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Vérité et Mystère

Étude de cas : Vérité et Mystère. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  16 Novembre 2020  •  Étude de cas  •  4 988 Mots (20 Pages)  •  432 Vues

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Vérité et Mystère

          Dans la peinture La Vérité de Jules Joseph Lefebvre, une femme nue est représentée avec un miroir réfléchissant en main. Allégorie de la vérité, cette femme entend sortir de l’obscurantisme par la lumière de la connaissance. Elle émerge ainsi d’un univers lugubre, énigmatique et mystérieux qui semble à l’antipode de l’éclat qu’elle dégage. Le mystère semble ainsi au sein de cette peinture, tout comme au sein de l’intuition commune, s’opposer naturellement à la vérité. C’est pourquoi il est légitime d’interroger ce lien entre mystère et vérité, pour éventuellement dépasser un préjugé ancien quant à leur rapport. La vérité, du grec aletheia, signifie la non-dissimulation, soit ce qui est manifeste et éclatant. Or, le mystère est quant à lui appréhendé comme ce qui est dissimulé, ce qui est tenu secret. Est mystérieux ce qui résiste à l’explication scientifique ou encore ce qui est révélé sans laisser place au savoir, souvent divin, fondant cette révélation. Etymologiquement du grec mustêrion, soit « initié », le mystère s’accorde à répondre à une forme d’ésotérisme, selon les grecs était mystérieux ce qui n’était révélé qu’à certains initiés et cachés aux autres. Ainsi dans l’étude étymologique des termes, vérité et mystère semblent déjà être des antonymes. De plus, le mystère peut se distinguer de l’inconnu car afin que quelque chose soit mystérieux, encore faut-il en connaître l’existence. Le mystère n’apparaît donc pas comme une ignorance au sens stricte, mais plutôt comme l’ignorance de la nature de la chose. Or, la vérité entend donner à voir l’essence de la chose, elle réfléchit la nature même de la chose tel un miroir réfléchissant la lumière, pour reprendre le tableau de J.J.Lefebvre. Comment les deux concepts pourraient-ils donc avoir un rapport autre qu’antinomique ? Si la vérité peut être révélée, elle est le plus souvent recherchée. C’est d’ailleurs l’objet des entreprises philosophiques et scientifiques, entreprises dans lesquelles la vérité est le fruit d’une enquête. Philosophie et sciences se définissent certes de multiples manières, mais sont bien souvent toutes deux associées à un discours rationnel ayant pour fin d’accéder au vrai. Elles seraient donc, qu’elles soient menées comme fin ou comme moyen,  des quêtes de vérité. Mais une objection intervient immédiatement : afin de pouvoir rendre compte de l’essence de la chose, il faut d’abord s’être confronté à son caractère mystérieux, c’est-à-dire s’être confronté à sa propre ignorance quant à la nature de cette chose. Ainsi est-ce que le mystère ne se placerait-il pas à la base de toute recherche de vérité ? Si la vérité semble par définition être ce qui n’a rien de mystérieux, la recherche de vérité apparaît comme indissociable du mystère, mystère qui ne serait autre que son point de départ. La conscience d’ignorer étant essentielle afin de mener une telle démarche, le but de toute recherche de vérité serait donc de faire disparaître le caractère mystérieux de la chose afin d’en posséder l’entière vérité. Se confronter à quelque chose de mystérieux amène avant tout à se demander « Pourquoi ? ». Ne pas savoir pourquoi serait donc le point de départ de la recherche de vérité, mais il semble également en être l’avortement. En effet, si le mystère est trop épais, l’enquête est circulaire et retombe à son point de départ. Le mystère se place alors comme la  condition de recherche de vérité mais aussi comme le risque d’annuler cet horizon de vérité. Baser une recherche de vérité sur l’antonyme même de la vérité, c’est risquer de ne pas parvenir à annihiler le mystère, de contaminer la vérité par un mystère persistant, de mêler, à ce qui est supposé être connaissance pure, de l’incertain et de la confusion. Demander « Pourquoi ? » constamment c’est risquer la régression à l’infini lorsque l’on interroge les origines. Un problème se dégage donc : Comment le mystère peut-il être en temps qu’épreuve de notre propre ignorance la condition de possibilité de toute recherche de vérité, alors qu’il porte nécessairement en lui, de par son caractère antinomique à la vérité, le risque de contaminer cette connaissance véritable et d’annuler toute possibilité d’y accéder ? Afin de tenter d’éclaircir cette difficulté épaisse, nous allons raisonner en trois moments successifs. D’abord, nous allons plus profondément analyser en quoi le mystère est condition de toute recherche de vérité. Mais cette étude nous amènera à voir qu’il peut être difficile de se détacher du mystère, qui peut, si on le creuse trop, produire encore d’autres mystères ou bien s’avérer insurmontable. Cependant, nous tenterons de dépasser un peu plus cette dualité persistante entre mystère et vérité pour y trouver un lien encore plus fort, une éventuelle forme d’unité.

