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Pensez vous que les valets, dans la littérature du XVIIIeme siècle, pourraient dire à leur maître , comme Jacques le Fataliste : "il est convenu que vous vous appelleriez mon maître , et que c'est moi qui serais le vôtre" ?

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Par   •  19 Février 2017  •  Dissertation  •  5 654 Mots (23 Pages)  •  2 512 Vues

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Dissertation

Pensez vous que les valets, dans la littérature du XVIIIeme siècle, pourraient dire à leur maître , comme Jacques le Fataliste : "il est convenu que vous vous appelleriez mon maître , et que c'est moi qui serais le vôtre" ?

En 1682 parait Dom Juan ou le Festin de Pierre, mettant en scène un maître charismatique et libertin -Dom Juan- accompagné d’un valet complètement dominé, socialement comme intellectuellement : Sganarelle. Gérard Ferreyrolles, universitaire français décrit le valet ainsi : « Certains voient Sganarelle comme un contrepoint, voire une antithèse de Dom Juan, balourd autant que son maître est élégant, moralisateur autant que l'autre est cynique, lâche autant qu'il est courageux, superstitieux autant qu'il est libre d'esprit, niais autant qu'il est fin ». Le valet est le faire-valoir de son maître, suivant sans recul Dom Juan dans des aventures qu’il n’aurait pas eu le courage d’entreprendre lui-même.

Le modèle de ce valet, qui se contente d’être une simple antithèse, commence à évoluer au cours du XVIIIe siècle, période historique charnière où la société très codifiée de l’Ancien Régime s’effrite peu à peu. Jacques le Fataliste, de Denis Diderot, dépeint cette nouvelle réalité avec un valet philosophe possédant une réthorique plus solide : « il est convenu que vous vous appelleriez mon maître , et que c'est moi qui serais le vôtre ». Notons tout d’abord le terme « il est convenu », qui exprime ici la hiérarchie imposée par la société ; Jacques est le valet de son maître, c’est un fait social. Mais le verbe « s’appeler » du maître (« vous ») s’oppose ici avec le verbe d’état « être », dont Jacques (« moi ») est le sujet. Selon le valet, son maître ne serait supérieur que grâce au titre que l’on lui a octroyé ; Jacques serait donc le réel maître, celui qui domine, inversant les rôles et les conventions si solidement établis depuis des siècles. A travers cette citation, le personnage du valet exprime un fort désir de reconnaissance, lassé d’un supérieur qui ne le considère pas assez. Mais Jacques le Fataliste est-il seulement représentatif de la relation maître-valet dans la littérature du XVIIIe siècle, qui traite de manière très large et complète ce rapport?

Cet ensemble de textes nous permettra de comprendre en quoi, grâce à une relation complexe qu’il entretient avec son maître, le valet devient conscient de sa propre individualité jusqu’à devenir l’artisan d’un changement historique, philosophique et social.

Si la littérature du XVIII reprend le cadre social de l’époque, propice à une forte hiérarchie et une reconnaissance unilatérale, on peut néanmoins distinguer une dépendance matérielle du maître vis-à-vis de son valet, et donc une supériorité de ce dernier. Cette opposition va déboucher sur la conscience de soi du valet, et une prise de recul par rapport à la considération mutuelle des deux parties.

La littérature du XVIIIe siècle reste fidèle à son époque. Maîtres et valets s’imbriquent dans une société de castes, dans un cadre aux codes très hiérarchisés. Le maître, de par sa condition, va dominer son valet pour conserver la reconnaissance de ce dernier, jusqu’à le considérer comme un simple outil.

Les romans ou pièces de maitres et de valets obéissent à des règles précises, instaurant directement une hiérarchie fondamentale. Ces écrits jouissent d’un riche héritage littéraire, avec notamment les bases de la Comedia del Arte. En effet, les valets des livres étudiés reprennent bien souvent les traits des zannis, des personnages récurrents dans la comédie. Les auteurs du XVIIIe siècle prennent les noms les plus emblématiques, avec par exemple Arlequin dans les pièces de Marivaux. Dans L’île des esclaves et Le Jeu de l’amour et du hasard, Arlequin est fidèle à son rôle habituel : c’est un personnage bouffon, grivois, issu d’une tradition populaire, grossier et destiné tout d’abord au comique. Ses habits, proches des haillons, tranchent avec l’élégance de son maître. Porté sur la bouteille et les plaisirs du corps, il est un personnage sympathique et caricatural. Un autre zanni récurrent porte le nom de Brighella. Son personnage sera incarné par des valets comme Crispin, personnage éponyme de la pièce de Lesage Crispin rival de son maître. Crispin est plus fin qu’Arlequin, mais aussi plus malicieux. Le Brighella dont il découle est cupide, rusé, roublard, n’hésitant pas à jouer de mauvais tours pour parvenir à ses fins ou soutirer de l’argent. Crispin reste cependant un valet et conserve ses origines populaires. Un dérivé de Brighella pourrait être l’espagnol Picaro, qui va fortement inspirer le personnage des comédies de Beaumarchais, Figaro. Enfant de parents inconnus, il a été recueilli et élevé par des bandits, baignant parfois dans des combines peu recommandables. Cependant, Figaro et Picaro impressionnent par leur débrouillardise, leur bon sens et leur efficacité, qu’ils pourront déployer au service de leur maître. Tous ces valets pourront être doublés par des personnages féminins, des femmes de chambre d’inspiration plus françaises, plus réfléchies et entretenant souvent une relation fusionnelle avec leur maîtresse. C’est le cas des Lisette de Marivaux et de Lesage. On peut aussi parler de Jacques le Fataliste, dont le prénom renvoie à la littérature médiévale, désignant un domestique et un rustre sous la tutelle d’un seigneur.

Les maîtres obéissent aussi à certaines règles et inspirations, mais restent des personnages plus flexibles. Ils peuvent être des pères de familles bourgeois ou nobles, comme M. Orgon dans Le Jeu de l’amour et du hasard ou Crispin ou encore de jeunes amoureux, comme Dorante ou Valère. Ceux-ci n’appartiennent pas tous au même répertoire, provenant de la commedia dell’arte ou du personnel de la comédie. Le père est souvent un démiurge bienveillant, à l’écoute quant aux choix de mariage de ses enfants, et jouissant d’une certaine capacité à temporiser. Les jeunes maîtres se montrent parfois plus fougueux mais apportent une fraîcheur nécessaire à l’histoire, aidés par leurs valets dans des entreprises amoureuses.

Ces éléments récurrents sont très importants pour mettre la hiérarchie au premier plan de l’oeuvre. En codifiant ainsi les personnages et leurs relations, les auteurs annoncent explicitement une relation entre un valet soumis et un maître dominateur.

Possédant les bases nécessaires au développement des personnages,

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