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Commentaire d’arrêts groupés : Ass. plén. 9 mai 1984 et Cass. civ. 2e, 4 oct. 2012

Commentaire d'arrêt : Commentaire d’arrêts groupés : Ass. plén. 9 mai 1984 et Cass. civ. 2e, 4 oct. 2012. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Avril 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  2 061 Mots (9 Pages)  •  946 Vues

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Phrase d’accroche : le premier arrêt soumis à notre étude concerne un arrêt rendu le 9 mai 1984 par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation. Le second arrêta été rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 4 octobre 2012. Ces deux arrêts apportent une contribution importante relative à l’appréciation de la faute de la victime manquant de discernement. Faits : ces deux arrêts ont en commun un accident impliquant un véhicule terrestre à moteur les ayant percutés à hauteur d’un passage protégé. Procédure : dans le premier cas, la Cour d’appel de Nancy, dans un arrêt rendu le 9 juillet 1980, a déclaré l’automobiliste coupable d’homicide involontaire, mais a partagé pour moitié la responsabilité des conséquences dommageables de l’accident aux motifs que l’irruption intempestive de l’enfant sur le passage protégé malgré le danger imminent avait privé l’automobiliste de la possibilité d’effectuer une manœuvre permettant d’éviter l’accident. Les parents de l’enfant mineur ont formé un pourvoi près la Cour de cassation aux moyens que l’enfant manquait de discernement et ne pouvait pas se voir reprocher un comportement fautif engageant sa responsabilité pour moitié. Toutefois, dans le second cas, la personne physique majeure sous la garde de laquelle se trouvait le mineur a été condamnée par la Cour d’appel a supporté l’intégralité des dommages liés à l’accident. Il a formé un pourvoi près la Cour de cassation aux moyens que le mineur avait commis une faute. De plus, la cour d’appel n’avait pas recherché si le conducteur ayant percuté le mineur avait commis une faute engageant sa responsabilité. Il en va de même pour le conducteur du camion stationné. Problématique : la question qui se pose est celle de savoir dans quelle mesure l’absence de discernement de l’enfant victime d’un dommage dégage la personne par la faute duquel il est arrivé de sa responsabilité civile ? Solution : si dans l’arrêt rendu le 9 mai 1984, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré que le manque de discernement de la victime d’un dommage n’était pas de nature à la dégager de sa responsabilité, car elle avait commis une faute d’imprudence. Dans le second arrêt, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en décidant que le manque de discernement de la victime dégageait cette dernière de toute responsabilité liée à la survenance du dommage. Dès lors, nous sommes passés d’une responsabilité objective à une faute objective de l’infans victime (I), pour finalement évoluer vers une législation et une jurisprudence favorables aux infans victimes (II).

I. D’une responsabilité objective à une faute objective de l’infans victime

La jurisprudence a créé la notion de faute objective (A) et fait de l’âge une des conditions de son appréciation (B).

A) La création jurisprudentielle de la notion de faute objective

La loi no 68-5 du 3 janvier 1968 (JO 4 janv.) avait introduit dans le code civil un article 489-2 (devenu l'article 414-3, à la suite de la réforme opérée par la loi no 2007-308 du 5 mars 2007), décidant que la personne sous l'empire d'un trouble mental n'en était pas moins

obligée à réparation. C'est la raison pour laquelle l'assemblée plénière a rendu, le 9 mai 1984, une série d'arrêts créant la faute objective (Cass., ass. plén., 9 mai 1984, Lemaire et Derguini). « […] les juges n'avaient pas à rechercher si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte pour retenir une faute contre lui. Cette jurisprudence exprime la disparition de la condition d'imputabilité morale, autrefois requise, pour mettre en œuvre la responsabilité civile […] La conséquence sur la responsabilité des parents devait être importante : puisque l'enfant est susceptible de commettre une faute, quel que soit son âge, ses parents doivent en répondre dans la même mesure » (Jérôme JULIEN, « Responsabilité du fait d’autrui », Répertoire de droit civil, Dalloz, Mars 2011 (actualisation : Mai 2018). La faute objective permet d’écarter l’imputabilité morale nécessaire à l’établissement de la faute, sans que l’on soit sous l’empire de la responsabilité objective qui elle, exclue la recherche de la faute. Dès lors, avec la jurisprudence Derguigni et Lemaire, une personne privée d’une raison suffisante pour apprécier un acte peut voir sa responsabilité civile engagée lorsqu’elle commet une faute engendrant un dommage pour autrui, mais également être privée du droit à obtenir réparation de son dommage lorsqu’elle est victime, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si ses facultés mentales lui permettaient d’apprécier le danger. Toutefois, la jurisprudence du 4 octobre 212 s’oppose à celle-ci en ce qu’elle déclare que l’infans victime ne pouvait se voir reprocher son manque de discernement.

B) La personne raisonnable comme référent d’appréciation abstraite :

Dans les arrêts Derguigni et Lemaire, la Cour de cassation n’a pas tenu compte de l’âge de l’infans victime pour le déclarer fautif ou pas. Elle procède à l’appréciation de son comportement par rapport à celui qu’aurait eu un adulte. En revanche, dans l’arrêt rendu le 4 octobre 2012, la Cour de cassation a repris les motifs de la Cour d’appel qui avait fait du jeune âge de l’enfant victime la raison de l’exonération de sa faute d’imprudence. L'âge est une donnée physique, objective, aisément saisissable de l'extérieur et qu'il est parfaitement envisageable de retenir pour individualiser le type de référence (le « bon père de famille ») et introduit une certaine souplesse dans l'appréciation de la faute par l'humanisation du type abstrait de référence. Il convient de noter que, dans un arrêt rendu le 4 juillet 1990, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait également fait de l’âge de l’infans victime une cause exonératoire de sa responsabilité dans la survenance de son propre dommage, sans toutefois remettre en cause sa jurisprudence Derguigni et Lemaire. Dans cet arrêt, elle n’a pas fondé sa motivation sur l’absence de discernement de l’enfant, mais sur le fait que celui-ci n’avait pas été averti du danger lié à la manipulation d’un engin pyrotechnique par l’adulte accompagnateur. Selon Monsieur le Professeur Jourdain, il ne faut pas y voir une remise en question de la faute objective excluant l’analyse des facultés psychologiques et intellectuelles du sujet. En effet, « Pour qu'il

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