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La durée en matière pénale

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Par   •  19 Décembre 2023  •  Dissertation  •  3 436 Mots (14 Pages)  •  56 Vues

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La durée en matière pénale

Cesare Beccaria, illustre juriste du XVIIIe siècle, écrivait : “Ce n'est pas la sévérité de la peine qui produit le plus d'effet sur l'esprit des hommes, mais sa durée.” L’auteur Des délits et des peines insistait déjà sur la dimension cruciale de la durée en matière pénale, notamment dans le contexte de la sanction.

La durée des peines de prison est un sujet de débat récurrent en matière pénale. D'un côté, il y a ceux qui plaident pour des peines plus longues, affirmant qu'elles dissuadent davantage les délinquants et protègent la société. En effet, plus la sanction est longue, plus elle semble dissuasive et à même d'assurer par cette dissuasion la protection de l’ordre public. Car, de fait, le droit pénal véhicule un ensemble de valeurs sociales que le législateur entend protéger. Le droit pénal a donc besoin de durée pour assurer son action. Elle est est donc une donnée constitutive de la matière pénale.

De manière générale, l'idée de durée fait référence à un intervalle de temps, qu’on peut définir entre le “début” et la “fin”. Il s’agit donc de l’espace temporel entre ce qui commence, et ce qui se termine. Ainsi définie, il apparaît que la durée est une donnée omniprésente en droit pénal.

Sur le premier plan, lorsqu'elle est prise en considération, la durée joue un rôle constitutif en servant la mémoire du droit pénal. Par exemple, les peines et leur durée sont inscrites au casier judiciaire, ce qui permettra, le cas échéant, de faire application des règles de la récidive elles-mêmes très imprégnées par la notion de durée. Négativement, la durée est aussi source d'oubli en droit pénal. Les règles sur la prescription en sont une parfaite illustration puisque l'écoulement du temps peut permettre au délinquant de ne pas être poursuivi ou de ne pas exécuter la peine prononcée à son encontre.

La procédure pénale est aussi très largement irradiée par la notion de durée. Celle-ci est au cœur d'étapes très sensibles de la procédure pénale comme la garde à vue ou la détention provisoire. Mais c’est bien l'ensemble du droit pénal qui est influencé par l'idée de durée. Ainsi en est-il du droit pénal spécial où la durée entre dans les éléments constitutifs de nombreuses infractions. L'abandon de famille est, par exemple, constitué matérielle lorsque la personne reste plus de deux mois sans s'acquitter intégralement des obligations familiales mises à sa charge par une décision judiciaire (art. 227-3 CP). Et la durée peut également jouer sur l’intensité de la répression, comme pour certaines atteintes aux libertés de la personne.

Alors, en quoi la durée pénale est une notion au service du législateur à travers la politique criminelle tout en étant instrument à disposition du juge dans la pratique judiciaire ?

I- La durée, Instrument de politique criminelle

Lorsque le législateur s'engage dans la voie de la répression, il ne s'y engage pas de manière uniforme. Il dispose d'un ensemble d'instruments et de techniques juridiques qui lui permettent de moduler la politique criminelle en fonction de la réprobation sociale que lui paraissent devoir susciter les actes infractionnels. Il peut ainsi jouer sur la classification tripartite des infractions, sur la structure des infractions et sur des données plus générales telles que la durée. Cette dernière est en effet un excellent instrument permettant au législateur de façonner à sa guise les deux données essentielles de la politique criminelle que sont la sanction pénale et l'incrimination.

A. La durée permet de sanctionner

Dans la mesure où elle est entièrement dominée par le principe de la légalité des délits et des peines, la sanction relève d'un monopole législatif même si le juge dispose en la matière un large pouvoir lors du prononcé et de l'exécution de la sanction. C'est dire qu'en se prononçant sur la sanction, le législateur fixe la politique criminelle en se montrant plus ou moins répressif dans ces choix sanctionnateurs. Et la durée est précisément l'une des données à la disposition du législateur pour moduler la sévérité de la sanction et orienter la politique criminelle.

Trois illustrations permettent d'en rendre compte. En premier lieu, la durée est au cœur de la nomenclature des peines que le législateur met à la disposition du juge pour sanctionner l'auteur d'une infraction. En d'autres termes, la durée est la clé de voûte sur laquelle repose l'échelle des peines. Ainsi, à l'égard de la peine privative de liberté, la durée influence d'abord la nature de la peine prononcée. En effet, selon l'article 131-1 du Code pénal, la durée de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à temps est de dix ans au moins. La durée permet donc ici de qualifier la peine privative de liberté tantôt de réclusion ou détention criminelle, tantôt d'emprisonnement, ce qui entraîne d'importantes différences quant au régime d'exécution de la peine. Mieux, les différents degrés de l'échelle des peines privatives de liberté sont directement tributaires de la durée. La peine de réclusion ou détention criminelle comporte, par exemple, quatre degrés (perpétuité, trente ans, vingt ans et quinze ans) tandis que l'échelle des peines d'emprisonnement en compte huit (dix ans, sept ans, cinq ans, trois ans, deux ans, un an, six mois et deux mois).

Outre les peines principales, les peines alternatives sont également très marquées par la durée. Ainsi, sur les quatorze peines privatives ou restrictives de droit énumérées à l'article 131-6 du Code pénal, seule la peine de confiscation n'est pas prévue en considération de la durée.

Le même constat s'impose en matière de peines d'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale est soit définitive, soit temporaire, et dans ce dernier cas, elle ne peut excéder une durée de cinq ans (art. 131-27 du Code pénal). A l'évidence donc, la durée est une donnée sur laquelle repose l'ensemble de la définition légale de la peine.

En second lieu, la durée permet au législateur de prendre en considération la gravité de certaines activités criminelles afin d'accroître la répression au titre d'une politique criminelle empreinte de sévérité. On évoquera d'abord la récidive pour observer que la durée pénètre tant les conditions que les effets de cette circonstance aggravante générale. S'agissant des premières, l'analyse des différents cas de récidive applicables montre que le premier et second terme de la récidive sont très souvent définis en considération de la durée de la peine privative de liberté encourue. Par ailleurs, la récidive laisse une large place à la durée dès lors qu'elle peut être, au gré du législateur, perpétuelle ou temporaire. En jouant sur le délai dans lequel la nouvelle infraction doit être commise, le législateur se sert donc de la durée pour faire œuvre répressive. S'agissant des effets, la récidive entraîne une aggravation de la peine encourue, ce qui se traduit par un allongement de la durée de la peine de réclusion ou d'emprisonnement.

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