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Le Lien Social Et Ses Implications Politiques

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Par   •  15 Mars 2013  •  5 016 Mots (21 Pages)  •  1 029 Vues

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Le lien social et ses implications politiques

chez Ibn Khaldoun (1)

Par :Ahmed ALAMI

Ibn Khaldoun traite de la question du lien social, et l’analyse à travers un concept original, celui de asabiya, esprit de corps. «Ce terme d’asabiya si souvent utilisé dans les Prolégomènes provient d’une racine -S-B qui signifie lier (2)». Existant déjà dans la littérature arabe avec une connotation péjorative, ce terme resurgit avec Ibn Khaldoun comme concept philosophique pur.

L’esprit de corps, l’asabiya, découle des liens du sang.

« Les liens du sang, dit Ibn Khaldoun, ont une force que presque tous les hommes reconnaissent par un sentiment naturel. Leur influence porte à ce qu’on se préoccupe de l’état de ses parents et de ses proches, toutes les fois qu’ils subissent une injustice ou qu’ils risquent de perdre la vie » (3).

Si l’asabiya découle des liens du sang, elle découle aussi de l’alliance. « Les clients et les affidés d’un grand personnage peuvent se ranger dans la catégorie de ses parents ; le patron et le client sont toujours prêts à se protéger l’un l’autre, par suite de ce sentiment d’indignation qu’on éprouve lorsqu’on voit maltraiter son voisin, son parent ou son ami » (4).

Ibn Khaldoun dégage deux dimensions essentielles dans l’asabiya. Une dimension statique, car « Au moyen de l’esprit de corps les hommes peuvent se protéger mutuellement, repousser leurs ennemis» (5).

Mais il y a aussi une dimension dynamique. Les gens qui sont animés d’un esprit de corps peuvent aussi «venger leurs injures et accomplir les projets vers lesquels ils dirigent leurs efforts réunis» (6).

Par ailleurs, l’asabiya est toujours collective. Elle sert à définir les corps collectifs. Chaque fois que les hommes se mettent à vivre ensemble, l’asabiya apparaît comme un vecteur de conservation et de maintien, mais également comme un vecteur d’épanouissement. On peut dire que l’asabiya est un concept pivot dans la pensée d’Ibn Khaldoun pour analyser et comprendre les collectivités humaines.

Étant essentiellement un phénomène lié aux collectivités, l’asabiya est toujours complexe. Il n’y a donc pas d’asabiya simple. Mais toute asabiya est essentiellement multiple. Car chaque asabiya est nécessairement composée par plusieurs esprit de corps. Chaque quartier, ou chaque fraction d’une tribu constitue, selon Ibn Khaldoun, un seul esprit de corps. Mais cette unité n’est pas simple. Car cet esprit de corps se constitue de plusieurs d’autres esprits de corps qui découlent de lignages plus spécifiques qui sont plus solides que le lignage général. Le lignage spécifique fonde une asabiya plus forte que celle fondé par le lignage général. Cette nature composite de l’asabiya aura des conséquences importantes sur son devenir et explique beaucoup de phénomènes liés à ses modes de réalisation.

Dans la présente communication, nous allons analyser le concept d’asabiya suivant trois axes, qui constituent ses trois principaux modes de réalisation. L’asabiya et le nomadisme, l’asabiya et l’Etat, enfin l’asabiya et la religion.

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Asabiya et nomadisme

Si l’asabiya, selon Ibn Khaldoun, est un phénomène naturel chez l’homme, son existence dans la réalité prend des aspects très variés. Or son aspect le plus pur, le plus naturel, se réalise dans la société nomade. Seuls les nomades, les tribus nomades, sont capables de donner à l’asabiya une réalisation parfaite et complète. Il convient donc de voir la nature d’asabiya dans le mode de vie nomade.

Le mode de vie nomade est tel que les tribus nomades sont capables de se défendre elles mêmes et d’accomplir les projets vers lesquels elles dirigent leurs efforts. « Assez forts pour se protéger eux-mêmes, [les nomades] ne confient, la yakilunaha, jamais à d’autres le soin de leur défense (...) Retirés dans les solitudes du désert et fiers de leur puissance, ils se confient à eux- mêmes et montrent par leur conduite que l’audace et la bravoure leur sont devenues une seconde nature»» (7).

Il n’y a donc pas de transfert de la puissance dans le cas des sociétés nomades. Leur asabiya ne s’aliène pas. Les tribus nomades ne confient pas à d’autres le droit de leur défense. Si l’asabiya est un droit naturel, il reste que dans le cas des tribus nomades c’est un droit non aliénable.

Mais s’il n’y a pas de transfert d’asabiya à l’extérieur de la tribu, il n’a y a pas non plus de transfert au sein de la même tribu. « Les nomades, dit Ibn Khaldoun, sont avides du pouvoir et qu’à peine en trouvera-t-on parmi eux un seul qui consentirait à remettre l’autorité entre les mains d’un autre ; un [nomade], exerçant un commandement ne le céderait ni à son père, ni à son frère, ni au chef de sa famille» (8).

Dans les sociétés nomades, l’asabiya de chaque individu est conservée. Elle n’est pas transférée. Une telle situation conduit la société nomade, décrite par Ibn Khaldoun, à avoir un type particulier d’organisation politique. Si chaque individu conserve son asabiya, s’il n’y a pas d’aliénation, le pouvoir ne pourra pas se réaliser dans la société nomade sous une forme hiérarchique. Car pour qu’il y ait hiérarchie, il faut qu’il y ait un transfert d’asabiya. Or le mode de réalisation du pouvoir dans la société nomade n’est pas hiérarchique. Si bien que le chef de la tribu ne possède qu’un droit moral sur les autres membres de la tribu.

« Chez les tribus du désert, dit Ibn Khaldoun, les hostilités cessent à la voix de leurs vieillards et leurs chefs, auxquels tout le monde montre le plus grand respect » (9).

Il est certain que toute société, selon Ibn Khaldoun, a besoin d’un chef, ou d’un modérateur pour exister et survivre. «La nécessité d’un tel modérateur, dit al-Muqaddima, résulte de la nature même de l’espèce humaine » (10).

Cependant, la nature de ce modérateur ne se réalise pas de la même façon dans toute société. Or dans la société nomade, le pouvoir des chefs, n’est pas un pouvoir hiérarchique ou pyramidal. Car ce qui fait maintenir les membres de la tribu ce n’est pas l’autorité suprême d’un chef, c’est seulement le respect moral. Par conséquent, l’autorité qu’exercent ces chefs est exempte de tout pouvoir.

«Indépendants et farouches, [les nomades] ne comptent que sur eux-mêmes, et se plient difficilement à la subordination. Si leur chef a besoin de leurs

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