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Le temps dans Fin de partie de Beckett

Commentaire d'oeuvre : Le temps dans Fin de partie de Beckett. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  12 Juin 2017  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 246 Mots (5 Pages)  •  1 197 Vues

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LE TEMPS dans Fin de partie

Figure obsessionnelle dans l’œuvre de Beckett, le temps est au cœur de la réflexion sur la condition humaine. Le traitement dramatique du temps (comme celui de l’espace) participe de la re-présentation concrète sur scène d’une vision de l’homme et de la vie.

I) UN TEMPS FICTIONNEL MINUTIEUSEMENT REGLÉ :

  1. FDP = une crise :         -      adéquation du titre et du moment : « fin de journée » p 28
  • durée de l’action et de la représentation identiques (2 heures)
  1. les personnages (surtout Hamm) sont obsédés par le besoin de se repérer dans le temps :

                        -      cf. les refrains qui rythment le déroulement de la partie : « quelle heure est-il ? », « On est quel mois ? », « Ce n’est pas l’heure de mon calmant ? », « C’est l’heure de mon histoire. »

                        -      importance du réveil qui seul pourra indiquer à Hamm que Clov est parti et la partie finie.

=>  Il s’agit de structurer le temps de la soirée en instaurant un rituel rassurant à l’exécution duquel veille Clov pour « meubler » le temps et éviter de penser à leur situation présente dans un univers sans repères.

II) UN TEMPS RÉFÉRENTIEL BROUILLÉ ET DEREGLÉ :

A la recherche de repères, les personnages constatent que le temps ne leur en donne plus :

  1. le passé est flou, lacunaire, sujet à caution : on ne sait rien de précis sur le passé des personnages :
  • repères temporels vagues « autrefois » p 18, 30,59,  « c’est loin, loin, tu n’étais pas encore de ce monde » p 61.
  • l’ « histoire » de Hamm peut donner lieu à des hypothèses : Clov, fils adoptif de Hamm recueilli dans le « refuge » lors d’une lointaine fin du monde ? mais il n’y a que des bribes, souvent contradictoires, présentées sur un monde parodique par un « narrateur » grandiloquent ; l’histoire est présentée comme un « roman » presque achevé mais dont on ne connaîtra pas la fin p 73.
  • quelques « souvenirs » de Nagg et Nell refont surface mais deviennent suspects à force d’être traités sur un mode de déploration élégiaque (le lac de Côme p 34) ou tragi-comique (l’accident de tandem p29) .

  • le passé semble donc irrémédiablement perdu et les mots même n’ont plus de sens « hier, qu’est-ce que ça veut dire hier ! » « ça veut dire y a un foutu bout de misère. » p 60.

  1. le présent n’est pas plus stable en raison des dérèglements provoqués par le temps de la répétition :

                        -    ce qui était annoncé comme une crise devant nécessairement avoir un terme pourrait bien se répéter tous les soirs : cf. : « la même heure que d’habitude », « une journée comme les autres », « la même comédie tous les jours », « toujours les mêmes questions, toujours les mêmes réponses », « la routine » p 16, 17, 27 46, 47  … ; la fin renvoie au début et semble annuler toute la progression de la pièce : Clov essaie de partir « depuis sa naissance » et on ne le voit pas partir.

                        -    le ressassement et la répétition constituent l’essentiel de la pièce (actions, histoires, répliques…). Puisque le présent ne fait que répéter le passé,  l’avenir  ne semble pas proposer de possibilité de changement.

  • le temps ne se déroule pas il s’enroule sur lui-même dans une répétition sans fin frappant de nullité les efforts de l’homme pour lui donner un sens (une direction et une signification). Or, si le temps n’a pas de sens c’est la vie qui n’en a pas.

III) UNE DURÉE TRAGIQUE :

La perception du temps par les personnages est angoissante parce que contradictoire :

  1. le temps ne se mesure que par la dégradation : seule la conscience du délabrement permet aux personnages de voir le temps qui passe /
  • amenuisement et dégradation des choses : transcription spatiale de l’usure  par le temps : cf. décor cf. leitmotiv « il n’y a plus de… »
  • délabrement du corps et de l’esprit figuré concrètement sur scène  par les 3 générations de plus en plus décrépites : Clov marche encore mais a mal aux jambes, Hamm paralysé et aveugle, les parents déjà bouclés dans leurs poubelles/cercueils ; insistance sur les maux du corps ; faillite de la pensée et du langage « j’ai mal aux jambes…je ne pourrai bientôt plus penser » p 64 .
  • l’aspect destructeur du temps est la mesure de tout : « nous changeons, nous perdons nos cheveux, nos dents, notre fraicheur, nos idéaux » p 23 ; l’avenir sera pire « un jour tu seras aveugle, comme moi » p 51 ; bilan : « tout l’univers pue le cadavre » p 63 ; « je vois ma lumière qui meurt » p 24

  • l’expérience de l’écoulement du temps est l’expérience de la mort au sein de la vie ; naître c’est mourir « la fin est dans le commencement mais cependant on continue » p 89. Mais le pire est que la fin est impossible.

  1. l’attente interminable et délétère d’une fin perpétuellement différée :
  •  durée soulignée par les didascalies « un temps » (398 occurrences), « silence »
  • un écoulement insaisissable : cf. les indéfinis « quelque chose suit son cours », « ça avance ».
  • une attente insupportable : p 13, 17, 36, 106   … : des personnages englués dans une existence qui n’a d’autre sens que la souffrance ; la claustration des personnages est la transposition dans l’espace de la stagnation du temps.
  • ils espèrent une vague délivrance (tout en la différant) : la fin de la partie (cf. les reprises du titre dans la pièce), c.à.d. la disparition de la conscience, le retour au néant, silence, immobilité, noir (cf. Nell, Hamm).
  • l’attente de la fin détruit le sens de la vie : « ma vie a toujours été future » p 67. cf. le paradoxe du sorite : les grains et  « l’impossible tas »p 14 « toute la vie on attend que ça vous fasse une vie »p 91 : l’unité ne peut constituer une totalité ; une succession d’instants insignifiants « toujours nuls » ne fait pas une vie au sens d’une vie vécue parce que sa cohérence et son sens échappent à la conscience. Mais la mort finit par fixer définitivement ces instants « puis un jour, soudain », ça finit, ça change… ça meurt » p 106. Pourtant la fin n’est jamais sûre « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir «  p 14.
  • le  traitement du temps, répétitif et destructeur, immobile et fugitif  rend concret une vision tragique de l’existence.

h.pellizz@wanadoo.fr

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