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Le régime présidentiel américain

Dissertation : Le régime présidentiel américain. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  4 Mars 2018  •  Dissertation  •  5 378 Mots (22 Pages)  •  899 Vues

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Dans le régime présidentiel américain, « l'exécutif et le législatif sont prisonniers réciproques d'un mariage sans divorce dont les époux font chambre à part »

Alors que lors de son discours sur l'État de l'Union, le président des États-Unis dresse le portrait d’un pays uni au-delà des clivages de toutes natures, le Congrès fustigeait la veille la décision de D. Trump de ne pas punir les pays achetant du matériel militaire russe, sanctions pourtant approuvées par le dit Congrès. Ces deux événements distants d'à peine 24 heures, résument plutôt bien la spécificité constitutionnelle américaine semblant opposer pouvoirs exécutif et législatif, dont Maurice Duverger dira qu'il s'agit « d'un mariage sans divorce dont les époux font chambre à part »[1].

                Les États-Unis sont une république constitutionnelle fédérale à l'exécutif monocéphale (un homme est chef de l'État et chef du gouvernement) et au législatif bicaméral égalitaire (le Congrès est composé de deux Chambres égales : la Chambre des Représentants et le Sénat). Il s'agit d'un régime présidentiel où le chef de l'État est vu par le sens commun comme le détenteur de la plus grande quantité de pouvoir. Cependant, outre cette définition du régime politique américain, nous pouvons voir qu'il s'agit d'un régime au sein duquel les pouvoirs sont séparés, conformément aux idées de Montesquieu, grand inspirateur de la Constitution américaine de 1787. Les différents pouvoirs devant être séparés sont alors le pouvoir exécutif qui met en application les lois, le pouvoir législatif qui rédige et vote les lois et le pouvoir judiciaire qui vérifie l'application de la loi, leur séparation garantissant la liberté des individus (libéralisme politique) au sein d'un régime démocratique. La séparation des pouvoirs peut être vue comme l'indépendance réciproque de chaque pouvoir de sorte qu'aucun ne soit capable d'empiéter sur les fonctions « naturelles » des autres pouvoirs. Toutefois, cette définition n'est que très théorique, dans la mesure où, comme le montre Adhémar Esmein, dans les régimes parlementaires, les pouvoirs possèdent de nombreux moyens d'actions réciproques, d'où une séparation « souple » des pouvoirs. Les États-Unis, quant à eux, sont caractérisés par une séparation des pouvoirs « rigide », avec peu voire pas de moyens d'actions réciproques comparé aux régimes parlementaires, poussant chaque instance de pouvoir à « [être] mari[ée] sans divorce […] [en] faisant chambre à part », le mariage représentant le minimum de coopération nécessaire pour que l'État fédéral puisse fonctionner sans se bloquer. Dès lors, il peut apparaître un paradoxe : si le législatif et l'exécutif sont en désaccord sans pouvoir imposer leurs vues à l'autre, on peut légitimement penser qu'une crise de régime apparaîtrait menant à ce qu'un des deux pouvoirs prenne l'ascendant sur l'autre. Malgré cette apparente tendance à l'instabilité, les États-Unis possèdent la même Constitution depuis 1787, ce qui peut s'avérer contre-intuitif pour le sens commun.

                Dès lors, nous nous demanderons comment le régime présidentiel américain, malgré une séparation des pouvoirs législatif et exécutif a priori rigide, parvient quand même à faire coopérer ses instances du pouvoir, garantissant de fait sa stabilité ?

                Dans un premier temps, nous analyserons ce qui a pu pousser A. Esmein à considérer que les pouvoirs aux États-Unis sont séparés de manière rigide, puis nous contre-balancerons cela en pointant des moyens d'actions réciproques qui, s'ils ne sont pas forcément formels, existent tout du moins.

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                En effet, la séparation des pouvoirs aux États-Unis est connue comme étant rigide dès ses origines (A), ce qui entraîne d'un côté un président fort et seul chef de l'exécutif (B) et de l'autre, un pouvoir législatif aux moyens d'actions bien plus restreints que dans les régimes parlementaires (C).

  1. Aux origines d’une étanchéité entre les deux pouvoirs

                Les États-Unis, dès leur origine et en accord avec la philosophie des Lumières, se sont vus comme le garant des libertés individuelles par la séparation des pouvoirs. En effet, dès le XVIII° siècle, l'absolutisme fait rage en France, bien que déclinant depuis la mort de Louis XIV, et des paroles bravent un interdit : elles dénoncent un pouvoir étouffant les individus et font l'éloge d'une société où tous et chacun pourrait jouir de sa liberté individuelle. Les Lumières souvent censurées en France, ces écrits mais auront tout de même un écho non négligeable sur les sociétés occidentales. C'est ainsi que les Lumières et leurs idées gagnent rapidement tout l'Occident. Parmi ces idées, on trouve par exemple la séparation des pouvoirs, promue par Montesquieu dans son essai De l'esprit des lois (1748). Ainsi, selon Montesquieu, « il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative, et de l’exécutrice »[2]. C'est là qu'une idée émerge : séparer le pouvoir, alors détenu seul par le monarque, en trois entités de sorte que chacune veille à ce que les deux autres n'abusent pas de leur pouvoir et ne cherchent pas le dépasser. Ce faisant, les individus pourraient jouir de leur propre liberté, n'étant pas sous le joug d'un autocrate. Cet idéal va ainsi influencer l'Europe, notamment le monde anglo-saxon qui, depuis la Glorieuse Révolution en Angleterre en 1688-1689, se libéralise de manière croissante. C'est ainsi que ces idéaux vont voyager vers les Treize Colonies anglaises d'Amérique, devenant les États-Unis d'Amérique le 4 Juillet 1776. Ainsi, les États-Unis vont adapter cette idée de Montesquieu sous la forme du fédéralisme. Une définition de ce terme pourrait être le partage de compétences (législation, juridiction, administration) entre un gouvernement central et des gouvernements locaux composant l'État fédéral. Il existe alors deux principes clés du fédéralisme : « la séparation des pouvoirs et le contrôle réciproque de ces pouvoirs les uns par les autres »[3]. Dès lors, on voit l'ambition d'un État fédéral, qui, de par un manque de ressources expliqué par sa jeunesse, ne peut avoir un gouvernement centralisé en un point tout en gouvernant les anciennes Treize Colonies d'une superficie de 692 000 km² (soit un peu plus vaste que la France actuelle avec 642 000 km²). Pour maintenir son unité mais également les libertés arrachées à la Couronne britannique, il fallait alors opter pour le fédéralisme. En outre, la Constitution des États-Unis de 1787 fait du Congrès le représentant des États fédérés, et du président le chef de l'État fédéral, tout deux élus par le peuple. Ainsi, aussi bien influencés par Montesquieu que par le fédéralisme, les États-Unis ont cherché à séparer les pouvoirs législatif et exécutif, séparant de facto les pouvoirs alloués entre États fédérés et État fédéral. De cette manière, il était nécessaire de maintenir une séparation des pouvoirs afin que l'Union basée sur la délégation de pouvoirs volontaire ne vole pas en éclats, cette séparation entre le Capitole et la Maison Blanche permettant ainsi de structurer la jeune Nation fédérale, première dans un XVIII° siècle dominé encore par les monarques, le tout en garantissant la volonté libérale des États-Unis[4]

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