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Commentaire de l'article 1195 du code civil

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Par   •  26 Février 2017  •  Commentaire de texte  •  1 866 Mots (8 Pages)  •  10 775 Vues

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Commentaire du nouvel article 1195

« La force obligatoire des contrats n'impose pas une sclérose de la convention ; l'admission par l'article 1195 du code civil d'une révision judiciaire du contrat en cas de changement imprévisible des circonstances achève de convaincre que l'intangibilité ne bénéficie pas d'une invariabilité absolue. » Houtcieff

En principe le juge n'a pas à intervenir dans le contrat en vertu du principe de la force obligatoire. Or se pose ici la question de l'imprévision c'est à dire d'un changement de circonstances économiques qui engendreraient un déséquilibre manifeste entre les parties. L'exécution du contrat n'est alors pas impossible mais très difficile pour une des deux parties. L'imprévision n'était pas reconnu avant l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations et entrée en vigueur le premier octobre 2016.

La plupart des pays connaissent l'imprévision, celle ci est parfois prévue par la loi comme en Italie ou aux Pays Bas ou par le juge à l'instar de l'Allemagne et de la Belgique. De même les principes Unidroit (1994) vont obliger les parties à négocier en vue d'adapter le contrat soit d'y mettre fin dès lors que l'exécution devient trop onéreuse. L'analyse et le constat de ces régimes étrangers nous enseigne que l'admission de l'imprévision ne conduit pas toujours à l'insécurité juridique.

Le nouvel article 1195 du code civil dispose que « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »

La doctrine est depuis longtemps partagée sur la pertinence de l'admission de l'imprévision. Ceux en faveur de son admission arguent que dans une période caractérisée par une forte instabilité économique il apparaît judicieux de faire de la force obligatoire un principe plus souple. Elle n'implique pas forcement une fixité, elle n’exclue pas une souplesse. On pouvait simplement au lieu d’aller a l’imprévision, imposer au parties la renégociation contractuelle. A l'inverse les professeurs Malaurie et Aynès considèrent cela comme une négation de la force obligatoire du contrat et s'y opposent donc.

Dans quelle mesure l'admission de la théorie de l'imprévision par la réforme du droit des biens constitue-t-elle une atteinte limitée à la force obligatoire du contrat ?

Le nouvel article 1195 représente une atteinte nouvelle au principe de la force obligatoire du contrat, en opposition avec la jurisprudence antérieure (I). Cependant son importance demeure limitée de par ses conditions et ses effets (II).

I/ Une hypothèse nouvelle de négation du principe de la force obligatoire du contrat

Le nouvel article 1195 représente une consécration d'une théorie toujours refusée par la jurisprudence. Ainsi après un refus initial des juges de l'imprévision (A) le législateur s'est donc décidé par cette réforme à assouplir le principe de la force obligatoire du contrat en cas de changement imprévisible des circonstances (B).

A) Le refus originel de l'imprévision par les juges

Ce refus de l'imprévision remonte à l'arrêt du 6 mars 1876 (arrêt du Canal de Craponne). Ainsi au XVIème s., Adam de Craponne s'engage à construire un canal et à en assurer l'entretien en échange d'une redevance. Or trois siècles plus tard, la redevance était devenue dérisoire par rapport au coût réel de l'entretien. Les juges du fonds l'augmentent, mais la Cour de Cassation exerce une ferme censure : selon elle, même si c'est équitable, il n'est pas du ressort des tribunaux d'exercer une modification des contrats malgré un changement de circonstances, et ce afin de respecter la volonté des parties. La Cour pose ainsi le principe selon lequel « Aucune considération de temps ou d’équité ne peut permettre au juge de modifier la convention des parties ». Les pouvoirs du juge à l'égard du contrat étaient donc limités. Cette solution a été réaffirmée plusieurs fois à l'instar de l'arrêt de la Cour de Cassation du 15 novembre 1933.

Le Conseil d'Etat s'est montré quant à lui plus ouvert à l'imprévision : ainsi dans l'arrêt Gaz de Bordeaux du 30 mars 1916 il accepte cette théorie. Dans les faits le concessionnaire de la ville ne pouvait plus donner de gaz à ses usagers en raison d'une hausse du prix du charbon. La doctrine civiliste a ensuite expliqué cette différence par le fait que la renégociation était obligatoire pour permettre la continuité du service publique, principe purement administratif.

Ce refus jurisprudentiel originel a cependant du s'incliner avec la réforme. Ainsi alors que la plupart des innovations de l'ordonnance du 10 février 2016 viennent consacrer des positions prétoriennes il s'agit ici clairement d'une innovation à l'encontre des arrêts précédents.

B) Une censure légale de la position prétorienne

Le nouvel article 1195 admet désormais le principe d'événements postérieurs au contrat de manière inédite. Le « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat » censure donc explicitement la position jurisprudentielle antérieure. De fait la rigueur de la position jurisprudentielle s'était déjà atténuée avant cette réforme. En effet la Cour de Cassation avait maintenu le principe de l'interdiction de l'imprévision mais avait développé certaines pistes pour contourner

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