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Commentaire d'arrêt Cassation, 14 janvier 2010

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Par   •  18 Octobre 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  2 048 Mots (9 Pages)  •  646 Vues

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L’arrêt du 14 janvier 2010 de la première chambre civile de la Cour de cassation traite de la question de la preuve de l’exécution de l’obligation de remise de fond, dans un contrat de prêt consenti par un professionnel, dans le cadre d’une demande du préteur en restitution de fonds.

En l’espèce, une société de crédit professionnelle, le préteur, consent un prêt à un emprunteur. Une offre préalable de prêt est acceptée à l’écrit par l’emprunteur. La société de crédit affirme avoir exécuté son obligation de remise des fonds et sollicite l’exécution de l’obligation de restitution de l’emprunteur. Or, celui-ci conteste avoir reçu la somme prêtée et refuse de restituer les fonds. 

 

La société de crédit assigne alors l’emprunteur en justice afin que celui-ci soit contraint d’exécuter son obligation de restitution des fonds. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 14 novembre 2007, déboute la société de sa demande en paiement au motif que la signature préalable d’une offre de prêt ne dispense pas l’emprunteur de rapporter la preuve de l’exécution de son obligation de remise des fonds. La société de crédit se pourvoit alors en cassation au moyen que le contrat de prêt consenti par un professionnel étant un contrat consensuel, l’établissement de l’accord de volonté constitue à lui seul la preuve du contrat. La société de crédit dénonce également l’interdiction qui lui ait faite d’utiliser ses propres documents comptables comme preuve du versement de la somme prêtée. 

 

La seule signature d’une offre préalable de prêt dispense-t-elle le préteur de prouver l’exécution de son obligation de remise des fonds lorsqu’il sollicite la restitution des fonds prêtés ? 

Le 14 janvier 2010, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet au motif que le caractère consensuel du prêt consenti par un professionnel et la signature d’une offre préalable de prêt ne dispensent pas le préteur de prouver l’exécution préalable de son obligation de remise des fonds lorsque celui-ci réclame la restitution des fonds prêtés. Sur la seconde branche du moyen, la Cour réaffirme la souveraineté du pouvoir des juges d’appel dans leur appréciation de la valeur de la preuve rapportée par le préteur. 

 

Ainsi, la Cour de cassation s’attache à définir les conditions d’application de l’obligation de restitution des fonds (I). Pour cela, la Cour de cassation fait part de ses exigences particulières quant à la preuve du versement initial de fonds par le préteur (II). 

 

 

I-                   LA DEFINITION PAR LA COUR DE CASSATION DES CONDITIONS D’APPLICATION DE L’OBLIGATION DE RESTITUTION DES FONDS DANS LE CADRE D’UN CONTRAT DE PRET 

 

Bien que la Cour de cassation s’attache à rappeler le caractère consensuel du prêt consenti par un professionnel du crédit (A), elle n’en tire aucune conséquence en précisant que seule la remise des fonds par le préteur fait naitre une obligation de restitution des fonds pour l’emprunteur (B) ; 

 

  1. LE RAPPEL DU CARACTERE CONSENSUEL DU CONTRAT DE PRET CONSENTI PAR UN PROFESSIONNEL DU CREDIT 

 

 

La Cour de cassation réaffirme le caractère consensuel du contrat de prêt consenti par un professionnel. Cela s’inscrit dans le contexte d’une jurisprudence constante en la matière notamment depuis les arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation affirmant dans des arrêts du 27 mai 1998 « le prêt consenti par un professionnel n’a pas la nature de crédit » et du 28 mars 2000, que « le contrat de prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel ». En l’espèce, le préteur est bien un professionnel du crédit. Cette distinction désormais classique entre les contrats consensuels, solennels et réels est aujourd’hui présente à l’article 1109 du code civil depuis l’ordonnance du 10 février 2016. Avant cette réforme, seule la jurisprudence distinguait entre ces trois natures du contrat. Bien que cette qualification du contrat de prêt soit largement admise, la Cour de cassation la rappelle à l’amorce de son raisonnement. Le préteur et les juges de cassation partagent le même avis sur la nature du contrat de prêt. Toutefois, ils ne vont pas tirer les mêmes conséquences de ce constat. Le caractère consensuel du contrat de prêt consenti par un professionnel est l’élément central de la première branche du moyen du préteur. La Cour de cassation ne conteste pas le caractère consensuel du contrat mais n’en tient pas compte dans son raisonnement et cela va avoir une influence capitale sur la preuve du contrat. Il est bon de rappeler que le contrat réel est subordonné à la remise d’une chose alors que le contrat solennel requiert seulement un échange de consentement pour être valide. La Cour de cassation ne va pas se poser ici la question de la validité du contrat mais celle des obligations qui en découlent. Il s’agit de déterminer si les obligations respectives de remise des fonds et de restitution des fonds naissent simultanément par la conclusion du contrat. 

