Commentaire CAA de Paris du 16 mai 2023
Commentaire de texte : Commentaire CAA de Paris du 16 mai 2023. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar dpnd8 • 16 Septembre 2025 • Commentaire de texte • 2 266 Mots (10 Pages) • 442 Vues
Commentaire séance 15, CAA de PARIS, 16 mai 2023[a]
La cour administrative d’appel de Paris rendu le 16 mai 2023 illustre sous quelles conditions peut être engagée la responsabilité des personnes publiques.
En l’espèce, un homme âgé de vingt-cinq ans a été victime d’un malaise avec perte de connaissance au domicile de ses grands-parents le 14 novembre 2013. Le service d’aide médicale d’urgence, prévenu par le grand-père et la mère du jeune homme, a envoyé à la suite de l’analyse des symptômes décrits une équipe de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Après un premier bilan clinique, il a été sollicité l’intervention d’une unité médicale spécialisée du service d’aide médicale d’urgence qui est arrivé sur place une dizaine de minutes plus tard. Après trois arrêts circulatoires successifs, les équipes du SAMU ont décidé du transfert du jeune homme dans le service de réanimation chirurgicale de l’hôpital européen Georges Pompidou où la victime est décédée environ deux heures après sa prise en charge, avant toute possibilité opératoire.
La mère de la victime a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris qui a ordonné deux expertises : l’une portant sur la prise en charge de la victime par les différents services et l’autre sur l’état de santé de la requérante consécutivement au décès de son fils. À la suite de l’ordonnance rendue par le juge des référés le 15 septembre 2015, la requérante, a saisi le tribunal administratif de Paris afin d’obtenir réparation des préjudices subi du fait des fautes du SAMU et des pompiers de Paris. À l’issue d’un jugement d’avant dire droit du 30 novembre 2018, une nouvelle expertise médicale a été ordonnée et par un jugement du 13 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a estimé que les manquements fautifs commis tant par le SAMU que par les pompiers de Paris avaient conduits à une perte de chance de 50% de survie à la victime. Dès lors, le tribunal a retenu la responsabilité de l’AP-HP dont relève le SAMU de Paris à hauteur de 80% et celle de l’État ainsi que de la ville de Paris à hauteur de 10% chacun au titre de l’intervention des sapeurs-pompiers de Paris.
La requérante a relevé appel de ce premier jugement en ce qu’il n’a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire. Les défendeurs quant à eux ont, par la voie de l’appel incident, conclu à la réformation du jugement en ce qu’il les a condamnés à verser à la requérante les sommes de 46 466,80 euros et 5 805,35 euros. Enfin, la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sage-femmes a demandé à la cour le remboursement des sommes qu’elle avait engagé à hauteur de 257 189,41 euros.
La requérante demandait notamment à la cour la condamnation à titre principal de l’AP-HP, l’État ainsi que la ville de Paris en réparation des préjudices propres qu’elle a subi du fait du décès de son fils selon le partage retenu par les premiers juges et à titre subsidiaire que soit ordonné une mesure d’expertise médicale afin de déterminer le lien de causalité entre sa situation professionnelle et l’accident de son fils ainsi que les conséquences sur son propre état de santé pour condamner les défendeurs toujours selon le partage de responsabilité retenu en première instance en réparation de ses préjudices économiques résultant du syndrome anxio-dépressif qu’elle a développé postérieurement du fait du décès de son fils. La caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sage-femmes demandait quant à elle que les prestations qu’elle avait versé à la requérante au titre de ses pertes de gains professionnels devaient être remboursés en raison de leur imputabilité aux fautes commises par les défendeurs. Enfin, le préfet de police soutenait que la responsabilité de l’État au titre de l’intervention des sapeurs-pompiers de Paris ne pouvait être retenue dès lors que ces derniers avaient agi au nom et pour le compte de la ville de Paris et que ni la requérante, ni la ville de Paris n’avaient initialement mis en cause la responsabilité de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Il estimait ensuite que le lien de causalité entre le diagnostic tardif effectué par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le décès de la victime avait été retenu à tort par les juges du tribunal dès lors que l’état de santé de cette dernière était déjà très dégradé lors de l’arrivée des pompiers et qu’en l’absence d’autopsie
La cour administrative d’appel de Paris a donc été amenée à se prononcer sur les questions suivantes : d’abord si la responsabilité des services publics dans le décès de la victime pouvait-elle être valablement engagée au regard des fautes commises par le service d’aide médicale d’urgence (SAMU) et les pompiers de Paris et ensuite, si les préjudices résultant de l’atteinte à l’intégrité psychique de la requérante consécutive au décès de la victime présentaient un lien direct avec les fautes imputées aux services d’urgence. [b]
La cour, dans son arrêt rendu le 16 mai 2023 a répondu à l’affirmative. Elle a d’abord confirmé que les fautes commises dans la prise en charge de la victime étaient qualifiées mais a toutefois réduit le taux de perte de chance de ces fautes de 50% à 30% en précisant que l’état de la victime était déjà si dégradé que son taux de survie était trop faible pour qu’il y ait un lien direct entre les fautes commises et le décès et elle a donc réajusté les indemnisations en conséquence. Enfin, elle a totalement exclu le fait que les préjudices économiques subis de l’atteinte à l’intégrité psychique de la requérante liés à son syndrome anxio-dépressif développé postérieurement au décès de son fils ne pouvaient être indemnisés en n’appréciant aucun lien de causalité entre les fautes commises par les services publics et cet état.
Cette décision revêt un intérêt particulier en ce qu’il soulève la question de la responsabilité des personnes publiques tout en nous invitant à réfléchir sur la question de l’appréciation des préjudices indirects en matière de responsabilité administrative. [c]
Ainsi, il conviendra de s’interroger sur la manière dont la cour administrative d’appel de Paris procède afin de retenir la responsabilité des différents acteurs publics et comment celle-ci apprécie le lien de causalité afin d’évaluer les préjudices indemnisables. Pour répondre à cette interrogation nous verrons dans un premier temps comment la cour vient clarifier le partage de responsabilité entre les différents acteurs publics (I) puis comment elle vient apprécier de manière restrictive le lien causalité (II).
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