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Le sonnet

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Par   •  9 Mars 2013  •  Cours  •  2 026 Mots (9 Pages)  •  764 Vues

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Le sonnet, importé de la Renaissance italienne par Clément Marot, qu'il emprunte à Pétrarque et à son recueil Sonneti, marque la fin de la diversité poétique moyenâgeuse en devenant la forme noble par excellence, et avec lui se répandent ses contraintes invariables.

Bien avant cela les poètes latins s'efforçaient de construire leurs vers en hexamètres dactyliques, forme bien plus contraignante que l?alexandrin, puisqu'elle régit non pas le vers, mais tous les mots employés. Alors pourquoi, si les contraintes conditionnent l?expression du poète, invente t-on continuellement de nouvelles règles régissant le poème ? La contrainte, dans son sens large, est-elle nécessaire ou bien contraire à la création ? Une expression libre est-elle libérée de toute contrainte ? Autant de questions qu?il est légitime de se poser et auxquelles nous tenterons de trouver une réponse. 

Voyons tout d?abord comment la création poétique naît de la contrainte.

Les règles de construction et de versification orientent l'oeuvre du poète. Il est indéniable que le poème se construit, dans une certaine mesure, à partir d?éléments imprescriptibles propres à la contrainte. Le poète, s?il se soumet à une certaine forme poétique, doit se plier à des exigences qui influenceront grandement le choix des termes et des tournures. En témoigne l?utilisation de figure de style comme l?anacoluthe ou l?hypallage, qui résultent de déplacements d?éléments, plus ou moins volontaires, ou du moins suggérés ? pour ne pas dire imposés ? par les impératifs de la versification. Des images formidables ou des tournures originales peuvent ainsi naître à partir d?une consigne qui, à première vue, devrait plutôt étouffer la créativité. Ainsi, Jules Laforgue, dans le poème intitulé Le Sanglot de la terre, respecte t-il la contrainte structurale du sonnet, ainsi que la règle de versification de l?alexandrin. Aussi, lorsqu'il écrit : 

« Moi, le méandre bleu qui vers le ciel se tord,

Me plonge en une extase infinie et m?endort »

peut-on comprendre le pronom tonique « Moi » comme apposé à la proposition « le méandre bleu qui vers le ciel se tord ». On obtient ainsi une métaphore formidable, et on peut se demander si cette disposition est consciente ou non, étant donné qu?elle convient parfaitement à la structure du sonnet. Les obligations formelles président donc à tous les choix lexicaux du poète. Mais ces obligations lui permettent aussi de mener à bien sa mission poétique. 

Le poète doit se soumettre à des contraintes esthétiques pour accéder au Beau. En effet, selon Rimbaud ( dans La lettre du voyant, 15 mai 1871 ) « le poète doit se faire voyant », c?est à dire qu?il doit se mettre en quête de la Beauté absolue, pour la fixer dans l?éternité à travers l?écriture. Cette mission ne peut donc s?accomplir que par l?acte de création poétique, qui est conditionnée par des règles de style. Ces règles font partie intégrante de l?art poétique, ainsi que l?expose Nicolas Boileau dans le second chant de l?essai intitulé Art poétique. Il présente la contrainte formelle comme une invention d?Apollon, dieu des arts. Cette seule origine divine suffit à la légitimer, et la contrainte semble donc indissociable de la poésie. Boileau énonce clairement celles qu?il qualifie de « rigoureuses lois » et proscrit, à travers un lexique presque juridique, ce qu?il appelle « la licence », c?est-à-dire la dérogation aux règles du sonnet. Enfin, il affirme que le « sonnet sans défaut » est le canon de « beauté suprême. » La dimension esthétique passe donc par l?observation de certaines règles stylistiques.

La contrainte est aussi garante du travail du poète. En effet, chacun pourrait évaluer une ?uvre en fonction de la somme de travail qu?elle implique. Ainsi pourrait-on, et à juste titre, préférer l?art académique à un tableau monochromatique, parce que derrière l?un, on peut voir un travail intensif et de longue haleine. De la même manière, le poète qui respecte des consignes contraignantes n?en tirera que du mérite, là où le poète guidé par son inspiration dans les plus extravagants essais. Ainsi peut-on comprendre les dérogations à la règle du sonnet de Blaise Cendrars, dans « Académie Medrano », comme une solution de facilité qui ne supposerait aucune réflexion au préalable. La contrainte est donc, en un certain sens, une garantie de qualité du poème.

Nous avons donc vu que la poésie ne peut se passer de contraintes, puisqu?elles font partie intégrante du processus de genèse du poème. Mais la poésie ne se définit pas par l?application de consignes littéraires. Elle s?inscrit dans une démarche bien plus personnelle. 

On peut penser que quelque chose dépasse l?expression formelle, et la motive en même temps. En effet, l?inspiration du poète donne à la fois son sens et son intérêt au poème. Faire de la poésie ne serait donc pas simplement « faire des phrases » ou « jongler avec les figures de style » mais bien transcrire une émotion, un sentiment ou un message qui habite le poète. La forme serait, non pas la fin, mais bien le moyen d?accéder l?esthétique, par exemple. Un poème est donc beau, autant pour « ce qu?il dit » que pour « comment il le dit. » Ainsi Joachim du Bellay exprime t-il dans Les Regrets son manque d?inspiration, symbolisée par la fuite des Muses, allégories de cette dernière. Cette carence, traduite par la reprise anaphorique de la conjonction interrogative « où », devient le thème central du poème. Du Bellay dit n?avoir « plus de souci de la postérité », et explique qu?il a, en quelque sorte, écrit un poème sans inspiration, « cette divine ardeur », sans motivation autre que celle d?exprimer sa perte. La genèse d?une ?uvre poétique est donc portée par un élan d?inspiration qui donne son sens au poème. Mais cette inspiration n?est pas forcément bridée par la contrainte stylistique. 

Aussi, et contrairement à ce que semble affirmer Boileau, la création poétique ne passe pas obligatoirement par le respect des consignes : elle peut aussi naître du non-respect volontaire de ces dernières. C?est ce que défend Tristan Corbière lorsque, dans Les Amours jaunes, il pousse la soumission à la règle jusqu?à en faire le sujet central du poème. Il dresse ainsi la parodie d?une poésie sclérosée de conventions. L?analogie

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