LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

La délégation du pouvoir constituant au Gouvernement Pétain

Dissertation : La délégation du pouvoir constituant au Gouvernement Pétain. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Mars 2020  •  Dissertation  •  3 027 Mots (13 Pages)  •  1 054 Vues

Page 1 sur 13

« La délégation du pouvoir constituant au Gouvernement Pétain »

Introduction

« Le Sénat et la Chambre des députés sont ajournés jusqu’à nouvel ordre. Ils ne pourront désormais se réunir que sur convocation du chef de l’Etat. » Voici ce que dispose l’acte constitutionnel n°3 du 11 juillet 1940, au lendemain de la délégation du pouvoir constituant à Pétain. La délégation du pouvoir constituant peut se définir, selon le Dictionnaire des Termes juridiques des éditions Dalloz, comme le « transfert par une autorité […] dans les limites légales, du pouvoir duquel résulte des normes de valeur constitutionnelle, à une autre autorité. » Il faut parler de pouvoir constituant dérivé (qui s’applique à la révision d’une constitution déjà en vigueur), et de pouvoir constituant institué (qui est détenu par une institution, ici les deux Chambres). Il serait mal venu cependant, d’étudier le pouvoir constituant originel, puisqu’il désigne le pouvoir de création d’une Constitution pour un Etat qui n’en possède pas, et que, la France de 1940 était régie par la Constitution de 1875. Le gouvernement dit « Gouvernement Pétain » est le dernier gouvernement de la IIIème République. Il est formé par le maréchal Pétain dans la nuit du 16 au 17 juillet 1940, dans un contexte historique fort de division de l’opinion entre partisans de la poursuite des combats contre les forces allemandes, et partisans de l’armistice avec l’Allemagne nazi. Le 6 juin 1940, les troupes allemandes, sous l’autorité d’Adolf Hitler, envahissent la France et marchent sur Paris le 14 juin 1940. La question de l’armistice est alors au cœur des débats, et le Président du Conseil, Paul Reynaud, est contraint à démissionner après que les ministres de son cabinet se sont divisés en deux camps. Pétain présente alors un projet de loi dite « constitutionnelle », qui lui délèguerait le pouvoir constituant dérivé de l’Assemblée, en vue de réviser la Constitution, avec la possibilité d’une révision totale de celle-ci. La loi est votée le 10 juin 1940 par l’Assemblée nationale, réunie à l’occasion à Vichy. L’Assemblée délègue alors le pouvoir constituant qu’elle tient de la Constitution de 1875 au Gouvernement du maréchal Pétain. Le système bicaméral et la séparation des pouvoirs, tous deux représentatifs de la République Française, sont mis de côté, au profit de l’incarnation par le maréchal Pétain de l’homme providentiel. Les Français, confiants en l’homme qui s’est érigé en héros lors de la Première Guerre mondiale, accordent leur confiance à Pétain et lui octroient les pleins pouvoirs. Le contexte historique du transfert de pouvoir peut interroger la question de la légitimité du Gouvernement Pétain, qui signe l’armistice avec l’Allemagne. La Constitution de 1793 énonçait un grand principe : « le peuple français ne fait point la paix avec un ennemi qui occupe son territoire ». Ce texte, qui n’a aucune valeur en droit positif en 1940, permet tout de même de questionner la légitimité du Gouvernement Pétain. De prime abord, la délégation du pouvoir constituant au Gouvernement formé par Pétain peut sembler tout ce qu’il y a de plus contraire à la Constitution. Pourtant, l’analyse qu’il convient d’en faire démontre tout le contraire. Il faudra pour cela, sûrement, se détacher du recul historique qu’il est possible d’avoir aujourd’hui, qui permet d’être éclairé sur le régime collaborationniste, pour se focaliser sur la procédure et le droit en vigueur en 1940, et ainsi démontrer que le transfert de pouvoir de l’Assemblée au Gouvernement s’est fait dans une légalité totale. En quoi la délégation du pouvoir constituant au Gouvernement Pétain, conforme à la Constitution de 1875, rend-t-elle le Gouvernement Pétain légal mais illégitime ? Il sera tout d’abord nécessaire de démontrer la constitutionnalité incontestable de la loi constitutionnelle de 1940 (I). Puis, il conviendra de distinguer la légalité du Gouvernement pétainiste de sa légitimité à diriger le pays (II).  

  1. La constitutionnalité formelle de la loi dite « constitutionnelle » du 10 juillet 1940

La loi dite constitutionnelle du 10 juillet 1940 a été votée, dans une constitutionnalité que l’on ne peut pas remettre en cause. La procédure de révision-abrogation entamée par la Chambre des députés et le Sénat a été engagée dans la conformité totale de l’article 8 de la Constitution de 1875 (A). Les pleins pouvoirs octroyés à Pétain par la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 ont été votés dans le respect de la procédure (B).  

  1. La procédure de révision-abrogation conforme à la Constitution de 1875

L’article 8 de la Constitution de 1875 dispose que « les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la République, de déclarer qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles. - Après que chacune des deux chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée nationale pour procéder à la révision. - Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. »

L’article énonce la procédure à suivre pour abroger ou réviser une loi constitutionnelle ou la Constitution. Il faut rappeler que la Constitution de 1875 était en vigueur en 1940, et que c’est pour cela qu’il convient de s’appuyer sur ce texte.

Pour démontrer la constitutionnalité de la procédure qui conduit à l’adoption de la loi dite constitutionnelle du 10 juillet 1940, il est nécessaire de rappeler le déroulement des faits, de l’appel de Pétain à la Présidence du Conseil, à l’adoption de la loi par l’Assemblée nationale.

Les ministres du Cabinet de Paul Reynaud, Président du Conseil, se divisent en deux camps lors de l’invasion de la France par le Reich hitlérien le 6 juin 1940. D’un côté, les partisans de l’armistice entre la France et l’Allemagne ; de l’autre, ceux qui voulaient que les troupes françaises continuent le combat. Le 16 juin 1940, Paul Reynaud démissionne.

Albert Lebrun, Président de la République, appelle dès lors le maréchal Pétain, partisan de la signature de l’armistice, à la Présidence du Conseil, et l’exhorte à former un nouveau gouvernement. Ce gouvernement est formé dans la nuit du 16 au 17 juin 1940.

...

Télécharger au format  txt (19.6 Kb)   pdf (164.6 Kb)   docx (14.9 Kb)  
Voir 12 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com