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Texte 3 : La scène 2 de l'acte III d'Ubu Roi : Lecture analytique

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Par   •  8 Janvier 2019  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 537 Mots (11 Pages)  •  1 614 Vues

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Texte 3 : La scène 2 de l'acte III d'Ubu Roi (1896) d'Alfred Jarry (1873/1907)

L'auteur : Alfred Jarry commence à écrire au lycée. Après son bac il tente de rentrer à l'Ecole Normale Supérieure mais échoue et abandonne ses études pour se lancer dans la littérature. Il écrit des poèmes décadents dans des revues comme par exemple Le Mercure de France. Il publie Ubu Roi en 1896 : la pièce est représentée au théâtre de l'Oeuvre alors qu'il en est le secrétaire, et fait un énorme scandale ( le premier mot de la pièce est « Merdre ! » et les jurons de toutes sortes  ainsi qu'un vocabulaire scatologique vont bon train…). Alfred Jarry publie beaucoup (y compris des suites d'Ubu Roi : Ubu enchaîné, Ubu cocu…) mais il ne fait pas de carrière. Il a une personnalité particulière, ne se fait pas que des amis, finit par quitter Paris pour s'enfermer dans une maison de banlieue et vit en marginal (boisson, identification à son personnage d'Ubu). Il définit sa méthode de travail, la « Pataphysique » (mélange/calembour formé sur métaphysique , « pas ta physique », « pâte à physique »….), dans une œuvre inclassable,  Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien, en 1911, qui ouvre la voie aux surréalistes et au mouvement littéraire un peu plus tard de l'OuLiPo (= Ouvroir de Littérature  Potentielle) de Perec (auteur du roman Les Choses ou de La Disparition,  roman qu'il écrit en décidant de n'y inclure aucun mot de la langue comprenant la lettre « E »!) et Queneau (Exercices de Style : la même anecdote concernant un homme qui monte dans un autobus racontée de 99 façons différentes!). Pour Jarry la littérature est un jeu, une « science des solutions imaginaires », des exceptions, et toutes les choses sont également belles, vraies et sérieuses. La Pataphysique survécut à Jarry, puisqu'un collège de Pataphysique fut créé en 1948 auquel ont appartenu par exemple Ionesco et Boris Vian !

Introduction : C'est au lycée de Rennes où il faisant ses études et où il a comme professeur de physique un certain Félix Hébert, chahuté, honni et caricaturé par les élèves, surnommé P.H. ou Père Heb, que Jarry avec ses camarades a eu l'idée du personnage d'Ubu. Il s'agit donc au départ d'une blague de potaches collective qui mêle caricature de professeurs et souvenirs de lectures de théâtre comme les tragédies de Shakespeare, à l'origine de cette pièce, qui devient, le scandale passé,  une œuvre inaugurale du théâtre d'avant-garde, mythique, une sorte de fable universelle sur le thème de l'exercice du pouvoir  ! (n'oubliez pas que le père Ubu est à l'origine de l'adjectif « ubuesque » c'est à dire d'un comique grotesque et démesuré poussé jusqu'à l'absurde.)

Dans la scène d'exposition de la pièce, on apprend que Ubu est l'officier de confiance du roi de Pologne Venceslas. C'est un soldat violent et grossier, (ses jurons préférés sont « merdre » et « de par ma chandelle verte »), ancien roi d'Aragon déchu, d'une bêtise grotesque qui le rend indifférent au bien et au mal, et  dont la première à souffrir est sa femme, la mère Ubu, une sorte d'ogresse qui lui inspire le désir du crime à travers un coup d'état qui lui apporterait, lui explique-t-elle, richesse, puissance et virilité (tout ceci doit vous faire penser à l'intrigue de Macbeth, bien sûr!)  A la fin de la scène, Ubu est très ébranlé mais ne prend pas de décision car son autre caractéristique, est l'irrésolution.

Nous sommes à  la sc 2 de l'acte III. Ubu, à l'aide de son fidèle capitaine Bordure (qu'il fait ensuite prisonnier), a décimé toute la famille royale (sauf un fils, Bougrelas, qui échappe au massacre et qui vengera ses parents à la fin de la pièce) ; il prend possession du pouvoir et commence à l'exercer de sa façon très spéciale ! Dans cette scène il a réuni tous les nobles, financiers et magistrats, pour les exécuter et s'enrichir personnellement en récupérant tous leurs biens !

Quelle image de l'exercice du pouvoir nous donne cette scène ?

I)  La critique d'un pouvoir incohérent et arbitraire

1) le pouvoir personnel d'un grossier personnage

C'est un pouvoir archi-personnel qu'exerce le Père Ubu : il n'y a qu'à observer l'omniprésence du pronom de la première personne sous sa forme simple ou tonique : « J'ai l'honneur »(37), « je vais faire périr »(38) « passez-moi »(40),  « je les passerai » (41), « je m 'enrichis », « je vais faire lire » (71)..., souligné aussi  par les majuscules employés pour l'adjectif possessif de la première personne aux lignes 71 et 72 dont l'effet de répétition accentue le caractère égocentrique et narcissique du Père Ubu.

C'est un être grossier qui est à la tête du royaume : en attestent les nombreuses familiarités (« le bouquin à nobles »(34), le tutoiement des nobles en général, « tu as une sale tête »(55), « tu n'as rien autre chose » (57)  « ça n'est pas lourd » (66), «pigner » qui signifie gémir en langage régional à la ligne 69, « vous vous fichez de moi » (115)) et insultes parfois propres au personnage (« bouffre » et « bouffresque » ou « merdre » ou encore « stupide bougre » aux lignes 52, 102, 89, 119 et 74), qui contrastent avec la noblesse de la fonction (« J'ai l'honneur de vous annoncer » à la ligne 37 ou encore « Je vais d'abord réformer la justice » à la ligne 86 et « Messieurs, nous établirons un impôt de dix pour cent sur la propriété... » aux lignes 108 et suivantes.)

2) un pouvoir absolu

Ce pouvoir, il l'exerce seul, sans consulter personne, pas même sa femme qui pourtant l'a poussé à l'usurper dans le début de la pièce : on voit que la mère Ubu est totalement impuissante et que sa parole est muselée par le Père Ubu (« Allons, tais-toi, bouffresque » à la ligne102)  qui monopolise d'ailleurs cette parole ; c'est lui qui donne les ordres (nombreux impératifs aux lignes 33, 34, 40, 52, 63, 74, 80, 82, 84, 98, 102, 115, 121), qui mène l'interrogatoire, qui exécute (« Il le prend avec le crochet et le passe dans le trou » à la ligne 48), en s'appuyant sur les officiers et soldats mentionnés dans la liste des personnages et représentés par le pronom indéfini « on » des didascalies (« On pousse brutalement »36, « « On empile les Nobles »83, « On enfourne les financiers »115).

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