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Crim. 10 avril 2018

Commentaire d'arrêt : Crim. 10 avril 2018. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  31 Octobre 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  2 834 Mots (12 Pages)  •  599 Vues

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Commentaire d’arrêt

Crim. 10 avril 2018

Dans le cadre d’une information judiciaire, le juge instructeur ne peut procéder à des actes coercitifs concernant des faits dont il n’est pas saisi. Toutefois, la Cour de Cassation semble écorner ce principe dans son arrêt du 10 avril 2018.

Une information judiciaire est ouverte le 14 avril 2014 concernant un trafic de cocaïne. Un réquisitoire supplétif du 16 octobre 2014 a élargi la saisine du juge d'instruction aux faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et détention d'armes. Les actes coercitifs exercés par le juge d’instruction, notamment des sonorisations de véhicules, ont permis de découvrir les clients et fournisseurs du suspect, les requérants en l’espèce. Un réquisitoire supplétif, faisant suite à ces découvertes, est pris le 8 février 2016 concernant les infractions à la législation sur les stupéfiants commis courant 2014, 2015 et 2016.

Les mis en examen ont saisi la chambre de l’instruction de requêtes en vue de la nullité de pièces de la procédure. Dans un arrêt du 18 juillet 2017, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence rejette leurs requêtes et considère que le réquisitoire introductif saisissait le juge d’instruction de faits d’infraction à la législation sur les stupéfiants et d’association de malfaiteurs concernant un suspect mais que, partant, il était également saisi des faits de même nature concernant les personnes qui étaient en interaction avec ce suspect, faits qui en constituaient le prolongement. La thèse en présence de la chambre de l’instruction est donc que le magistrat instructeur, en matière de stupéfiants, serait saisi d’un phénomène criminel dans son ensemble, indissociable et indivisible.

Les requérants se sont donc pourvus en cassation. Ils demandent la nullité de pièces de procédure aux motifs que le juge d’instruction aurait violé les limites de sa saisine en employant des moyens coercitifs pour établir des faits nouveaux. Les requérants demandent donc une interprétation stricte de l’article 80 du CPP qui prévoit que le juge d’instruction doit informer immédiatement le Procureur en cas de découverte de faits nouveaux.

La question qui se pose alors à la Cour de Cassation est de savoir si le juge d’instruction peut accomplir des actes d’investigation coercitifs concernant des faits dont il n’est pas saisi.

Par son arrêt du 10 avril 2018, la Cour de Cassation rejette le pourvoi en considérant que les moyens coercitifs utilisés ont été mis en œuvre régulièrement pour établir les faits dont le juge était saisi et que les faits nouveaux ainsi découverts n’en sont que le prolongement. La Cour de Cassation semble donc considérer que le trafic de stupéfiants est une infraction qui s’étale forcément dans le temps et qui conduit le juge d’instruction, par conséquent, à recourir à des moyens coercitifs pour établir des faits postérieurs au réquisitoire. Elle subordonne toutefois l’investigation de faits nouveaux à deux conditions.

Nous verrons donc dans un premier temps qu’elle subordonne l’investigation de faits nouveaux à l’emploi de moyens coercitifs régulier (I), puis dans un second temps qu’elle subordonne l’investigation de faits nouveaux à la nécessité d’être le prolongement de la saisine du juge d’instruction (II).

  1. L’investigation de faits nouveaux subordonnée à des moyens coercitifs réguliers.

En principe, le juge d’instruction ne peut procéder à des actes coercitifs lorsqu’il découvre des faits nouveaux. Toutefois, la Cour de cassation atténue ce principe lorsque les moyens coercitifs sont liés aux faits dont le juge est saisi (A) et que les faits nouveaux sont découverts grâce à ces moyens (B).

  1. La régularité des moyens coercitifs justifiée par la saisine du juge.

En l’espèce, la Cour nous rappelle que « les moyens coercitifs […] avaient été mis en œuvre régulièrement pour établir les délits […] dont le juge d'instruction était saisi ». Elle subordonne donc la régularité des moyens coercitifs au fait qu’ils soient mis en œuvre dans le champ de la saisine du juge.

En effet, il est acquis que « le juge d’instruction n’a à instruire que sur les faits expressément indiqués dans l’acte qui le saisit » (Crim. 10 mai 1973). Le juge d’instruction est saisi in rem, en l’espèce par réquisitoire du Ministère Public. Il ne peut donc pas, conformément au principe de la séparation des autorités de poursuites et des autorités d’instruction, étendre lui-même sa saisine à des faits nouveaux. L’article 80 du CPP dispose que « lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d’instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au Procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent ». Cette interdiction d’instruire sur des faits nouveaux est la conséquence du fait que le juge d’instruction ne peut pas se saisir lui-même des faits. Toutefois, la jurisprudence atténue cette règle en précisant que le juge d’instruction peut toutefois, avant toute communication au Procureur, « effectuer d’urgence des vérifications sommaires pour en apprécier la vraisemblance » mais « il ne peut, sans excéder ses pouvoirs, procéder à des actes qui, présentant un caractère coercitif, exigent la mise en mouvement préalable de l’action publique » (Crim. 6 février 1996). Un juge d’instruction ne peut donc pas procéder à des actes coercitifs sur des faits nouveaux, dont il n’est pas saisi initialement, mais peut toutefois effectuer des vérifications sommaires. Toutefois, en l’espèce, les moyens coercitifs utilisés étaient en relation avec les faits dont le juge était saisi initialement puisqu’ils visaient à établir les infractions dont le juge d’instruction était saisi. La Cour de Cassation considère donc les actes coercitifs réguliers. Cette décision se place dans le sillage d’une précédente décision de la chambre criminelle, du 14 janvier 2014, où, dans une affaire similaire, elle avait considéré que « n’encourt pas la censure […] la violation, par les OPJ, des limites de la saisine initiale du juge d’instruction, dès lors que les moyens coercitifs à l’occasion desquels étaient apparus les indices de la commission de faits nouveaux avaient régulièrement été mis en œuvre pour établir les délits dont le juge d’instruction était saisi ».

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