Cour de Cassation, Chambre civile 2, 6 juin 2002
Commentaire d'arrêt : Cour de Cassation, Chambre civile 2, 6 juin 2002. Recherche parmi 303 000+ dissertationsPar isoncini • 5 Octobre 2025 • Commentaire d'arrêt • 1 781 Mots (8 Pages) • 21 Vues
Commentaire d’arrêt
L’affaire concerne un accident de la circulation impliquant un tracteur agricole équipé d’une fourche élévatrice hydraulique. Le propriétaire du tracteur, M. André X..., avait confié la conduite du véhicule à son fils, M. Thierry X..., au moment de l’accident. Alors qu’il effectuait une manœuvre pour dégager la route et permettre à un autre véhicule de passer, M. Thierry X... fit passer la roue avant gauche du tracteur sur un flexible hydraulique alimentant la fourche, provoquant sa rupture et la chute brutale de l’équipement, qui heurta M. Y..., occasionnant à ce dernier un dommage corporel. Ce dernier engagea une action en responsabilité sur le fondement des articles 1er et 2 de la loi du 5 juillet 1985 contre M. André X... (gardien), M. Thierry X... (conducteur), l’assureur Groupama et le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO). La cour d’appel de Versailles, par arrêt du 11 avril 2000, reconnut bien l’existence d’un accident de la circulation et l’implication du tracteur, mais retint la seule responsabilité du gardien, écartant celle du conducteur et mettant hors de cause l’assureur, jugeant que la police ne couvrait pas l’usage de l’équipement à l’origine du dommage. La victime forma un pourvoi en cassation, critiquant l’exonération du conducteur dont la manœuvre était à l’origine immédiate de l’accident, ainsi que l’exclusion de l’assureur et la limitation de l’indemnisation. Dans leurs observations, le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) ainsi que M. Thierry X..., conducteur du tracteur au moment de l’accident, ont soutenu la position retenue par la cour d’appel. Ils ont fait valoir que la fourche hydraulique, à l’origine du dommage, constituait un accessoire utilitaire autonome, sans lien direct avec la fonction de déplacement du tracteur. De ce fait, selon eux, le dommage n’aurait pas résulté d’un accident de la circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985.
En conséquence, ils ont estimé que les conditions d’application du régime protecteur de la loi de 1985 n’étaient pas réunies. S’agissant de la responsabilité du conducteur, M. Thierry X. a également invoqué le fait qu’il n’était pas propriétaire du véhicule, et qu’il agissait sous l’autorité de son père. Il en déduisait qu’il ne pouvait être tenu personnellement responsable, et que seule la responsabilité du gardien ( c’est-à-dire le propriétaire du tracteur ) devait être retenue.
Ces arguments visaient donc à écarter l’implication du VTM, à limiter le champ d’application de la loi, et à réduire les débiteurs de la réparation, dans une logique restrictive contraire à l’esprit protecteur du texte.
Un tracteur agricole est-il impliqué dans un accident de la circulation causé par la chute d’un équipement utilitaire, et, dans ce cas, le conducteur peut-il être exonéré de sa responsabilité en vertu de l’article 2 de la loi du 5 juillet 1985 ?
Par son arrêt du 6 juin 2002 (pourvoi n°00-15.606), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rend une décision de cassation partielle fondée sur une double affirmation essentielle. D’une part, elle confirme que l’accident survenu relève bien de la loi du 5 juillet 1985, dès lors qu’il s’agit d’un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur (VTM), en l’occurrence un tracteur agricole, peu important que le dommage ait été causé par un accessoire utilitaire tel qu’une fourche hydraulique. La Haute juridiction rappelle que la loi s’applique dès lors qu’un VTM est matériellement impliqué dans l’accident, ce qu’elle établit par la manœuvre du conducteur ayant provoqué la rupture du flexible et la chute de l’équipement. D’autre part, la Cour casse l’arrêt d’appel en ce qu’il a écarté la responsabilité du conducteur, alors même que sa manœuvre est à l’origine immédiate du dommage. Se fondant sur l’article 2 de la loi de 1985, elle rappelle que la victime peut être indemnisée par le conducteur ou le gardien du VTM impliqué, et que la responsabilité du conducteur ne saurait être exclue dès lors qu’il a participé à l’accident. La cassation est donc partielle, limitée à la mise hors de cause injustifiée du conducteur.
Il convient ainsi d’étudier dans une première partie l’application élargie de la notion d’implication dans l’accident (I), avant d’envisager dans une seconde partie la réaffirmation de la coresponsabilité du gardien et du conducteur du VTM impliqué (II).
I. Une conception large et pragmatique de l’implication dans l’accident
A. La reconnaissance d’un accident de la circulation au sens de la loi de 1985
L’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 énonce que son champ d’application s’étend à tout accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur. La Cour de cassation, dans l’arrêt du 6 juin 2002, rappelle que cette notion doit recevoir une interprétation large, conforme à la finalité protectrice du texte. En l’espèce, le véhicule en cause est un tracteur agricole, lequel, bien qu’utilisé dans un cadre professionnel, est indéniablement un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi. L’accident s’est produit lors d’une manœuvre effectuée par le conducteur pour dégager la voie de circulation et permettre à un autre usager de passer, circonstance qui inscrit clairement les faits dans le cadre d’un événement survenu au cours de la circulation. La difficulté provenait de la cause immédiate du dommage : une fourche élévatrice hydraulique fixée sur le tracteur, dont la chute fut provoquée par la rupture d’un flexible hydraulique écrasé par une roue du véhicule. Pour certains, un tel accessoire ne relèverait pas de la fonction de circulation du VTM. Toutefois, la Cour adopte une lecture fonctionnelle et réaliste :
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