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Littérature comparée - thème - la jalousie

Dissertation : Littérature comparée - thème - la jalousie. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  12 Mars 2021  •  Dissertation  •  5 501 Mots (23 Pages)  •  843 Vues

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Lorsque Shakespeare se fait l’illustrateur de la jalousie dans Othello, il en fait « un monstre qui se moque de la victime dont il se nourrit », la jalousie apparaît comme un sujet à part entière comme une souche malade se développant dans le corps de l’être qui devient jaloux.

 À travers l’Othello nous pouvons voir les prémisses de la privatisation de la jalousie qui jusqu’alors n’était pas cantonnée aux limites du couple ou de la relation amoureuse, c’est durant le XVIIIème que la jalousie verra des barrières la contraindre à cette sphère privée.  En effet, l’Antiquité nous permet de voir que la jalousie s’attachait à tous les domaines de la vie d’une société holiste. Elle était présente dans le désir de possession de ce qu’avait l’autre : premièrement dans le domaine des richesses – elle conduisait au vol et à la violence - deuxièmement dans le domaine de la Timé[1] – la jalousie s’exprime par le désir de tuer l’autre pour l’empêcher d’être plus que lui, elle conduit au meurtre passionnel avec préméditation – enfin dans le domaine de la vertu et du savoir où elle est l’investigatrice de la déchéance pouvant détruire un emblème comme une cité.  Le terme jalousie est connu à l’époque sous deux possibilités, la première : Zélos (en grec) ou Zelus (en latin) qui signifie zèle serait relative à l’émulation, la rivalité et la ferveur.  La seconde : Phthonos qui n’a pas de traduction directe serait la plus proche des termes jalousie et envie, et c’est Platon[2] qui définit cette première notion comme l’aspect psychologique où la jalousie est une douleur qui intéresse exclusivement l’âme. Elle est comparable à la colère, au regret et même au plaisir car le sujet va se réjouir des maux dont souffrent autrui, elle peut s’inscrire ainsi dans un contexte cosmogonique, mais aussi politique (cf Philèbe) ; nous pouvons relever qu’à aucun moment Platon ne parle de jalousie dans un contexte amoureux. Cela est totalement justifié par la privatisation de ce sentiment au XVIIIème siècle.

Ainsi, la citation de Daniel Lagache[3] « L’expérience jalouse ne naît pas, comme on pourrait l’imaginer, de la rupture d’un équilibre antérieur par l’infidélité du partenaire ou l’intrusion du rival (…) Le monde de la jalousie est le monde personnel du jaloux » démontre que la jalousie n’est pas inhérente à la personne aimée mais bien au sujet lui-même. « Le monde personnel du jaloux » est un monde construit et biaisé par le monde des besoins et des plaisirs, qui s’oppose au monde de la réalité dans lequel évolue toujours l’objet de sa jalousie.

 A travers les quatre œuvres au programme : Le Plaidoyer d’un fou[4] d’August Strindberg, Un amour de Swann[5] de Marcel Proust, El Tùnel[6] d’Ernesto Sabato, et Before She Met Me[7] de Julian Barnes, nous avons la possibilité de découvrir les univers controversés des jaloux. Nous soulignons qu’il s’agit d’exemples de la jalousie masculine qui utilise la femme comme réceptacle de ce sentiment déraisonnable. Le seul livre où la question de la femme n’est pas reléguée directement par l’auteur est celui de J. Barnes qui se permet de donner la parole à la figure féminine en lui laissant la liberté d’exprimer son ressenti sur l’homme avec qui elle va se marier (p.23). 

Si ces exemples de jalousie sont le reflet des possibilités des univers de ce même sentiment, nous pouvons nous questionner sur la manière dont les personnages jaloux – ou les objets de la jalousie du partenaire – sont abordés par la jalousie et comment ces exemples sont-ils reliés à l’évolution de la relation amoureuse.