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    D’abord, dès lors qu’il y a recherche de vérité, il y a nécessairement confrontation avec un mystère initial nous mettant face à notre ignorance. C’est pourquoi le mystère peut être vu comme le point de départ de toute recherche philosophique.

    En effet, tout philosophe est animé par un désir de vérité, mais les textes aussi classiques soient ils révèlent toujours une part de mystère dans ces quêtes de vérités, comme si le désir même de vérité relevait du mystique.

Si Platon peut être pensé comme le père du rationalisme en philosophie, il subsiste une forme d’ambivalence dans ses textes entre un idéal de vérité absolue et un aspect plus mystique.  Platon a en effet probablement été initié aux « cultes à mystères », des cultes ayant pour objets des mythes transmis de manière ésotérique. On retrouve cet héritage dans ses textes, dans lesquels il a énormément recours aux mythes afin d’expliciter ses propos. Par exemple, dans la République il emploi le mythe d’Er. Dans ce mythe, certaines âmes mènent une vie honnête et la vie suivante elles choisissent une vie injuste. Dans ce cas, les âmes qui passent d’un choix à un autre sont aveugles, car la première fois elles n’ont pas fait le bien grâce à la connaissance du bien, mais leur savoir par hasard tombait juste. Ce mythe permet d’expliquer la différence entre une opinion droite et un réel savoir, par le biais de la figure mythologique Er, faisant le récit de la rémunération des âmes. Platon semble employer ses mythes pour montrer qu’il ne peut expliquer autrement ses propos qu’avec des emblèmes divins, supérieurs.  La capacité d’accéder à la vérité semble dépasser la raison humaine, elle apparaît mystérieuse. Platon était en effet animé par un désir puissant de construire un système total de vérité, système qui permettrait de déduire tout le connaissable. Cependant, ce désir n’est jamais réellement expliqué dans son œuvre, il apparaît plutôt comme une forme d’intuition divine. Nous pouvons retrouver cette intuition chez Descartes. Bien que souvent en désaccord avec Platon, le fil directeur des ouvrages de Descartes est la recherche de la vérité. Notamment dans le livre La Recherche de la vérité par la lumière naturelle, Descartes entend chercher la vérité par la lumière de la raison, par la rationalité. La quête rigoureuse de Descartes afin d’accéder à la vérité semble donc en tout lieu éloignée d’un quelconque aspect mystérieux. Cependant, dans ses Trois songes, Descartes évoque ses rêves, dont un étant la jubilation d’un universalisme de la connaissance. Mais cette volonté puissante de trouver les vérités universelles n’est, comme pour Platon, pas réellement expliquée. Dans l’analyse d’ Adrien de Baillet sur les songes de Descartes, il voit dans cette volonté un aspect surnaturel, quelque chose que Descartes ne peut pas expliquer, telle une intuition divine qui le transcenderait. Les philosophes du rationnel, à la recherche de la vérité, semblent donc traversés par une volonté de vérité transcendante qui les empêche d’expliquer leur désir de vérité.

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