La Propriété Un Droit Perpétuel

3e Thème

LA PROPRIÉTÉ, UN DROIT PERPÉTUEL

APPRENDRE

Caractères absolu et perpétuel : l’imprescriptibilité de la propriété.

Ce lien entre la perpétuité de la propriété et son caractère absolue s’explique de la manière suivante : on peut s’en servir comme on veut ou, à l’inverse, ne pas s’en servir. C’est donc aussi la faculté de s’abstenir de tout usage. Le système juridique ne pourra pas me sanctionner parce que je ne me sers pas de la chose.

Parce que la propriété est absolue, on considère que le propriétaire est légitime, le simple fait de ne pas se servir de la chose n’entrainera pas l’expropriation. Il n’y a qu’un seul droit qui soit imprescriptible : c’est le droit de propriété.

En 2008, on a voté une loi de réforme de la prescription, il est donc prévu que la propriété n’est pas un droit prescriptible (article 2227 « le droit de propriété est imprescriptible »).

Le dogme de la perpétuité de la propriété.

La doctrine lorsqu’elle a envisagé le caractère perpétuel du droit de propriété, elle en a aussi déduit une autre conséquence : on ne peut pas avoir une propriété temporaire. Or ce dogme est complètement démenti par la pratique. Donc lorsqu’on dit que la propriété est perpétuelle ça ne veut pas dire qu’elle ne peut pas être temporaire mais juste qu’elle ne se perd pas.

En pratique, le principe de solo consensu n’est pas obligatoire, dans la période où je vends mon bien, on retarde systématiquement le transfert de propriété à la date de la signature. Pendant les trois mois entre l’accord et la signature chez le notaire, je suis un propriétaire temporaire et celui qui a acheté n’est pas encore propriétaire : c’est un propriétaire futur.

Cette question pose une difficulté sérieuse : comment faire pour articuler les droits de l’acheteur et du vendeur ? Qui va faire quoi sur le bien ? La propriété temporaire restreint forcément les prérogatives du propriétaire qui n’est plus totalement exclusif. Le Code civil ne le dit pas officiellement mais indirectement à travers un droit particulier : le droit d’usufruit qui n’est qu’une propriété temporaire.

I / L’USUFRUIT, UNE PROPRIÉTÉ TEMPORAIRE

C’est une figure majeure du droit des biens.

A / NATURE DE L’USUFRUIT

Usufruit et démembrement.

Pour la totalité de la doctrine, l’usufruit est une application de la théorie du démembrement. Pour la doctrine classique, la propriété c’est l’usus, le fructus et l’abusus. Dans « usufruit », il y a « usus » donc cela signifie que dans le droit de propriété on arrache deux prérogatives attachées au propriétaire et on les confère à quelqu’un d’autre, il lui reste donc l’abusus. On l’appelle alors le « nu-propriétaire ».

Le démembrement c’est une répartition de l’utilité du bien (usage, fruits). Si on regarde la valeur d’usage, il ne reste strictement aucune utilité d’usage pour le nu-propriétaire, toute la valeur d’usage est conférée à l’usufruitier. On peut dire que le nu-propriétaire a l’abusus, le fait de pouvoir disposer de la chose : il peut vendre son droit (valeur d’échange) mais le nouveau propriétaire peut également vendre son usufruit.

Usufruit et propriété temporaire.

L’usufruit c’est une logique temporelle, c’est un droit de propriété temporaire, c’est celui qui est propriétaire d’une chose jusqu’à une date donnée, et celui qui deviendra propriétaire est alors le nu-propriétaire. On devrait l’appeler le propriétaire futur. La clé de compréhension de l’usufruit c’est de savoir à quel moment s’effectue le transfert, à quel moment le nu-propriétaire devient propriétaire.

Durée de l’usufruit ?

A quel moment l’usufruitier va perdre l’usufruit ?

L’usufruit ne peut pas être perpétuel alors que le droit de propriété l’est, un usufruit perpétuel serait une propriété. L’usufruit est forcément temporaire. Il rend propriétaire pour une durée limitée. Il n’y a pas de limite, pas de durée temporaire. On peut vendre son usufruit pour une durée indéterminée, aucun texte du Code civil n’impose une durée particulière.

On a dans le Code civil une règle, l’article 617 qui dispose que « l’usufruit s’éteint par la mort de l’usufruitier », ce qui veut dire que si on nomme quelqu’un usufruitier pour 10 ans, et que l’usufruitier meurt alors l’usufruit est éteint. Quoi qu’il advienne, l’usufruit s’éteint forcément au décès de l’usufruitier sur la tête de qui il a été consenti, donc ce n’est pas gênant de prévoir une durée très longue.

Une personne morale meurt au bout de 99 ans si elle n’est pas renouvelée, sinon elle n’a aucune raison de mourir tant qu’elle est économiquement viable. Si on la nomme usufruitier pendant 10 000 ans, c’est gênant parce qu’on a une propriété temporaire qui de facto devient une propriété perpétuelle. Pour éviter cela, le codificateur en 1804 a prévu un texte, l’article 619 « l’usufruit qui n’est pas accordé à des particuliers ne dure que 30 ans ».

Or si l’objet de l’usufruit est détruit, il est évident que l’usufruit l’est aussi. Par ailleurs, si on renonce à l’usufruit, le nu-propriétaire devient plein propriétaire de la chose. Il y a aussi un phénomène de consolidation. Quand on cumule les qualités d’usufruitier et de propriétaire, c’est un phénomène de consolidation, l’usufruit s’éteint et on devient donc un propriétaire « normal ».

B / DROITS DE L’USUFRUITIER QUANT À LA CHOSE

Droits du nu-propriétaire.

Avant de voir quels sont les prérogatives de l’usufruitier il faut parler des prérogatives du nu-propriétaire qui est celui qui deviendra propriétaire quand l’usufruit va s’éteindre. Que peut-il faire ?

Article 599 : il ne peut rien faire qui porte atteinte aux intérêts de l’usufruitier.

Cela ne veut pas dire qu’il ne peut rien faire. Ce droit de propriété futur qu’il détient, il peut le vendre dès aujourd’hui, l’acheteur

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