Commentaire d’arrêt : CE, 29 mars 2017, Layher, 399506
TD : Commentaire d’arrêt : CE, 29 mars 2017, Layher, 399506. Recherche parmi 303 000+ dissertationsPar fnasonte • 4 Octobre 2025 • TD • 2 133 Mots (9 Pages) • 8 Vues
Commentaire d’arrêt : CE, 29 mars 2017, Layher, 399506
En l'espèce, une disposition d'un paragraphe d'une l'instruction exclut le bénéfice de l'exonération pour les distributions entre sociétés d'un même groupe lorsqu’elles ne sont pas soumises au régime de l'intégration fiscale. Cette exclusion persiste même si la condition de détention du capital à hauteur de 95 %, prévue à l'article 223 A du Code général des impôts, est remplie.
La société requérante, met en place un recours pour excès de pouvoir contre le paragraphe de cette instruction. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil d'État a rendu son arrêt pour remettre l'affaire au Conseil constitutionnel. La question a été soulevée de la conformité à la Constitution de la réserve d'exonération de la contribution additionnelle de 3 % aux seules entreprises soumises au régime d'intégration au régime fiscal. Par arrêt rendu le 30 septembre 2016, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution les mots "entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A" mentionnés au 1° du paragraphe I de l'article 235 ter ZCA du Code général des impôts. Mais il a différé cette abrogation au 1er janvier 2017. Par conséquent, la société demande à annuler les effets de ce paragraphe plus tard que la date du 1er janvier 2017.
La société requérante invoque le recours pour excès de pouvoir de l'article n° 130 de l'instruction, en ce qu'il exclut du champ d'application de l'exonération les versements dénommés entre entreprises d'un même groupe et n'étant pas soumis au régime de l'intégration fiscale, y compris quand la condition de détention du capital à 95 %, prévue à l'article 223 A du Code général des impôts, est remplie. À titre subsidiaire, elle demande l’annulation totale de ce paragraphe. En outre, elle propose soit la mise en application de la règle corrigée aux distributions effectuées avant le 1er janvier 2017 entre sociétés détenues à 95 % ou plus, soit l'extension du bénéfice prévu à l'article 235 ter ZCA du Code général des impôts aux sociétés d'un même groupe non soumises à l'intégration fiscale, dès lors que le seuil de participation est d'au moins 95 %.
La société requérante, est-elle fondée à solliciter le Conseil d’État afin d’obtenir l’annulation des effets produits par une instruction fiscale antérieurement à son abrogation par le Conseil constitutionnel ?
Dans une décision du 23 mars 2017, le Conseil d'Etat prononce l'annulation de l'ensemble du paragraphe contesté par la société requérante. Il rappelle toutefois que l'annulation prononcée par le Conseil constitutionnel n'est entrée en vigueur qu'au 1er janvier 2017. Le Conseil d'État souligne cependant qu'il est du pouvoir du juge administratif et du juge judiciaire de s'abstenir d'appliquer les normes législatives qui violent la règle de droit de l'Union ou les obligations internationales de la France. En l’occurrence, il apparaît que le paragraphe litigieux contrevient aux stipulations de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, combinées avec celle de l’article premier de son premier protocole additionnel. De ce fait, le Conseil d'Etat accepte la demande à titre subsidiaire de la société requérante et annule l’intégralité du paragraphe de l’instruction contesté.
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat met en avant deux points majeurs. D’une part, le Conseil d’Etat utilise à travers cet arrêt le contrôle de conventionnalité comme fondement du recours (I). Cette utilisation du contrôle de conventionnalité par le Conseil d’Etat lui permet d’intervenir dans l’annulation des dispositions législatives précédemment abrogées par le Conseil constitutionnel (II).
I) Le contrôle de conventionnalité comme fondement du recours
Par cette décision, le Conseil d’État confirme et renforce sa jurisprudence antérieure. En effet, après avoir, dans un premier temps, contourné la question prioritaire de constitutionnalité par le contrôle de conventionnalité (A), il s’appuie sur la Convention européenne des droits de l’homme pour assurer la protection des principes fiscaux des justiciables (B).
