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Pourquoi la réalité théâtrale ne s’imposait-elle pas à moi? écrit personnel

Mémoire : Pourquoi la réalité théâtrale ne s’imposait-elle pas à moi? écrit personnel. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Décembre 2013  •  1 447 Mots (6 Pages)  •  1 322 Vues

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Quand on me pose la question: «Pourquoi écrivez-vous des pièces de théâtre?» je me sens toujours très embarrassé, je ne sais quoi répondre. Il me semble parfois que je me suis mis à écrire du théâtre parce que je le détestais. Je lisais des œuvres littéraires, des essais, j’allais au cinéma avec plaisir. J’écoutais de temps à autre de la musique, je visitais les galeries d’art, mais je n’allais pour ainsi dire jamais au théâtre.

Lorsque, tout à fait par hasard, je m’y trouvais, c’était pour accompagner quelqu’un, ou parce que je n’avais pas pu refuser une invitation, parce que j’y étais obligé. Je n’y goûtais aucun plaisir, je ne participais pas. Le jeu des comédiens me gênait: j’étais gêné pour eux. Les situations me paraissaient arbitraires. Il y avait quelque chose de faux, me semblait-il dans tout cela.

La représentation théâtrale n’avait pas de magie pour moi. Tout me paraissait un peu ridicule, un peu pénible. Je ne comprenais pas comment l’on pouvait être comédien, par exemple. Il me semblait que le comédien faisait une chose inadmissible, réprobable. Il renonçait à soi-même, s’abandonnait, changeait de peau. Comment pouvait-il accepter d’être un autre ? De jouer un personnage ? C’était pour moi une sorte de tricherie grossière, cousue de fil blanc, inconcevable.

Le comédien ne devenait d’ailleurs pas quelqu’un d’autre, il faisait semblant, ce qui était pire, pensais-je. Cela me parais- sait pénible et, d’une certaine façon, malhonnête.

Aller au spectacle, c’était pour moi aller voir des gens apparemment sérieux, se donner en spectacle. Pourtant, je ne suis pas un esprit absolument terre à terre. Je ne suis pas un ennemi de l’imaginaire. J’ai même toujours pensé que la vérité de la fiction est plus profonde, plus chargée de signification que la réalité quotidienne. Le réalisme, socialiste ou pas, est en deçà de la réalité. Il la rétrécit, l’atténue, la fausse, il ne tient pas compte de nos vérités et obsessions fondamentales: l’amour, la mort, l’étonnement. Il présente l’homme dans une perspective réduite, aliénée ; notre vérité est dans nos rêves, dans l’imagination; tout, à chaque instant, confirme cette affirmation. (...)

La fiction ne me gênait pas du tout dans le roman et je l’admettais au cinéma. La fiction romanesque ainsi que mes propres rêves s’imposaient à moi tout naturellement comme une réalité possible. Le jeu des acteurs de cinéma ne pro- voquait pas en moi ce malaise indéfinissable, cette gêne produite par la représentation au théâtre.

Pourquoi la réalité théâtrale ne s’imposait-elle pas à moi?

Pourquoi sa vérité me semblait-elle fausse ? Et le faux, pour- quoi me semblait-il vouloir se donner pour vrai, se substituer au vrai? Était-ce la faute des comédiens? du texte? la mienne? Je crois comprendre maintenant que ce qui me gênait au théâtre, c’était la présence sur le plateau des personnes en chair et en os. Leur présence matérielle détruisait la fiction. (...)

C’est avec une conscience en quelque sorte désacralisée que j’assistais au théâtre, et c’est ce qui fait que je ne l’ai- mais pas, ne le sentais pas, n’y croyais pas. (...)

Plus tard, c’est-à-dire tout dernièrement, je me suis rendu compte que Jean Vilar, dans ses mises en scène, avait su trouver le dosage indispensable, en respectant la nécessité de la cohésion scénique sans déshumaniser le comédien, rendant ainsi au spectacle son unité, au comédien sa liberté (...).

Les textes mêmes de théâtre que j’avais pu lire me déplaisaient. Pas tous! Car je n’étais pas fermé à Sophocle ou à Eschyle, ni à Shakespeare, ni par la suite à certaines pièces de Kleist ou de Büchner. Pourquoi? Parce que tous ces textes sont extraordinaires à la lecture pour des qualités littéraires qui ne sont peut-être pas spécifiquement théâtrales, pensais-je. En tout cas, depuis Shakespeare et Kleist, je ne crois pas avoir pris de plaisir à la lecture des pièces de théâtre. (...)

Je ne suis donc vraiment pas un amateur de théâtre, encore moins un homme de théâtre. Je détestais vraiment le théâtre. Il m’ennuyait. Et pourtant, non. Je me souviens encore que, dans mon enfance, ma mère ne pouvait m’arracher du guignol au jardin du Luxembourg. ... Plus tard aussi, jusqu’à quinze ans, n’importe quelle pièce de théâtre me passionnait, et n’importe quelle pièce me donnait le sentiment que le monde est insolite, sentiment aux racines si profondes qu’il ne m’a jamais abandonné. (...)

Quand n’ai-je plus aimé le théâtre ? À partir du moment où, devenant un peu lucide, acquérant de l’esprit critique,

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