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L’instauration de la QPC a-t-elle suffi à transformer le Conseil constitutionnel, en une véritable cour constitutionnelle ?

Dissertation : L’instauration de la QPC a-t-elle suffi à transformer le Conseil constitutionnel, en une véritable cour constitutionnelle ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  4 Février 2023  •  Dissertation  •  1 937 Mots (8 Pages)  •  491 Vues

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« Une Constitution est un corps de lois obligatoires, ou ce n’est rien ; si c’est un corps de lois, on se demande où sera le gardien, où sera la magistrature de ce code. ». Par ces termes, Sieyès souligne le caractère suprême de la Constitution vis-à-vis des autres normes ; caractère qu’il convient selon lui d’entretenir par l’instauration d’une juridiction, une « magistrature » qui serait chargée de « recevoir la plainte contre les infractions à la Constitution ». Aussi, au regard de cette nécessité, dès la rédaction de la première Constitution, Sieyès avait notamment soutenu l’idée de créer un « jury Constitutionnaire ».

Traditionnellement, une Constitution représente, selon les termes de Patrick Fraisseix, « un acte suprême, un ensemble de règles juridiques fondamentales d’un Etat » organisant l’existence et les relations des pouvoirs publics et fixant les règles relatives à l’exercice du pouvoir politique mais aussi les droits et les libertés des citoyens.  Selon les mots de Francis Hamon et Michel Troper « la Constitution est le fondement de la validité de l’ordre juridique ». Selon Kelsen « l’ordre juridique n’est pas un système de normes juridiques toutes placées au même rang, mais un édifice à plusieurs étages superposés » dont la Constitution fonde le sommet. Aussi, en vertu de cette hiérarchie, toutes normes n’est valable que si elle est conforme à la Constitution. Au regard de ces éléments, la Constitution est à la base de tout Etat de droit dans lequel il existe une hiérarchie des normes dont les règles constitutionnelles en fondent le sommet et s’imposent à tous y compris au gouvernement dans l’optique de limiter leur pouvoir et de garantir la liberté des citoyens. Mais il ne peut y avoir Etat de droit que si cette supériorité, au-delà d’être affirmée, est effective. La cour suprême des Etats Unis par l’arrêt Marbaury vs Madison disait notamment dès 1803 que « lorsque ces limites ne s’imposent pas aux personnes qu’elles obligent […] il n’y a plus de différences entre un pouvoir limité et un pouvoir illimité ». Pour garantir cette supériorité du texte constitutionnel, les cours constitutionnelles, à savoir des organes chargés de veiller au respect des droits et des libertés, ont été instituées. Pour cela, la cour dispose d’un pouvoir de sanction d’une norme non conforme à la Constitution et à ses valeurs en pouvant notamment l’annuler. Ce contrôle s’exerce alors sur toutes les normes mais en droit constitutionnel, le référentiel est la conformité des lois stricto sensus à la Constitution, ce que l’on nomme alors contrôle de constitutionnalité. En France, c’est le Conseil constitutionnel qui détient cette compétence.

Le contrôle de constitutionnalité, pourtant défendu par Sieyès dès l’émergence des premières Constitutions françaises, ne s’est imposé que très tardivement. Les philosophes des Lumières considéraient que la responsabilité des gouvernants suffisait à garantir le respect de la Constitution et plus tard, l’apparition d’un contrôle de constitutionnalité des lois est apparue contraire à la démocratie fonctionnant sur le principe que « la loi est l’expression de la volonté générale ». La mise en place d’une autorité de type juridictionnel, encore loin d’une cour constitutionnelle, ne s’est faite que lorsque les Constitutions ont commencé à prévoir un partage de compétence entre le pouvoir législatif et règlementaire susceptible de conflits qu’il fallait trancher. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre Mondiale que les Etats, dont la France, ont véritablement tenu à créer ces cours constitutionnelles. Les régimes autoritaires impliqués dans ce conflit ont démontré qu’il fallait développer des mécanismes pour garantir la soumission indéfectible des gouvernants à la Constitution qui n’hésitent pas à l’ébranler. Malgré une légitimité de ce contrôle toujours fragile au regard du caractère antidémocratique précité, le Conseil constitutionnel est créé en 1958 par la Constitution de la Vème république elle-même. A sa création, selon les termes de Michel Troper, les pères de la Constitution de 1958 n’avaient « pas l’ambition d’en faire une cour constitutionnelle au sens du terme ». Il s’agissait simplement, selon les termes de M. Debré, d’« une arme contre la déviation Parlementaire » en empêchant seulement le Parlement d’empiéter sur les prérogatives gouvernementales définies par les articles 34 et 37 de la Constitution. Son rôle s’est finalement étendu avec l’introduction du Préambule de la Constitution au « bloc de constitutionnalité » en 1971 : il devait ainsi désormais s’assurer de la conformité des lois aux textes et aux valeurs auquel il se réfère, tel que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Cependant, le qualificatif de cour constitutionnelle n’était toujours pas employé à son égard malgré la compétence de gardien des droits et des libertés. Ce n’est qu’avec l’article 61-1 qui instaure la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) introduite par la réforme du 23 juillet 2008 que le Conseil constitutionnel aurait commencé à jouer un rôle central dans la défense des droits et des libertés, et donc l’élever au rang de cour constitutionnelle : il s’agit du droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. 

L’instauration de la QPC a-t-elle suffi à transformer le Conseil constitutionnel, en une véritable cour constitutionnelle ?

Pour répondre à cette question, nous verrons dans un premier temps que la QPC a permis le passage d’un contrôle abstrait à un contrôle concret des lois permettant alors d’assurer la défense effective des droits et des libertés (I) puis dans un deuxième temps, nous verrons que le Conseil Constitutionnel et son contrôle de constitutionnalité disposent de caractéristiques qui l’éloignent des autres cours constitutionnelles (II).

  1. Le passage d’un contrôle abstrait à un contrôle concret

Nous verrons dans cette partie que la QPC a permis d’augmenter considérablement le nombre très bas de saisines du Conseil avant son instauration (A) tout en permettant aux lois de ne plus pouvoir échapper à son contrôle passé un certain délai (B).

  1. Un outil pour pallier les rares saisines

Si certaines saisines sont obligatoires, celles pour vérifier la Constitutionnalité des lois ordinaires ne sont que facultatives, à la demande de l’un des présidents des deux assemblées, du président de la République, du Premier Ministre et depuis 1974, de 60 députés et 60 sénateurs. Ce caractère restrictif rarifiait considérablement les saisines, d’autant plus que, comme l’indique Guillaume Tusseau, beaucoup de lois n’ont pas fait l’objet de saisine « en raison de l’abstention, distraite ou calculée » de ces autorités. Difficile alors de qualifier le conseil de cour Constitutionnelle si nombre de lois possiblement non-conformes aux droits et aux libertés lui ont échappées.

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