LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Lecture Analytique Pierre Et Jean

Dissertations Gratuits : Lecture Analytique Pierre Et Jean. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Janvier 2015  •  2 259 Mots (10 Pages)  •  5 211 Vues

Page 1 sur 10

Lecture Analytique

TEXTE :

Une heure plus tard il était étendu dans son petit lit marin, étroit et long comme un cercueil. Il y resta longtemps, les yeux ouverts, songeant à tout ce qui s'était passé depuis deux mois dans sa vie, et surtout dans son âme. À force d'avoir souffert et fait souffrir les autres, sa douleur agressive et vengeresse s'était fatiguée, comme une lame émoussée. Il n'avait presque plus le courage d'en vouloir à quelqu'un et de quoi que ce fût, et il laissait aller sa révolte à vau-l'eau à la façon de son existence. Il se sentait tellement las de lutter, las de frapper, las de détester, las de tout, qu'il n'en pouvait plus et tâchait d'engourdir son cœur dans l'oubli, comme on tombe dans le sommeil. Il entendait vaguement autour de lui les bruits nouveaux du navire, bruits légers, à peine perceptibles en cette nuit calme du port ; et de sa blessure jusque-là si cruelle il ne sentait plus aussi que les tiraillements douloureux des plaies qui se cicatrisent. Il avait dormi profondément quand le mouvement des matelots le tira de son repos. Il faisait jour, le train de marée arrivait au quai amenant les voyageurs de Paris. Alors il erra sur le navire au milieu de ces gens affairés, inquiets, cherchant leurs cabines, s'appelant, se questionnant et se répondant au hasard, dans l'effarement du voyage commencé. Après qu'il eut salué le capitaine et serré la main de son compagnon le commissaire du bord, il entra dans le salon où quelques Anglais sommeillaient déjà dans les coins. La grande pièce aux murs de marbre blanc encadrés de filets d'or prolongeait indéfiniment dans les glaces la perspective de ses longues tables flanquées de deux lignes illimitées de sièges tournants, en velours grenat. C'était bien là le vaste hall flottant et cosmopolite où devaient manger en commun les gens riches de tous les continents. Son luxe opulent était celui des grands hôtels, des théâtres, des lieux publics, le luxe imposant et banal qui satisfait l’œil des millionnaires. Le docteur allait passer dans la partie du navire réservée à la seconde classe, quand il se souvint qu'on avait embarqué la veille au soir un grand troupeau d'émigrants, et il descendit dans l'entrepont. En y pénétrant, il fut saisi par une odeur nauséabonde d'humanité pauvre et malpropre, puanteur de chair nue plus écoeurante que celle du poil ou de la laine des bêtes. Alors, dans une sorte de souterrain obscur et bas, pareil aux galeries des mines, Pierre aperçut des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants étendus sur des planches superposées ou grouillant par tas sur le sol. Il ne distinguait point les visages mais voyait vaguement cette foule sordide en haillons, cette foule de misérables vaincus par la vie, épuisés, écrasés, partant avec une femme maigre et des enfants exténués pour une terre inconnue, où ils espéraient ne point mourir de faim, peut-être. Et songeant au travail passé, au travail perdu, aux efforts stériles, à la lutte acharnée, reprise chaque jour en vain, à l'énergie dépensée par ces gueux, qui allaient recommencer encore, sans savoir où, cette existence d'abominable misère, le docteur eut envie de leur crier : «Mais foutez-vous donc à l'eau avec vos femelles et vos petits ! »Et son cœur fut tellement étreint par la pitié qu'il s'en alla, ne pouvant supporter leur vue.

Introduction :

Guy de Maupassant fait paraitre Pierre et Jean dans la nouvelle revue fin 1887 et debut 1888. Concidéré par beaucoup comme le chef d'oeuvre de l'auteur, ce court roman obeit au thèses du mouvement réaliste. Ce roman nous raconte l'eclatement d'une famille après l'anonce de l'heritage d'un seul des deux fils. Cet extrait se situe dans le dernier chapitre du roman où Jean vient de proposer à Pierre de partir en devenant médecin de marine. Ce dernier trouve un embarquement à bord du transatlantique « La Lorraine ». Dans ce passage en attendant la visite de sa famille avant le départ, pierre visite le navire.

On se demandera comment Maupassant joue t'il avec les effet du reel dans cet extrait. Dans un premier temps on s'intéressera à l'aspect réaliste de la visite du bateau et dans un second temps on étudiera la dimension initiatique de cette visite.

I- Une visite réaliste

1) Des effets de réel Parmi les auteurs réalistes et naturalistes, Maupassant est un de ceux qui utilise le moins les effets de réel. Ainsi il évoque les moments qui précèdent le départ d'un navire : l'ambiance à bord avec les « bruits légers » « dans la nuit calme du port », les passagers arrivant par le « train de marée amenant les voyageurs de Paris ». Il mentionne aussi « quelques Anglais » rappelant le circuit que fait le paquebot qui passe d'abord par l'Angleterre avant de traverser l'Atlantique. En outre, la description des passagers de l'entre-pont est l'occasion d'évoquer la forte vague d'émigration pour les États-Unis dans les années 1880. on a 700 000 personnes en 1885. enfin, on apprend également que deux mois se sont écoulés depuis le début du roman, précision temporelle assez rare dans le roman, et cette précision temporelle renforce la Réalisme.

2) La description du paquebot La visite du navire est un prétexte pour faire la description de la société moderne. On voit que celle-ci se divise en deux : d'un côté le luxe du salon qui est « celui des grands hôtels, des théâtres, des lieux publics », de l'autre l'entre-pont qui est comparé à « un souterrain obscur et bas, pareil aux galeries des mines ». On a une forte opposition entre ces deux espaces avec des bâtisses qui sont hautes (« grands hôtels ») de l'autre des choses qui sont basses (« souterrain », « bas » , « mines »). On a en plus une allusion à la condition ouvrière avec les mines qui renvoient directement au roman d'Émile Zola, Germinal. Ensuite, le salon est décrit lui aussi comme « vaste », comme une « grande pièce » avec de « longues tables » et des « lignes illimitées » de « filets d'or ». Maupassant insiste sur la taille puissante du lieu renforcée par l'adverbe « indéfiniment » avec en outre un vocabulaire pictural qui souligne les lignes de fuite et donc la perspective. Le terme « encadré » renforce la dimension picturale. Par opposition, l'entre-pont est un lieu exigu dans lequel les passagers sont entassés, « grouillant par tas sur le sol ». De plus, les lieux s'opposent

...

Télécharger au format  txt (13.2 Kb)   pdf (132.8 Kb)   docx (13.1 Kb)  
Voir 9 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com