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La responsabilité de facto du père et de la mère pour leurs enfants mineurs

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Par   •  20 Mars 2015  •  Analyse sectorielle  •  1 853 Mots (8 Pages)  •  995 Vues

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RÉFLEXIONS SUR LE RISQUE PESANT SUR LES PARENTS

DU FAIT DE LEURS ENFANTS MINEURS

Georges Durry

Président honoraire de l'université Panthéon-Assas (Paris II)

La responsabilité des père et mère de fait de leurs enfants mineurs est sans conteste le domaine dans lequel le droit de la responsabilité a connu récemment – depuis 1997 précisément – l'évolution la plus remarquable. Ce n'est pourtant pas que les textes aient changé depuis 1804, sauf en 1970, où, en liaison avec la réforme de l'autorité parentale, la responsabilité solidaire des père et mère – « en tant qu'ils exercent le droit de garde » – fut substituée à celle du père seul – ou subsidiairement celle de la mère seule – que prévoyait le Code originel. Mais, pour le reste, un alinéa de l'article 1 384 du Code civil, le quatrième aujourd'hui, continue de disposer que la responsabilité des parents suppose que le mineur habite avec eux, tandis que l'actuel alinéa 7 leur permet toujours de s'exonérer en prouvant « qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à leur responsabilité ».

C'est pourquoi la responsabilité des parents a toujours été considérée comme une responsabilité du fait d'autrui beaucoup moins lourde que celle que le Code faisait peser sur les commettants du fait de leurs préposés. La première, en effet, laissait aux père et mère la possibilité d'y échapper, en démontrant soit l'absence de cohabitation lors de la survenance du fait dommageable, soit l'absence de faute de leur part dans l'éducation et/ou la surveillance du mineur. Au contraire, le commettant, une fois établie la responsabilité de son préposé agissant dans l'exercice de ses fonctions, ne disposait d'aucune faculté d'exonération.

Or, à partir de 1997, et par la seule volonté de la Cour de cassation, la perspective va changer du tout au tout. D'une part, il va être décidé que la responsabilité des parents est désormais une responsabilité de plein droit, que la preuve d'absence de faute de leur part ne saurait donc faire disparaître. Seule la force majeure (1) est encore admise comme cause d'exonération. De l'autre, l'exigence de la cohabitation au moment des faits imputables au mineur va être mise à néant par la jurisprudence.

Sur le premier point, le pas décisif a été franchi par le célèbre arrêt Bertrand, rendu par la deuxième chambre civile le 19 février 1997 (2). L'espèce était des plus banales : un accident de la circulation entre un cycliste âgé de 12 ans et un motocycliste. Une cour d'appel avait retenu la responsabilité de l'enfant, et par suite celle de son père, sans s'arrêter au fait que ce dernier demandait à être admis à démontrer qu'il n'avait commis aucune faute dans la surveillance de son fils. Le pourvoi du père reprenait cette argumentation. Or, pour le rejeter, la Cour de cassation n'est pas même entrée dans la discussion, se contentant d'énoncer que l'arrêt attaqué « avait exactement énoncé que seule la force majeure (ou la faute de la victime, cf. supra, note 1) » était de nature à exonérer les père et mère d'une responsabilité désormais qualifiée de « responsabilité de plein droit ». Dans cette nouvelle perspective, effectivement, l'absence de défaut de surveillance devenait inopérante.

L'innovation a été confirmée depuis par plusieurs autres arrêts. Certes, on n'a pas manqué de faire observer que, même avant l'arrêt Bertrand, les tribunaux n'admettaient que très difficilement l'exonération des parents par la preuve de l'absence de faute, spécialement quand il s'agissait de jeunes enfants, si bien que la responsabilité de plein droit ne constituait pas un bien grand changement dans les faits. Il n'en reste pas moins que, jusque-là, cette exonération était théoriquement possible et même parfois admise. Il est clair que la Cour de cassation a entendu poser un nouveau principe, contra legem.

En outre, il faut noter que l'exonération par la force majeure que réserve la nouvelle jurisprudence paraît dépourvue de toute portée pratique. En effet, comme plusieurs auteurs l'ont souligné, ou bien c'est le mineur qui a été le jouet de la force majeure – un événement imprévisible et irrésistible – et alors sa responsabilité est exclue, et celle des père et mère, sans objet ; ou bien, il s'agirait d'une force majeure propre aux père et mère, absolument empêchés d'éviter le dommage, et il faut bien constater que, depuis 1997... jamais aucune décision n'en a admis l'existence, même dans des espèces qui auraient pu s'y prêter.

En définitive donc, dès qu'un mineur a provoqué un dommage, serait-ce de la manière la plus innocente (on en donnera un exemple plus loin), la victime est en droit de se retourner contre ses père et mère, dont la responsabilité est devenue automatique, peut-être plus encore que celle du gardien d'une chose (art. 1384 al. 1 du Code civil). Certains n'ont d'ailleurs pas manqué d'évoquer une « réification » ou, plus clairement encore, une « chosification » de l'enfant du fait de cette jurisprudence (3).

Ainsi privés de toute possibilité d'échapper à leur responsabilité par la preuve de la qualité de l'éducation de l'enfant et de la surveillance exercée sur lui, du moins les parents pouvaient-ils espérer se mettre à l'abri, si les circonstances s'y prêtaient, en arguant du fait que l'enfant n'habitait pas avec eux au moment de la commission du dommage.

Mais, là encore, la porte de sortie a été refermée par la Cour de cassation. Déjà un arrêt Samda (rendu également le 19 février 1997) avait jugé que le fait que l'un des parents, après divorce, exerçait lors des faits un droit de visite et d'hébergement, ne faisait pas pour autant cesser la cohabitation du mineur avec l'autre parent, titulaire du droit de garde. Trois ans plus tard,

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