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A l'épreuve du désir

Dissertation : A l'épreuve du désir. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Avril 2021  •  Dissertation  •  2 590 Mots (11 Pages)  •  410 Vues

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Dissertation n°8 : À l’épreuve du désir

Dans le Livre VI de La République de Platon, Léontios, fils D’Aglaïon, aperçu des cadavres près du bourreau le long des murs du port du Pirée. En même temps qu’un vif désir de les voir, il éprouva de la répugnance et s’en détourna. Tiraillé par son désir qui le forçait à regarder les cadavres et en même temps sa raison qui le poussait à s’en détourner, après avoir lutté contre lui-même, il fût maîtrisé par son désir et ouvrit grand les yeux pour observer le spectacle. Alors, comment faire face à l’épreuve du désir ? Le désir est cet élan spontané qu’éprouve un sujet envers un objet et qui le pousse à agir pour pouvoir saisir cet objet. Pourtant, être à l’épreuve du désir est donc ce moment où, tiraillé entre désir et raison, l’homme doit faire un choix : prendre la voie de la raison et de la sagesse, ou s’orienter vers le désir et les plaisirs qu’il suscite. Ainsi, réussir l’épreuve du désir signifie franchir cet obstacle qui est le désir qui s’érige entre la volonté et la raison, et qui attire l’homme vers les abîmes des plaisirs sensibles, vers la perversité, vers l’éphémère et le consumable. L’homme doit donc réussir à dompter son désir pour ne pas en être totalement soumis, dans le but d’avancer et d’accéder au bonheur sans être ralenti ou arrêté par ses désirs. Mais cette épreuve est de taille. En effet, après avoir lutté le plus possible, Léontios a échoué face à l’épreuve du désir et prit un plaisir pervers à observer ces cadavres gisants au sol, faisant de lui un homme sale. Pourtant, Léontios a justement lutté, ce qui signifie qu’il existe des forces permettant au sujet de lutter contre le désir, et donc peut-être à terme de s’en émanciper et donc à réussir l’épreuve du désir. Ainsi, en quoi le fait de succomber à ses désirs est-il si dangereux pour l’homme ? L’épreuve du désir est-elle réellement insurmontable ? Ou bien au contraire, existe-il d’autres forces (à l’image du thumos de Léontios qui lutta si fort) qui permettraient à l’homme d’être victorieux face à l’épreuve du désir ? Mais ce problème est fondé sur le présupposé avançant que réussir l’épreuve désir signifierait réussir à s’en émanciper, à surmonter le désir en le dominant, faisant en effet du désir un obstacle dangereux et que l’homme se doit de surmonter. Mais une épreuve n’est pas forcément un obstacle. Au contraire, une épreuve, quelle qu’elle soit, est bien souvent un tremplin ou la voie du succès, du bonheur, ou même de la sagesse… Alors, en quoi l’épreuve du désir est-elle surtout un moyen d’accéder au bonheur ?

A l’épreuve du désir, c’est-à-dire au moment où l’homme éprouve du désir et que celui-ci s’érige en obstacle afin d’empêcher l’homme d’accéder au bonheur, car il n’est qu’appauvrissement, aliénation, et perte de soi. Pourtant, la condition de l’homme d’être de désir ne lui facilite pas la tâche face à cette épreuve.

Echouer aux portes de la raison et du désir des sens (c’est-à-dire se laisser attirer par le désir) est signe de faiblesse. Le philosophe doit s’efforcer de prendre la voie de la sagesse, mais la tâche est compliquée. Dans le mythe de l’attelage ailé, Socrate explique que lors de l’ensomatose, qui correspond au moment où les âmes ont chuté dans les corps, les hommes ont perdu la connaissance de la Vérité, aveuglés par le sensible. Si les âmes volaient auparavant dans le monde des Idées, elles sont après l’ensomatose prisonnières des corps et du monde terrestre, et doivent tout faire pour retrouver l’océan du Kalon (le monde des Idées selon Martha Nussbaum), car le monde sensible est un monde sale et ignorant. Aristote, dans Ethique à Nicomaque, fait de l’accès la connaissance du Beau la condition du bonheur, et le bonheur la quête ultime de tout homme. Or, le peuple se contente bien souvent des plaisirs charnels et terrestres pour accéder au bonheur, mais ce ne sont que des plaisirs vains et éphémères qui ne permettent le plein accès au bonheur, et comme disait John Stuart Mill dans L’Utilitarisme, « mieux vaut un porc satisfait qu’un homme insatisfait ». Selon Aristote, le bonheur donc pas dans les désirs des sens, mais dans la philosophie et la contemplation du Beau.

Si les désirs ne permettent pas l’accès au bonheur, ils représentent de surcroît un véritable danger pour l’homme en ce qu’il est aliénation, appauvrissement de soi, voire consumation et destruction de soi. Marx, dans Le Capital, critique le capitalisme en ce qu’il pousse les hommes à des désirer des choses, et à faire de ces choses de véritables besoins dans une logique ascétique. Or, comme ont pu le constater Sylvie et Jérôme dans Les Choses de George Perec, la consommation d’une multitude d’objet de débouche que sur « du vide ». Le Désir est des choses est donc une illusion de bonheur, mais aussi une illusion de liberté lorsque Sylvie et Jérôme rencontrent les limites de leurs moyens financiers. Le désir des sens est donc comme l’avance Marx un « appauvrissement de soi ». Plus encore, le désir des sens est aussi perte de soi. Bataille avance dans L’érotisme que « le désir des sens est le désir, sinon de se détruire, de brûler du moins et de se perdre sans réserve ». Le désir des sens est aliénation et désubjectivation en ce que dans l’étreinte le sujet se perd on se confondant dans l’objet. Dans le roman de Herman Melville, le capitaine Achab, dans son désir ardent de vengeance envers Moby Dick, s’engage à tuer ce cachalot. Mais son désir le fait presque devenir son objet de désir, comme par exemple sa jambe taillée dans un os de baleine ou sa cicatrice blanchâtre sur le visage.

Pourtant, si à l’épreuve du désir, faire le choix du désir semble si destructeur, cette épreuve semble insurmontable tant l’homme est attiré et dominé par le désir souverain. En effet, l’homme est fondamentalement un être de désir. Freud dit bien que « le moi n’est pas maître dans sa propre maison ». En effet selon Freud, l’homme est un être de pulsion, et les pulsions sont inconscientes et échappent à tout emprise du « moi » (partie consciente de l’homme). C’est donc le « ça » (partie inconsciente de l’homme) qui est souverain, d’où la difficulté de l’homme à contrôler ses désirs, qui prennent leurs origines dans la pulsion. De la même façon, Nietzsche explique dans Généalogie de la morale, que : « une pensée se présente quand elle veut, et non pas quand je veux », faisant de l’homme un ensemble d’instincts multiples et variés qui sont en majeure partie inconscients et qui prennent leurs origines dans la Volonté de Puissance (Will zur Macht), force occulte et aveugle traversant tout le vivant. Le Don Giovanni de Mozart représente cet être de désir par excellence, animé que par « l’odeur et le jupon », ne regardant ni vers le passé ni vers l’avenir, n’étant que pur mouvement, porté par son désir.

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