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La saisine du Conseil constitutionnel Par les parlementaires: l’expérience française

Cours : La saisine du Conseil constitutionnel Par les parlementaires: l’expérience française. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  18 Mai 2018  •  Cours  •  3 988 Mots (16 Pages)  •  604 Vues

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« La saisine du Conseil constitutionnel Par les parlementaires:

l’expérience française »

On m’a demandé de vous parler de la saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires, mais avant de commencer mon propos, je vous dois quelques précisions :

- La première est que je suis loin d’être le plus compétent pour traiter un tel sujet, parce que, tout simplement, après m’être intéressé au droit constitutionnel, notamment à l’occasion de ma thèse dans les années 60 et de quelques études sur la constitution algérienne, j’ai bifurqué vers le droit international et je suis beaucoup plus à l’aise pour parler dans ce domaine que dans celui du droit constitutionnel.

- La seconde précision est que, tout en m’intéressant à l’activité du Conseil constitutionnel français, je l’ai fait sous l’angle concernant le droit international. Mais, il est vrai que le fait d’être rattaché à la Faculté de droit d’Aix-en-Provence - où les études de droit constitutionnel y sont tellement poussées qu’il y a eu la naissance d’une école du contentieux constitutionnel français - m’a permis de conserver le contact avec ce contentieux, même si cela ne suffit pas pour maîtriser un domaine devenu vaste, notamment avec les récentes évolutions

- La troisième précision est que j’ai été informé quelque peu tardivement du sujet à exposer devant vous - il y a trois semaines exactement – et je n’ai pas eu le temps nécessaire pour faire les recherches appropriées et affiner mes réflexions, en recourant aux autres expériences étrangères, notamment en Europe (Espagne, Italie, Autriche) ou dans d’autres pays en Amérique, en Afrique ou en Asie.

Pour toutes ces raisons, il y a une part d’improvisation dans cette conférence, et je demande donc l’indulgence de l’assistance et surtout celle du Président Debré qui vient de vous éclairer magistralement, ce matin, sur les problèmes de la question prioritaire de constitutionnalité ; n’ayant pas la même maîtrise que lui du sujet, il voudra bien excuser les approximations ou inexactitudes qui pourraient se glisser dans mes propos sur une institution qu’il connaît et préside si bien et qu’il voudra bien rectifier le cas échéant.

Si le texte constitutionnel de 1958 a subi plusieurs révisions en un demi-siècle, les plus importantes par leur portée sont au nombre de trois : tout d’abord, celle qui a introduit l’élection du Président de la République au suffrage universel (1962), en suite, celle qui a concerné la saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires (1974) et, enfin, celle qui a introduit plus récemment l’exception d’inconstitutionnalité (2008), car elles ont eu des effets notables sur le système de la Ve République. Le Président Debré vous ayant déjà entretenu des effets de la seconde révision, avec à la fois compétence, clarté et rigueur, il m’incombe de vous parler de la première révision portant sur la saisine d’origine parlementaire. Je commencerai par rappeler les objectifs de la saisine parlementaire, pour aborder ensuite et successivement la procédure de saisine, les effets de la saisine parlementaire et, enfin, les conséquences juridiques et politiques de la saisine

1er point : les objectifs de la saisine parlementaire

La révision constitutionnelle de 1974 est venue ajouter de nouveaux acteurs pour saisir le Conseil constitutionnel, à côté des quatre autorités initialement prévues : le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et le Premier ministre. Ces nouveaux acteurs sont les parlementaires des deux chambres françaises (Assemblée nationale et Sénat) et l’on peut dire que cette révision a poursuivi trois objectifs que je vais rappeler très brièvement.

Le premier était de redynamiser le processus de contrôle instauré en 1958 et qui n’a pas réellement fonctionné, au point que la doctrine a parlé, de façon poétique, de la « fée endormie » pour caractériser la période allant de 1958 à 1974. Un chiffre suffit pour montrer que ce processus était quasiment en voie de tomber en déshérence, en constatant qu’en l’espace de 20 ans (1958-1977), le Conseil français a été saisi volontairement 28 fois, en matière de contrôle a priori de la constitutionnalité des lois, soit une moyenne de 1,5 fois par an, donnant l’impression que les quatre autorités habilitées pour le faire étaient aux abonnés absents. Par comparaison et en prenant les trois décennies suivantes (1978-2007), il y a eu 342 saisines, soit une moyenne de 11,5 par an, c’est-à-dire dix fois plus qu’auparavant. C’est une évolution d’autant plus remarquable qu’il convient de relever que ces saisines sont à plus de 95% d’origine parlementaire.

Le second objectif des initiateurs de la réforme de 1974 était de démocratiser la saisine du Conseil, en réintroduisant directement les représentants du peuple dans le processus de contrôle de la constitutionnalité des lois, qui était jusque-là réservé aux quatre autorités mentionnées précédemment. On verra que non seulement cet objectif sera réalisé mais qu’il va déployer des effets conséquents sur le système de fonctionnement entre les différents organes constitutionnels et sur les relations entre la majorité et l’opposition. Il redort en quelque sorte le blason des instances parlementaires dont le rôle a été très encadré, conformément au souhait du général de Gaulle qui avait gardé un mauvais souvenir du système parlementaire des IIIe et IVe Républiques.

Le troisième objectif est de reconnaître et d’officialiser au niveau le plus élevé, celui de la constitution, le rôle de l’opposition et le statut de la minorité dont elle va consacrer les droits et protéger les prérogatives. N’oublions pas que la démocratie n’est pas seulement le gouvernement de la majorité issue du suffrage populaire ; certes, il appartient à la majorité de gouverner et de légiférer en vertu du principe de légitimité démocratique, mais la majorité n’a pas forcément et toujours raison et la démocratie véritable est d’abord celle qui reconnaît et respecte les droits et libertés des minorités quelles qu’elles soient, notamment les minorités politiques.

Dans un pays comme l’Angleterre, patrie du régime parlementaire, il y a comme vous le savez un statut de l’opposition avec même un « shadow cabinet » ou gouvernement fantôme dont la responsabilité principale est de suivre de façon vigilante l’action du gouvernement en place, de la critiquer et d'offrir une alternative, le but étant d'avoir un gouvernement déjà en place prêt à prendre le pouvoir en cas de victoire électorale. On est encore loin en France d’un tel statut, mais il y a des signes tangibles de reconnaissance de la légitimité de l’opposition, notamment avec la saisine parlementaire, le souci de consulter ses leaders sur les grands problèmes de l’heure, la volonté d’assurer parfois la représentation de l’opposition dans certaines instances nationales ou internationales (à titre d’exemple, on a considéré que l’opposition doit pouvoir présider quelques Commissions parlementaires, notamment l’une des deux Commissions des finances).

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