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Dissertation : la révision pour imprévision

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Par   •  15 Janvier 2023  •  Dissertation  •  2 552 Mots (11 Pages)  •  276 Vues

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Chloé PAULIN        Droit civil

DIXIÈME SÉANCE

LE JUGE ET LE CONTRAT

RÉVISION ET RENÉGOCIATION


Dissertation : La révision pour imprévision (avant et après la réforme du 10 février 2016)

Selon l’adage latin « Pacta sunt servanda », les parties au contrat sont liées et ne sauraient déroger aux obligations établies par ce dernier. En effet, « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations », selon l’article 1101 du Code civil. En toute logique, il n’est donc pas possible de modifier la lettre d’un contrat censé s’imposer aux parties.

La seule hypothèse de révision du contrat qui parait évidente, est celle où les parties au contrat sont d’accord pour renégocier : c’est le mutuus dissensus. Dans certaines situations, une clause dite de hardship peut prévoir à l’avance la révision ou renégociation du contrat en cas de changement de circonstances qui avaient présidé au contrat. Ce consensualisme peut aussi se traduire dans l’hypothèse où aucune clause ne prévoit la renégociation. C’est toujours dans la logique de la force obligatoire du contrat – selon laquelle le contrat s’impose aux parties comme la loi s’impose aux citoyens – que s’impose le fait que les parties ne peuvent pas unilatéralement le modifier ou y mettre fin, à l’exception des contrats à durée indéterminée qui sont par principe résiliables unilatéralement. C’est l’idée de l’article 1193 du Code civil, qui dispose que « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. ». Cet article consacre le principe de l’intangibilité du contrat : les cocontractants devront impérativement s’accorder pour modifier ou révoquer leur engagement, sauf exception légale. En théorie, ce principe vaut également à l’égard du juge. Autrement dit, le juge ne pourrait pas modifier ou révoquer l’engagement librement conclu entre les parties, sauf exception légale.

Mais le rôle du juge n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis quelques décennies : lui a été accordé par le législateur le pouvoir d’alléger la dette du débiteur[1] et de sanctionner les clauses abusives[2]. Ainsi est apparue la théorie de la révision pour imprévision, selon laquelle est envisagée la révision du contrat en cas de survenance de circonstances imprévues. Comme son nom l’indique, il arrive que des circonstances futures n’aillent pas dans le sens des prévisions faites par les parties au moment de la conclusion du contrat. Si elles avaient eu connaissance à l’avance de l’intervention de telles circonstances, elles n’auraient peut-être pas conclu le contrat, ou l’auraient conclu à des conditions différentes. L’idée est apparue que cette révision puisse être opérée par le juge.

L’intérêt de ce type de révision est de ne pas bouleverser l’équilibre contractuel entre les parties, ou du moins, de ne pas aboutir à un déséquilibre trop important, si l’on tient compte de l’approche contemporaine du contrat qui retient un inévitable déséquilibre entre les parties. Le contractant veut maintenir le contrat mais pas le déséquilibre significatif qui n’était pas prévu. Mais la question de l’admission de cette révision a été mal perçue par une partie de la doctrine, qui craignait une trop grande atteinte aux principes d’intangibilité du contrat et de liberté contractuelle – selon lequel toute personne a le droit de contracter comme de ne pas contracter. Admettre qu’une personne extérieure au contrat – telle que le juge – puisse réviser ce dernier reviendrait à méconnaitre le fait que seule la loi ou le consentement mutuel des parties peut aboutir à la modification de ladite convention. De fait, cette révision serait source d’insécurité juridique, puisque la liberté de contracter comme de ne pas contracter serait menacée par le fait que le contrat soit susceptible d’être modifié sans l’accord de l’une des parties, pour des circonstances imprévues.

Doit-on octroyer au juge un pouvoir de révision des contrats pour imprévision ?

Si le juge refusait l’admission de la théorie de l’imprévision avant 2016 (I), le législateur l’a accepté depuis 2016 (II).

  1. Le refus de la théorie de l’imprévision par le juge avant 2016

Malgré le rejet absolu par le juge de la théorie de l’imprévision, fondé sur le principe d’intangibilité des conventions (A), des évolutions jurisprudentielles ont tempéré ce rejet (B).

  1.  Le rejet absolu de la théorie de l’imprévision en vertu du principe d’intangibilité

L’arrêt fondateur de la chambre civile de la Cour de cassation dit Canal de Craponne du 6 mars 1876 a consacré en vertu du principe de force obligatoire du contrat, le principe d’intangibilité des conventions, y compris face à des circonstances économiques fluctuantes. Même si c’est inéquitable, quel qu’inéquitable que ce soit, il n’est pas possible de réviser le contrat pour imprévision, pour changement de circonstances. Ce principe repose sur la force obligatoire du contrat, à l’époque protégée par l’ancien article 1134 du Code civil et aujourd’hui protégé par l’article 1103 dudit Code. L’idée est que le contrat s’impose aux parties comme la loi s’impose aux citoyens. En raisonnant par analogie, la Cour de cassation estime qu’il en va de même pour le juge : il doit respecter le contrat comme il doit respecter la loi. Elle dispose en effet que « Dans aucun cas il appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraitre leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions parties ». Il y a derrière tout cela l’idée du consensualisme.

En somme, cet arrêt montre l’hostilité de la Cour de cassation envers une quelconque révision du contrat, qu’elle ne manquera pas de rappeler à maintes reprises, notamment dans un arrêt du 6 juin 1921. Cet arrêt énonce dans son attendu de principe qu’« aucune considération d’équité n’autorise le juge, lorsque ces conventions sont claires et précises, à modifier, sous prétexte de les interpréter, les stipulations qu’elles renferment ».

Le juge judiciaire suprême refuse ainsi de reconnaitre aux juges du fond un pouvoir de révision du contrat pour imprévision.

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