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Commentaire d’arrêt CE, 21 mars 2016, Société NC Numéricâble

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Par   •  25 Janvier 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  2 661 Mots (11 Pages)  •  2 050 Vues

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Touati Maeva                                                                                                                               L3 DEG

Commentaire d’arrêt CE, 21 mars 2016, Société NC Numéricâble

Au cours d’un entretient avec Jacky Richard et Laurent Cytermann, Dufour s’interroge :  « Et si le droit souple était l’avenir du droit dur ? ». Le rapport annuel[1] du Conseil d’Etat illustre parfaitement la question en ce qu’il affirme « qu’il n’est pas souhaitable de voir des autorités publiques développer un pouvoir face à l’abri de tout contrôle juridictionnel », tout en prenant en compte que les actes de droit souple ont une importance de plus en plus grandissante. Ainsi, dans l’arrêt Société NC Numéricâble du 21 mars 2016, le Conseil d’Etat est alors amené pour la première fois à envisager la question relative à la recevabilité du recours contre les actes de droit souple.  

En l’espèce, suite à la prise de contrôle de SFR par Numéricâble, la société GCP a sollicité l’Autorité de la Concurrence afin qu’elle opère une prise de position concernant la question de la potentielle incidence de la fusion des deux plateformes internet. L’Autorité intéressée a dès lors relevé que la concentration des deux plateformes a eu pour conséquences de supprimer le risque d’éviction. Cette Autorité a d’abord relevé le parti pris par la nouvelle entité issue de l’opération de concentration entre SFR et le groupe Altice de fusionner les plates-formes propriétaires de Numericable et, qu’en ayant « effectivement fusionné », « les considérations des décisions ayant pour effet de prévenir l’acquisition par GCP de droits exclusifs de diffusion sur la plate-forme câblée de Numericable sont donc désormais sans objet ». L’affaire fut donc conduite devant l’Assemblée contentieuse du Conseil d’Etat, dans la mesure où il est impératif de reconsidérer les critères de l’irrecevabilité du recours ayant pour but d’annuler les communiqués.

Le Conseil d’Etat fut dès lors conduit à se demander si une prise de décision prise par une Autorité de régulation est, dans la mesure où elle ne comporte aucun caractère de décision, susceptible de recours en annulation.

Le Conseil d’Etat, de par les faits, considère que la société Numéricâble se doit d’être envisagée comme une société demandant l’annulation de la prise de position par l’Autorité de la Concurrence. Il précise que « la prise de position adoptée par l’Autorité de la concurrence le 23 mars 2015 a pour effet, en reconnaissant à GCP la possibilité d’acquérir des droits de distribution exclusive sur la plate-forme de Numericable, de lui permettre de concurrencer la société NC Numericable sur sa plate-forme ». Cette prise de position est dès lors perçue comme émettrice d’effets économiques ayant pour objet « de modifier le comportement des opérateurs sur le marché de l’acquisition de droits de distribution de chaînes de télévision. ». « Dans ces conditions, la délibération attaquée doit être regardée comme faisant grief à la société NC Numericable ». La solution rendue par le Conseil d’Etat est le rejet du recours au fond après qu’il ait justement su opérer un contrôle de légalité à l’égard des actes édictés par l’Autorité de la Concurrence.

A l’issu de l’augmentation, il conviendra d’axer le raisonnement de la manière suivante : il s’agira de démontrer que l’arrêt d’espèce admet une évolution de la perception des actes de droit souple par le juge (I), évolution tendant à affaiblir la traditionnelle distinction entre les actes de droit souple et les actes de droit « dur » (II).

  1. Une admirable évolution de la perception du droit souple par le juge administratif
  1. Un prévisible revirement jurisprudentiel du Conseil d’état

Dans l’arrêt dit « Numéricâble » du 21 mars 2016, le Conseil d’Etat opère une juridictionnalisation des actes de droit souple en admettant leur recevabilité en recours pour annulation. Un revirement prévisible, de la part d’un Conseil d’Etat de plus en plus soucieux d’ouvrir sa matière à l’encadrement des autorités de régulation.

Traditionnellement, les actes relevant du droit souple n’étaient que très peu admis par le juge du droit administratif, considérant ces actes comme porteurs d’aucun effets susceptibles de permettre une modification de l’ordonnancement juridique. Le droit souple regroupe l’ensemble des instruments juridiques relatifs aux directives, circulaires, avis, recommandations des Autorités Indépendantes. Le Conseil d’Etat, par le biais de son étude annuelle portée en 2013, a fondé sa définition d’acte de droit souple aux « interventions ayant pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires » ; ne créant pas par eux même de droit ou d’obligations envers ces derniers. C’est ainsi qu’une autorité dite indépendante ou de régulation disposant d’un pouvoir de décision ou de sanction, pourra recourir à des instruments dit « non contraignants ».

Ce revirement jurisprudentiel soumet alors « l’ensemble de l’exercice non contraignant de régulation a un contrôle de légalité »[2]. Ainsi, ce contrôle permet de proscrire les détournements de pouvoir afin que les autorités de régulation ne dépassent pas leur domaine de compétence. Le juge administratif veille par ailleurs à la juste régulation de l’autorité et devient compétent pour s’assurer que les prises de positions soient en accord avec le droit de l’Union et la loi.  

De par leur juridictionnalisation, les actes non contraignants pris par les autorités compétentes démontrent de leur aptitude à influencer les comportements économiques. Le Conseil d’Etat, à l’issu de la décision d’espèce, a de nouveau renforcé les droits d’accès des juges, y compris la possibilité de s’opposer aux actes de droit souple. Par conséquent, il illustre sous sa forme jurisprudentielle la tendance des autorités administratives, en particulier des Autorités Administratives Indépendantes, à utiliser des instruments juridiques de droit souple. En reconnaissant l’accès au recours pour excès de pouvoir par les requérants victimes d’actes de droit souple, le juge administratif marque une nouvelle évolution de l’Etat de Droit dans le contentieux administratif, et appelle en même temps de nouvelles manières de juger les comportements de soft Law.

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