Le monde du jaloux se traduit par différents univers tous relatifs au caractère du sujet. Il existe d’un point de vue psychanalytique et littéraire différentes formes de jalousie qui agissent de manière hétéroclite selon que le sujet soit dans un mode normal, de possession, de projection ou du délire de jalousie.

La jalousie captative est l’univers récurrent qui touche les personnages des quatre livres. Dans le livre de Marcel Proust[8] Un amour de Swann, nous constatons au départ que l’amour éprouvé par le personnage éponyme est oblatif, en effet Charles Swann ne désire pas connaître, à ce moment, les journées ou le passé de la dame qui a affligée son cœur : « il ne savait rien de l’emploi de son temps pendant le jour, pas plus que de son passé […]. Aussi ne se demandait-il pas ce qu’elle pouvait faire, ni quelle avait été sa vie. » (p.107). Mais deux pages plus loin survient une remarque d’un ami qui provoque chez Swann un retour à la réalité, Odette n’est pas absolument à lui : « Odette avait ne vie qui n’était pas toute entière à lui » (p.109) ; cet intervention fait passer ses sentiments amoureux, qui reconnaissent et accordent le fait que sa partenaire puisse vivre une vie sans être en permanence avec son amant, à un amour captatif montrant ainsi le désir de posséder et d’être aimé de l’autre : « il voulait savoir à qui elle avait cherché à plaire, à ce moment là » (idem). Ce moment marque le début de la jalousie de Swann vis-à-vis d’Odette de Crécy, l’anxiété du jaloux envieux de retrouver ce qu’il lui appartenait sillonne une ville entière et redouble d’ingéniosité pour parvenir à ses fins : « Elle n’était pas chez Prévost ; il voulut chercher dans tous les restaurants des boulevards. Pour gagner du temps, pendant qu’il visitait les uns, il envoya dans les autres son cocher Rémi. » (p.97). Mais les angoisses, toujours grandissantes, de ne pas trouver l’objet de son amour provoquent chez l’intellectuel et cultivé Swann des réminiscences des mythes antiques : « Il frôlait anxieusement tous ces corps obscurs comme si parmi les fantômes des morts, dans le royaume sombre, il eût cherché Eurydice. » (p.98). Quand cette quête de l’amante disparue est résolue, Swann est comblé et il se livre alors aux premières affres amoureuses avec sa bien-aimée, il est de ce fait rassuré dans sa relation car il sait qu’elle l’attend et qu’elle ne disparaîtra pas, il aime posséder Odette : « Puis [..] cette certitude qu’elle l’attendait, qu’elle  n’était pas ailleurs avec d’autres, qu’il ne reviendrait pas sans l’avoir vue, neutralisait cette angoisse oubliée mais toujours prête à renaître […] et dont l’apaisement actuel était si doux que cela pouvait s’appeler du bonheur. » (p.103/104). L’amour captatif est aussi présent chez Sabato[9] dans son œuvre emblématique El Tùnel, qui représente la différence entre le romancier et le fou, le personnage de Juan Pablo Castel tue l’amour de sa vie car dans un besoin absolu de posséder la femme qu’il aime et dans une forme d’impossibilité de communiquer il ruine les liens de l’amour au profit de sa solitude. La volonté totale du contrôle de l’être aimé se traduit par une jalousie captative, délirante et projetée. Castel a le besoin de s’accaparer Maria Iribane : « -Promettez-moi que vous ne partirez plus jamais. J’ai besoin de vous, j’ai tellement besoin de vous » (p.39). Il répète la nécessité de l’avoir auprès de lui à la page suivante et plusieurs fois lors de leurs échanges ; il va même jusqu’à penser que le tutoiement d’une lettre lui révèle qu’elle n’attendait que lui, comme s’ils avaient été seuls à vivre sur cette terre pour se comprendre : « Tu te tiens entre la mer et moi » ; il n’y avait personne d’autre, nous étions tous les deux seuls comme j’en avais eu l’intuition dès le moment où elle avait regardé la scène de la fenêtre » (p.61)

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