A) Le contournement de la QPC par le contrôle de conventionnalité
En l’espèce, par son arrêt du 23 mars 2017, le Conseil d’État effectue une articulation entre la décision du 30 septembre 2016 du Conseil constitutionnel relative à une question prioritaire de constitutionnalité et le contrôle de conventionnalité. Le Conseil d’État rappelle à cet égard que le Conseil constitutionnel a déclaré que les termes « entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A » du paragraphe 130 de l’instruction contestée étaient contraires à la Constitution et son annulation aura lieu à compter du 1er janvier 2017. Toutefois, la société requérante demande au Conseil d’État l’annulation des effets antérieurs à cette date du paragraphe 130 de l’instruction. Ainsi, pour répondre à cette demande, le Conseil d’État ne peut se fonder sur la déclaration d’inconstitutionnalité émise par le Conseil constitutionnel, car celle-ci n’a produit ses effets qu'à compter du 1er janvier 2017. Le Conseil d’État réaffirme donc sa jurisprudence antérieure en matière de contrôle de conventionnalité des actes législatifs (CE, Ass., 20 octobre 1989, Nicolo), en soulignant que les juges « peuvent déclarer que des dispositions législatives incompatibles [...] sont inapplicables au litige qu'ils ont à trancher ». Il soutient par la suite que si le juge ne tire pas les conséquences d’une déclaration d’inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel, le juge doit écarter une disposition législative incompatible avec une stipulation conventionnelle ou une règle de droit européenne. De ce fait, dans cet arrêt, le Conseil d’État réaffirme sa compétence en matière de contrôle de conventionnalité, en se fondant sur la Convention européenne des droits de l'homme pour répondre favorablement à la demande de la société requérante, sans pouvoir s’appuyer sur la seule déclaration d’inconstitutionnalité.
En rappelant sa jurisprudence antérieure concernant le contrôle de conventionnalité des juges administratifs, le Conseil d’Etat à la possibilité de résoudre le litige sans passer par la décision du Constitutionnel. Ce contrôle de conventionnalité lui permet d’invoquer la Convention Européenne des Droits de l’Homme pour protéger les principes fiscaux.
B) L’invocation de la Convention européenne des droits de l’homme pour protéger les principes fiscaux
En l’espèce, la Convention européenne des droits de l’homme, signée à Rome le 4 novembre 1950 et ratifiée par la France, a pour objectif de garantir des droits fondamentaux par les États. Cette convention comporte plusieurs dispositions pertinentes en matière fiscale, ce qui explique que, ne pouvant se fonder sur la déclaration d’inconstitutionnalité émise par le Conseil constitutionnel, la société requérante ait choisi d’invoquer la Convention européenne des droits de l’homme pour résoudre le litige. Ainsi, pour parvenir à une conclusion similaire à celle du Conseil constitutionnel concernant le paragraphe de l’instruction contestée, le Conseil d’État use l’article 1er du premier protocole additionnel et l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ces deux dispositions assurent la protection du droit au respect des biens et du principe de non-discrimination. Le Conseil d’État rappelle par ailleurs que la distinction entre des personnes placées dans une situation similaire sans justification objective et raisonnable constitue une discrimination. En l’espèce, considérant que le législateur poursuivait un objectif de rendement et que l'exonération instituée était déconnectée du régime de l’intégration fiscale, la disposition contestée crée une différence de traitement dépourvue de fondement objectif et raisonnable. Dès lors, cette instruction est jugée incompatible avec les deux articles précités. En invoquant la Convention européenne des droits de l’homme, le Conseil d’État a ainsi pu préserver le principe de l’égalité fiscale en évitant une discrimination manifeste résultant du paragraphe 130 de l’instruction contestée. Ce principe, reconnu comme ayant une valeur constitutionnelle en droit français (Cons. const., 30 décembre 1981), bénéficie d’une protection, même en l'absence de disposition constitutionnelle spécifique, par le biais des conventions internationales.
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