La scène de la rivière dans La Princesse de Montpensier

La scène de la rencontre à la rivière est une scène centrale du roman car c’est la retrouvaille des anciens amants qui va amener à l’enchainement des évènements qui vont suivre. Les sentiments entre le duc de Guise et la princesse vont renaitre et le duc d’Anjou va tomber amoureux de la princesse. Il sera celui qui va découvrir cet amour interdit qui mènera à la perte de la princesse, enfin l’extrait se clôt sur la jalousie du prince de Clèves face à son rival.

Nous allons voir d’abord qu’il s’agit d’une scène de rencontre amoureuse qui peut relever de la préciosité puis dans une 2e partie que cette scène fait le portrait de 2 princes opposés.

• Le duc d’Anjou et le duc de Guise découvrent la princesse dans des conditions particulièrement romanesque. C’est en se perdant dans la forêt qu’ils font sa rencontre, elle se tient debout sur une barque au milieu de la rivière et apparait comme une chose mystique. Cela est souligné lorsque le narrateur décrit la beauté de la princesse comme « surnaturelle ». Le décor renforce cette impression romantique avec le fleuve et la forêt qui ajoute du romantisme à la situation à l’image des rencontres amoureuses des romans précieux. Cet aspect de leur rencontre est mis en avant à travers les 2 princes « Cette aventure donna une nouvelle joie à ces jeunes princes et à tous ceux de leur suite : elle leur parut une chose de roman. »
• La préciosité de la situation se traduit aussi par les personnages de la scène. Ils appartiennent tous à la haute noblesse. Mme de Montpensier reconnaît qu’il s’agit bien du duc d’Anjou « à la quantité de gens qu’elle voyait au bord de l’eau ». Non seulement les personnages sont nobles mais ils sont aussi tous très beaux. La princesse distingue le duc d’Anjou par « Sa bonne mine qui le lui fit bientôt distinguer des autres  quoi qu’elle ne l’eut quasi jamais vu(…) ». Il n’y a que le duc de Guise qui l’emporte sur lui en beauté «  mais elle distingua encore plus tôt le duc de Guise ». Enfin la beauté de la princesse est aussi mise en avant, c’est celle qui se détache du reste des femmes dans le bateau «  ils distinguèrent aisément dans ce bateau 3 ou 4 femmes et une entre autre qui leur parut fort belle, habillée magnifiquement (..) ». Une fois que la princesse s’est approchée elle est encore plus belle de par sa rougeur à la vue du duc de Guise. Sa beauté en devient surnaturelle. Le duc de Guise voit chez elle qu’un « changement avantageux » « s’était fait en elle depuis » qu’il  l’avait vue pour la dernière fois.
• On retrouve aussi de la littérature précieuse les qualités morales chez les personnages. La courtoisie du duc d’Anjou l’amène à faire « mille excuses et mille compliments », et celle de la princesse à lui offrir « de le passer dans son bateau » Face aux louanges des deux princes elle répondit avec « toute la modestie imaginable ». La façon élégante  de s’exprimer de la princesse est soulignée par des assonances d’abord en i puis en asse enfin en  é « Elle lui répondit qu’étant partie de Champigny avec le prince son mari » «  dans le dessin de le suivre à la chasse, s’étant trouvée trop lasse ») et enfin les [e] (« la curiosité de voir prendre un saumon, qui avait donné dans un filet, l’avait fait entrer dans ce bateau »).

L’élégance du duc de Guise est elle soulignée par la métaphore de son amour pour la princesse « il pensait en lui-même qu’il pourrait demeurer aussi bien pris dans les liens de cette belle princesse que le saumon l’était dans les filets du pêcheur.

• Les personnages ont en commun la noblesse, la beauté et l’esprit cependant Mme de Lafayette nous peint des portraits de 2 princes presque opposés. Face à leur rencontre avec la princesse le duc de Guise et le duc d’Anjou ont des réactions très différentes. Le duc de Guise s’enferme dans le silence  « M. de Guise ne se mêlait point dans la conversation, mais [...] il pen­sait ». Ce silence montre à la fois son caractère discret et l’émotion immense qu’il éprouve face à une femme qu’il aime encore alors qu’il ne l’a pas revu depuis 3 années. Au contraire le duc d’Anjou est particulièrement éloquent comme le montre l’hyperbole des « mille excuses et mille compliments » qu’il fait à la princesse. Non seulement le duc d’Anjou parle beaucoup pour charmer la princesse, mais il va jusqu’à mentir pour arriver à ses fins, « il inventa une affaire considérable », considérable souligne une fois encore le fait qu’il en fasse trop.
• C’est le duc d’Anjou qui prend le plus d’initiatives avec la princesse, ce sont ses gens qui vont appeler le bateau, c’est lui qui invente une affaire pour se faire embarquer, le duc de Guise semble se contenter de le suivre passivement dans le bateau. Enfin c’est lui qui va faire la conversation à la princesse lors de la traversée. On sent le duc de Guise davantage en retrait car pour lui la princesse est plus qu’un jeu de séduction mais un amour passés qu’il n’a pas su oublier.
• Ces différences de comportement viennent du passé commun qu’ont de Guise et la princesse. Alors que cela fait « trois années qu’il ne l’avait vue », il la reconnaît « d’abord », c’est-à-dire immédiatement. A sa simple vue ses sentiments se réveillent « et sentant réveiller dans son cœur si vivement tout ce que cette princesse y avait autrefois fait naitre(…) il ne l’a donc pas oublié. Ce sentiment est d’ailleurs réciproque puisqu’elle le « distingue d’abord ». Ils ne peuvent tout deux exprimer ce qu’ils ressentent par des mots, leur amour étant interdit mais ils sont trahis par leur corps : la princesse rougit, le prince se mure dans le silence.

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