 

 

  1. LE VERSEMENT DES FONDS PAR LE PRETEUR COMME CONDITION A LA NAISSANCE DE L’OBLIGATION DE RESTITUTION DES FONDS 

 

La Cour de cassation fait du versement initial des fonds par le préteur une condition indispensable à la naissance de l’obligation de naissance de restitution des fonds de l’emprunteur. Alors que le préteur faisait de ce caractère consensuel du contrat de prêt la pièce maitresse de son raisonnement, pour affirmer que la seule rencontre des volontés constituait une preuve du contrat, la Cour dissocie clairement la signature de l’offre préalable de prêt et le versement des fonds par le préteur. Cela semble logique, le simple échange des consentements garantit la validité du contrat mais ne garantit en rien l’exécution de la remise des fonds par le préteur. En l’espèce, l’emprunteur a bien signé une offre préalable de prêt mais affirme ne pas avoir reçu la somme en question. C’est bien cette deuxième étape qui fait naitre l’obligation de restitution des fonds pour l’emprunteur, or, elle n’est ici pas prouvée. La signature seule n’oblige pas l’emprunteur à restituer les fonds tant qu’il ne les a pas encore reçus et c’est la raison pour laquelle la Cour de cassation rappelle la nécessité de prouver la remise des fonds initiale. Au contraire, la réunion des manifestations de volonté du préteur et de l’emprunteur fait automatiquement naitre l’obligation pour le préteur de remettre les fonds qu’il s’est engagé à prêter. Comme le relève très justement Remy Libchaber, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, l’obligation de restitution des fonds est « la conséquence mécanique de la détention d’une chose par une partie qui n’y a contractuellement plus le droit » (R. Libchaber, obs. ss. Civ. 1re, 27 nov. 2001, Defrénois 2002. 259). Ainsi, bien que la Cour de cassation reconnaisse le caractère consensuel du contrat de prêt, elle refuse de reconnaitre la seule signature de l’offre préalable de prêt comme preuve la preuve de l’exécution de l’obligation de remise des fonds par le préteur. Il s’agit d’un revirement de jurisprudence. Dans un arrêt précédent du 27 juin 2006, la chambre commerciale de la Cour de cassation (05-16.905) affirmait que « le contrat de prêt consenti par un professionnel du crédit n'est pas un contrat réel, de sorte que la preuve du contrat de prêt requiert seulement que soit établi l'accord de volontés ». Dans cette décision du 27 juin 2006, la Cour avait cassé la décision des juges d’appels qui avaient estimé que l’accord de volonté ne permettait pas d’établir que le montant du prêt avait été versé à l’emprunteur.  L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 14 janvier 2010 peut légitimement être qualifié de novateur. Depuis cet, arrêt, l’emprunteur bénéficie d’une protection plus étendue. Cela parait assez pertinent car il semble qu’il serait disproportionné de contraindre le prêteur à restituer des fonds qu’il n’a pas reçu sur le seul fondement de la signature d’une offre préalable de prêt. Ce revirement de jurisprudence permet sans doute d’éviter la survenue d’un certain nombre d’abus des professionnels du crédit. Cela rééquilibre les rapports entre les professionnels du crédit professionnelles et les simples emprunteurs. Ce rééquilibrage semble heureux tant le déséquilibre de moyens de preuves et financiers peut être important entre le préteur et l’emprunteur. Cette solution sera reprise dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 8 avril 2010 dans lequel la Cour rappelle que « la preuve de la remise des fonds à une personne ne suffit pas justifier l’obligation de celle-ci de les restituer ».

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