Plaidoirie d'Antigone

Déroulement du procès

Première plaidoirie :

Avocate :

        Après le décès des frères d’Antigone, Etéocle et Polynice, Créon impose impitoyablement une loi interdisant d’ensevelir un corps, préposé celui de Polynice. Notre cliente, Antigone a bravé cet interdit pour rétablir l’honneur de son défunt frère et pour le respect d’Hadès, Dieux des Enfers. Injustement, sans forme de procès et sous une loi corrompue, elle fut condamnée à être emmurée vivante. Pour conserver sa dignité, elle se pendit, mais en vérité son cruel assassin est Créon.

        Ceux qui rougissent sont déjà coupables, la vraie innocence n’a honte de rien. Oui, Antigone même dans la mort garde la tête haute : la honte ne peut plus t’atteindre ! Ô Créon, roi de Thèbes couvre tes joues rouges car tu es coupable. Il crée les lois pour qu’elles servent ses intérêts et non ceux de Thèbes. Il corrompt les foules et insulte les dieux en violant l’honneur des défunts. Mais il est aussi l’assassin d’Antigone. Comment, face à cette situation, pouvait-elle rester passive, alors que son frère était condamné à l’errance éternelle ? Quand la loi est injuste, il est juste de la combattre - et il peut être juste, parfois, de la violer. Justice d'Antigone, contre celle de Créon. Justice des résistants, contre celle de Vichy. Justice des justes, contre celle des juristes. Dans la tragédie, on se débat car on espère en sortir. Madame le juge, Messieurs Mesdames les jurés, nous plaidons dans l’espoir de sortir Antigone de ce déshonneur tragique. Une vie sans honneur ne mérite pas d’être vécue mais l’humiliation dans la mort se doit d’être effacée. Nous demandons l’acquittement d’Antigone qui est plus victime que coupable !

Preuves :

Image du corps de Polynice :

Avocat : Nous commençons par ce qui est la source de tous les conflits. Le corps pour lequel Antigone s’est donné la mort. Ce corps qui fut si glorieux et qui est ainsi laissé aux vautours. Voici ce qui condamne Polynice à l’errance éternelle.

Expertise psychiatrique :

Avocat : J’appelle M. Lemoel Expert judiciaire en psychiatrie.

M. Lemoel : D’après mes études, la patiente Antigone n’est nullement folle. Nous avions déjà ausculté la fille d’Œdipe avant qu’elle passe à l’acte. Il faut comprendre qu’elle venait de perdre son frère et donc était en état de choc. D’après nos rapports, notre patiente n’était pas suicidaire et a mis fin à ses jours pour ne pas se voir mourir à petit feu. Selon la personnalité d’Antigone, rétablir l’honneur est quelque chose de très important. Nous avons réalisé le test de Rorschach qui nous a démontré que son honneur était très important, qu’elle avait le sens du sacrifice, elle avait une intelligence émotionnelle importante. De plus, elle sort du cadre de la personnalité « normale », mais reste une jeune femme tout à fait conforme. Elle est obstinée à la limite de l’obsession.

Avocat : Mais qu’en est-il du requérant, Créon ?

Psychiatre : Créon est troublé par ces nouvelles fonctions en tant que souverain de Thèbes, il s’est avéré que des symptômes du trouble bipolaire ont fait surface. Il a du mal à garder son calme et peut se monter agressif dans les situations qu’il ne maîtrise pas. Par exemple, lorsque nos experts l’ont examiné, il s’est montré réticent devant les différentes questions posées. Il n’est ni dangereux ni inoffensif pour autant.

Avocat : Merci beaucoup pour votre témoignage.

Interrogatoire du garde :

Avocat : Qu’on appelle le garde. Pierre Râtisseau, garde de Créon. Jurez-vous sur Zeus de dire la vérité, uniquement la vérité.

Garde : Oui, j’ promets, M’sieur.

Avocat : Débutons ; Avez-vous reçu des ordres particuliers de Créon, dans les plus brefs délais succédant le combat entre Etéocle et Polynice ?

Garde : Oui m’sieur. Mon chef Créon m’a ordonné : « Toi, va me retrouver les dépouilles des deux frères ! » Il voulait que j’aille chercher Etéocle et Polynice.

Avocat : Ce que vous avez fait, n’est-ce pas ?

Garde : Oui monsieur, et bien !

Avocat : Pouvez-vous nous donner les détails ?

Garde : Alors on a cherché et là, y’a Michel qui nous a crié : « Les gars y’a les corps qu’on été trouvés ». J’me suis ramené et c’était pas beau à voir ! Une tuerie ! Les deux cadavres séchaient au soleil, les charognes étaient déjà un peu passées par là. On pouvait encore imaginer la rage sortant de la scène. Les deux étaient méconnaissables. Si c’est pas moche ! On est allé les signaler au patron, Créon. On en a pris un, celui qui avait le meilleur état, Créon nous a déclaré qu’il s’agissait d’Etéocle, nous autres étions pas vraiment convaincus. Aucuns des deux n’avaient de visages. Mais on l’a pris et l’autre on l’a laissé. Ça me faisait de la peine tout ça.

Avocat : Merci.

Vidéo de caméra de surveillance :

Avocat : Nous avons une preuve contre les actes hasardeux de Créon.

[Vidéo lecture]

Avocat : Nous appelons le chef de la sécurité du palais de Thèbes.

Membre de la sécurité du palais de Thèbes : Je travaille ici depuis dix ans. Ça ne fait pas longtemps qu’on a les caméras, juste deux ans, mais nous n’avons jamais capté une séquence aussi forte. Je suis surpris par le comportement de notre patron. Il a joué avec l’errance d’un ancien prince. Ça nous a choqués dans l’équipe de sécurité.

Avocat : Resterez-vous sous ses ordres ?

MSPT : En témoignant j’ai condamné ma carrière. Cependant, je pense que tout crime doit être condamné. Créon est un homme qui agit sans empathie pour ceux du bas de l’échelle sociale.

Devis funéraire :

Avocat : Nous appelons M. Lapierre, comptable du palais de Thèbes.

M. Lapierre : J’apporte les factures de la cérémonie d’enterrement d’Etéocle.

[Factures images]

M. Lapierre : Il est normal pour le héros de Thèbes d’avoir des honneurs mortuaires de cette ampleur et de ce coût. Il s’agissait de la plus cérémonie d’enterrement organisée depuis des années. Les fonds sont des dons des habitants, ils venaient des pièces des tirelires des enfants aux chèques des fortunes Thébaines. Même les mendiants nous donnaient leur maigre récolte.

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