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Phèdre, scène 3 acte I

Commentaire de texte : Phèdre, scène 3 acte I. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  31 Octobre 2016  •  Commentaire de texte  •  2 834 Mots (12 Pages)  •  2 878 Vues

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La scène 3 de l’acte I est la 1ère scène où le spectateur rencontre Phèdre. Celle-ci est présentée auparavant comme souffrante et mourante, mais on ignore encore de quoi elle souffre. C’est surtout une Phèdre tourmentée par un dilemme qui est présentée, partagée par le fait de dire ou ne pas dire. C’est la raison pour laquelle l’héroïne est mise en confiance par sa nourrice Oenone. Celle-ci lui rappelle son dévouement au vers 243 : «  madame au nom des pleurs que pour vous j’ai versés ». Elle la supplie dans les deux vers qui suivent : «  par vos faibles genoux […] ce funeste doute ». Nous avons alors une Oenone tout aussi souffrante qui s’empresse de faire parler sa maitresse, afin de l’aider à guérir ses maux. Elle prend part à sa peine en la réconfortant au vers 251 : « oublions- les », le choix de la personne et le mode impératif manifestent ici une certaine familiarité entre les deux femmes. Riche de ce soutien, Phèdre est alors mise ne confiance et poussée vers l’aveu, celui d’une fille à sa mère-nourricière. Le vers 46 : « Tu le veux, lève-toi » et le vers 247 : « ciel que vais-je lui dire ? » nous permet de considérer que Phèdre est prête à avouer mais encore hésitante. Pour la sécuriser davantage, Oenone lui promet le secret au vers 251-252 «  qu’à tout avenir un silence éternel cache ce souvenir. » Oenone apparait donc comme une confidente en laquelle Phèdre peut faire confiance et cette dernière ne peut déceler aucune trahison de sa part.

Phèdre se montre toutefois encore hésitante, elle évite les questions insistantes de sa confidente à travers des modalités interrogatives au vers 247 : « par où vais-je commencer ? » et exclamatives au vers 249-250 : « O haine de Venus ! […] l’amour jeta ma mère ! » Ces derniers prennent une envolée lyrique par le biais de l’adresse à la déesse Vénus et par les références aux amours lynchées d’Ariane aux vers 253-254 : «  Ariane ma sœur […] où vous fûtes laissée ! » Ainsi, cédant aux courtes supplications pressantes d’Oenone, Phèdre décide de répondre en créant l’attente en déplorant la malédiction de Vénus sur sa famille du vers 246 à 249 et en avertissant Oenore d’une horreur supplémentaire en utilisant le futur proche au vers 251 : « tu vas ouïr le comble des horreurs. Dans le genre tragique, dire le crime, c’est aussi le commettre d’où la résistance acharnée de Phèdre à avouer son crime. L’évocation de Vénus comme responsable de son tourment aux vers  256-257 lui permet d’apprendre à Oenone  que c’est bien d’amour dont elle souffre, mais ne peut se soumettre encore à l’aveu et préfère interrompre elle-même ses vers au vers 262-263 : « j’aime… » en deux occurrences.

Toujours hésitante, Phèdre refusera de nommer celle qu’elle aime. Au nom interdit d’Hippolyte, elle préfère la périphrase « ce fils de l’amazone » au vers 263. Elle évoque ainsi celui qui préfère Artémis à Vénus, et qui méprise ceux qui sont assez sots pour succomber à l’amour. La périphrase est intéressante dans la mesure où on peut y confirmer l’amour « incestueux » de Phèdre comme l’œuvre de la déesse qu’Hippolyte dédaigne et qui est résolue à le châtier durement. Oenone, après avoir exercé une pression constante sur Phèdre pour qu’elle dise les raisons de son mal, lui arrache le nom d’Hippolyte à force de modalités interrogatives et de mise en confiance.  En effet, Phèdre semble déclarer son amour contre son gré, bouleversée par le nom prononcé par Oenone au vers 205, puis ébranlée par la violence et les supplications d’Oenone, elle reporte deux fois la responsabilité sur elle de son aveu au vers 246 : « tu le veux, lève-toi » et au vers 264 : «  c’est toi qu’il l’a nommée. » De plus, la stichomythie des vers 246 à 265 accentue le caractère de combat mené pied à pied par Oenone pour faire céder Phèdre. C’est par le présentatif : « C’est toi qui l’as nommé » que Phèdre ponctue la joute verbale accusant ainsi Oenone de cet aveu. Les motifs de la nourrice semblent être le désir de tout savoir des secrets de Phèdre et de la sauver de la mort. Malheureusement, son insistance met en place une certaine tension tragique et précipite Phèdre dans la tragédie. Face au choix qu’elle possédait encore de dire ou ne pas dire et de conserver sa souffrance sans entrainer les conséquences tragiques de cet aveu, Phèdre n’a décidé de rien ; c’est bien Oenone qui enlève ainsi à sa maitresse la liberté de choisir et fait le choix de clamer le nom d’Hippolyte, par le biais d’une modalité interrogative, certes, mais suivi par une exclamation : « grands dieux ! » qui déclenchera le processus de la fatalité précisé suite grâce à la gradation exclamative du vers 266 : « O désespoir ! ô crime ! ô déplorable race ! » .  Oenone prend le rôle d’un agent de la fatalité et Phèdre celui de l’héroïne tragique.

On sait Phèdre souffrante d’un mal dont petit à petit elle succombe qu’elle confirme dès le vers 242 : « je n’en mourrai pas moins, j’en mourrai plus coupable ». On sent dès lors, le processus tragique s’installer grâce à l’évocation de la mort au long du texte du vers 258 : « je péris » au vers 269 : « mal ».  Le spectateur ignore tout, comme Oenone, de la nature du mal qui l’accable jusqu’à l’aveu détaillé à partir du vers 269. Dans sa tirade, Phèdre détaille sa maladie. Son corps souffre comme l’indique le champ lexical de la souffrance à laquelle elle est soumise : v304 «  blessure »,  « je palis, », de plus, le  vers 276 « je sentis mon corps et transir et brûler » contredit des sensations de chaleur et de froid. Cette contradiction traduite par l’oxymore est renforcée par la conjonction « et » qui souligne une insistance sur des impressions physiques totalement incontrôlées. Cette déstabilisation sensorielle est également confirmée par des troubles physiologiques soudain et puissant, traduits par l’oxymore « je rougis, je palis ». S’associant aux troubles physiques, le champ lexical de la souffrance morale permet à Phèdre d’évoquer « les tourments inévitables » que lui fait subir Vénus. Les vers 274-275 « un trouble s’éleva […] mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais plus parler »  et v 282 « ma raison égarée » permettent de dire que Phèdre a perdu toute sensation et tout raison et semble ainsi être totalement dépossédée d’elle-même et posséder par l’amour. Car c’est bien d’amour dont il s’agit. En effet, la nature du mal se précise au vers 277 grâce  à l’évocation à Vénus, déesse du désir charnel et de l’adultère : « je reconnus Vénus et ses feux redoutables ». D’ailleurs, dès le début du passage, Phèdre guide sa confidente ; à la réponse à sa question V259 « de l’amour, j’ai toutes les fureurs », le mot « fureur » met en relief le v241 « quand tu sauras mon crime, et le sort qui m’accable »  Phèdre s’accuse d’aimer, elle considère l’amour comme un crime, maladie à laquelle elle ne trouve aucun remède au v 283 : « d’un incurable amour, remèdes impuissants ».

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