonde le pouvoir de l’Etat n’est nullement à rechercher dans les droits que le souverain aurait à exercer, mais plutôt dans les obligations que ceux qui exercent le pouvoir ont à l’égard de ceux qu’ils administrent : ces obligations seules, qui sont celles du service à rendre au public, donc du service public, fondent le pouvoir qu’ils exercent (sans lequel de telles obligations ne pourraient être remplies), en même temps qu’elles limitent ce pouvoir, qui cesse là où s’arrêtent de telles obligations. Plutôt que dans ce qu’un néo-libéral comme Hayek appellera le « bornage du service public » en l’opposant à « la tendance du secteur public à s’agrandir indéfiniment » (Droit, législation et liberté, 1973-1979), le libéralisme politique résiderait donc dans la fidélité des services eux-mêmes à leur vocation : tracer les limites du pouvoir de l’Etat.

La principale conséquence de la conception duguiste consiste à faire apparaître que le service public est libéral dans le type même de décision qui consiste à l’instituer ou à le créer. La thèse de Duguit est en effet sur ce point que l’Etat exerce moins des pouvoirs qu’il ne remplit des fonctions, selon une perspective où l’on entend par fonction un ensemble d’activités unifiées par la décision de répondre à une obligation : les pouvoirs des gouvernants, écrit en effet Duguit, ne cessent de varier, mais « une chose reste constante ( … ), c’est l’obligation pour les gouvernants de remplir, au profit des gouvernés, une certaine mission, d’accomplir un certain service » – en vertu de quoi ce que nous appelons un service public n’est en fait rien d’autre que « la mise en œuvre de l’activité que les gouvernants doivent obligatoirement exercer dans l’intérêt des gouvernés ». Il peut donc bien se créer sans cesse de nouveaux services publics : loin d’obéir à une dynamique anti-libérale d’excroissance arbitraire de l’Etat, ce processus de création des services publics serait à concevoir au contraire comme de nature intrinsèquement libérale, puisqu’il part des gouvernés, donc des individus, et ne mobilise l’action des gouvernants que pour satisfaire les besoins et les demandes des individus. En termes plus contemporains : certes le développement des services publics engendre toujours plus d’Etat-providence, mais ce renforcement de l’Etat-providence n’entre pas en contradiction avec le principe de l’Etat libéral, parce qu’il est dans le principe même du libéralisme politique que les gouvernants décident d’engendrer, pour répondre aux demandes des individus, plus ou moins d’Etat providence. Là résiderait, dans le pouvoir de prendre ce type de décision, leur seul véritable pouvoir.

Une autre conséquence de cette conception tient à l’exigence que, par leur organisation même, des services de plus en plus étendus puissent veiller à ce que cette extension ne se traduise par aucun recul des libertés publiques. Il serait en effet tentant d’objecter à Duguit, qui s’est fait à lui-même cette objection, que la croissance des services publics pourrait néanmoins finir par rendre purement formelle l’idée d’une limitation de l’Etat et par aboutir à un développement exponentiel de cette puissance publique qu’il s’agissait en principe de limiter. Habile et profonde, la parade de Duguit consiste à défendre précisément le principe d’une organisation des services publics tenant compte de ce risque, à la fois par la garantie apportée aux fonctionnaires qu’ils pourront jouir de leurs libertés fondamentales (liberté d’opinion, liberté de conscience, droits nouveaux, comme le droit syndical, etc.) et par le choix de décentraliser le plus possible la gestion des services. Si le premier thème est entré dans nos mœurs démocratiques, le second reste fort original aujourd’hui et touche à l’actuel débat sur la gouvernance. Duguit consacrait en effet de vastes analyses à envisager une organisation décentralisée ou déconcentrée des services, de manière à prévenir le risque que leur accroissement public se traduise par une augmentation du pouvoir des gouvernants, donc par un renforcement de la puissance publique.

Dernière conséquence impliquée par cette théorie : quand bien même l’extension du service public entraînerait une diminution parallèle de l’initiative privée, rien n’appelle, dans les principes de la théorie, à l’élimination du secteur privé, c’est-à-dire

...

Télécharger au format  txt (14.5 Kb)   pdf (142.3 Kb)   docx (13.3 Kb)  
Voir 8 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com