Droit civil : la codification

TD CIVIL N°6: LA CODIFICATION

Sujet: le code civi, hier, aujourd’hui, demain

Introduction

        “ Ce que rien n’effacera, ce qui restera éternellement, c’est mon Code civil!” Aurait déclaré Napoléon Bonaparte en 1815 en exil à Sainte Hélène. Cette déclaration soulève l’importance du Code civil, un des textes juridiques les plus emblématiques de l’histoire française, et sa pérennité.

        Promulgué en 1804 sous la direction de Napoléon Bonaparte et de ses rédacteurs, dont le célèbre Portalis, le code civil est un recueil regroupant et organisant les règles du droit privé relatives aux personnes, aux biens et aux obligations. Il symbolise à la fois l’unité nationale, la rationalisation et la simplification du droit et une certaine reconstruction de la société. Il apparaît donc clairement que le Code civil occupe une place essentielle : ce texte reste toujours d’actualité et constitue un socle fondamental, reflétant fidèlement le droit français. Cependant, il est indéniable que la société a connu des transformations importantes, marquées par de nouveaux besoins et par les évolutions des dynamiques sociales, politiques et économiques. Cette réalité impose une adaptation nécessaire du Code civil, d’autant plus que le cadre actuel, très différent de celui du XIXᵉ siècle, nécessite des révisions pour préserver la pertinence de cette pièce maîtresse du droit français.

        L’intérêt est donc de saisir comment un texte juridique peut structurer une société et comment son effet peut durer dans le temps, en fonction des évolutions de la société. Pour se faire, nous mobiliserons des sources diverses, telles le Code civil lui-même, les travaux de codification depuis l’Antiquité, les rapports officiels de la Commission supérieure de codification, le décret du 12 septembre 1989, et les textes doctrinaux de Portalis ou de Carbonnier.

        Nous viendrons donc à nous demander dans quelle mesure un texte né dans le contexte politique et social d’après Révolution, symbole de modernité, peut-il encore jouer un rôle central dans notre société alors que la production juridique contemporaine s’est complexifiée.

        Pour y répondre, il convient d’examiner d’abord le Code civil comme une œuvre politique et un symbole de modernité lors de sa création (I), avant d’analyser son évolution contemporaine et les perspectives qui se dessinent pour son avenir (II).

I/ Le Code civil ou code napoléonien, outil politique symbole de modernité

        Créé après la Révolution et dans un contexte d’instabilité profonde post-révolutionnaire, le Code civil poursuit un double objectif. Il s’agit d’une part d’organiser juridiquement et durablement la société nouvelle issue de 1789, et d’autre part d’affirmer l’autorité du pouvoir politique qui en a permis l’élaboration. Le Code civil apparaît ainsi comme un instrument de gouvernement et un outil de modernisation de la société française.        

        A) Un outil intemporel de pouvoir et de pacification

        Depuis l’Antiquité, la codification constitue une démonstration du pouvoir souverain : Hammourabi faisait graver son code dans la pierre afin de manifester son autorité. Napoléon reprend cette fonction politique de la loi. Avant 1804, la France connaissait une mosaïque juridique complexe, marquée par la coexistence du droit écrit au sud et de coutumes au nord. Le Code civil unifie ces traditions juridiques en leur donnant une forme cohérente et applicable sur tout le territoire. Il met fin à l’arbitraire, pacifie la société et permet de restaurer l’ordre public après les violences révolutionnaires.

        Portalis, principal rédacteur du texte, expose dans son Discours préliminaire une philosophie nouvelle de la loi. Celle-ci ne doit pas chercher à prévoir chaque situation possible mais « fixer des maximes générales », laissant au juge le soin d’appliquer et d’interpréter la norme. Cela permet au code civil d’avoir une dimension intemporelle, puisqu’il peut s’adapter à des situations qui évoluent grâce à son caractère général. La loi ne doit pas être rigide mais suffisamment abstraite pour traverser le temps. Le style du Code, volontairement concis et général, traduit cette volonté de produire un texte stable et durable. Par exemple, l’article 1240 dispose “ Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer”. De plus, de nombreux articles du code civil sont encore aujourd’hui utilisés par les juridictions pour statuer sur des affaires, et ont donc toujours une portée actuelle. De fait, près de la moitié des dispositions initiales du Code civil subsistent encore aujourd’hui. C’est le cas par exemple de l’article 1384 du code civil portant sur la responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde, sur lequel se base la Cour de Cassation pour rendre une décision le 13 février 1930 concernant la responsabilité du fait des accidents de la circulation. C’est pourquoi Napoléon pouvait affirmer que sa véritable gloire n’était pas ses batailles mais ce texte destiné à organiser la société française pour des siècles. Une fois sa fonction pacificatrice accomplie, le Code civil dépasse rapidement son objectif initial pour devenir un symbole politique.

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