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Commentaire d’arrêt CJUE, 11.11.2014, Dano.

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Par   •  26 Octobre 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  4 137 Mots (17 Pages)  •  487 Vues

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TD N°5 - Commentaire d’arrêt CJUE, 11.11.2014, Dano.

        Le statut de citoyen européen a vocation à être le statut fondamental, permettant à celui-ci en principe de se prévaloir du principe de non discrimination et d’égalité de traitement. C’est dans cette ligne jurisprudentielle que s’était engagée la Cour de justice de l’Union européenne, mais elle a reculé dans un arrêt du 11 novembre 2014 sur renvoi préjudiciel du Sozialgericht de Leipzig.

        Une ressortissante roumaine, inactive et sans ressources vivant avec son fils depuis 4 ans en Allemagne se sont vu refuser à plusieurs reprises une demande d’aide sociale faite auprès du gouvernement allemand sur la base des articles 45 et 18 TFUE. Celle-ci détient une attestation de séjour à durée illimitée destinée aux ressortissants de l'Union depuis juillet 2011 et vit avec son fils chez sa sœur, qui pourvoit à leur alimentation.

        À la suite de deux refus par le Jobcenter de Leipzig d’octroyer à la requérante des prestations de l’assurance de base au titre du SGB II, elle a introduit un recours administratif contre ce rejet en s’appuyant sur les articles 18 et 45 TFUE. Ce recours a été rejeté. Elle et son fils ont donc introduit un recours contre cette décision devant le Sozialgericht de Leipzig, par lequel ils ont à nouveau demandé l’octroi des prestations de l’assurance de base pour les demandeurs d’emploi, au titre du SGB II. Le Sozialgericht estime que ceux-ci n’ont pas droit aux prestations de l’assurance de base, mais se demande si les dispositions du Droit de l’Union européenne, notamment l’article 4 du Règlement 883/2004, le principe de non-discrimination et le droit de séjour général s’opposent aux dispositions du droit allemand qui refuse à la requérante les prestations sociales. Le Sozialgericht de Leipzig estime que l’affaire au principe concerne les personnes qui ne peuvent pas réclamer un droit de séjour légal au sens de la Directive 2004/38. Il décide donc de surseoir à statuer et pose quatre questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. Tout d’abord il s’interroge sur le fait de savoir si le champ d'application de l'article 4 du Règlement 883/2004 vise les prestations spéciales à caractère non contributif, comme celles de l’espèce. En cas de réponse affirmative ou négative à cette première question, la juridiction de renvoi se demande si les articles 18 TFUE, 20 paragraphe TFUE, 24 paragraphe 2 de la Directive 2004/38 ainsi que 4 du Règlement 883/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle des ressortissants d’autres États membres, économiquement non actifs, sont exclus, totalement ou partiellement, du bénéfice de certaines «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif» au sens du Règlement 883/2004, alors que ces prestations sont garanties aux ressortissants de l’État membre concerné qui se trouvent dans la même situation. Et enfin, si l’exclusion de certains ressortissants étrangers du bénéfice des prestations sociales est conforme au droit de l’Union européenne, si la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne imposent aux États membres d’octroyer aux citoyens de l’Union des prestations de l’assurance de base en espèces à caractère non contributif de nature à rendre possible un séjour permanent ou que ces États peuvent limiter cet octroi à la mise à disposition de moyens nécessaires au retour dans l’État d’origine.

        La Cour se demande dans quelle mesure un État membre peut déroger à l’égalité de traitement dont un citoyen européen peut en principe se prévaloir dans l’exercice de sa liberté de circulation et de séjour dans un autre État membre en vertu de la Directive 2004/38 ?

        La Cour de justice de l’Union européenne décide le Règlement 883/2004 doit être interprété en ce sens que les «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif» relèvent du champ d’application de l’article 4 dudit Règlement, donc du DUE. Elle estime ensuite que l’article 24 paragraphe 2 de la Directive 2004/38 ainsi que l’article 4 du Règlement 883/2004 ne s’opposent pas à ce qu’un État membre exclut du bénéfice de certaines « prestations spéciales à caractère non contributif », alors même que ces prestations sont garanties aux ressortissants de l’État membre d’accueil dans la même situation, dans la mesure où ces ressortissants d’autres États membres ne bénéficient pas d’un droit de séjour en vertu de la Directive 2004/38 dans l’État membre d’accueil. Et enfin elle écarte l’applicabilité de la Charte européenne des droits fondamentaux, puisque les conditions d’octroi de la prestation sociale sont de la compétence exclusive des États membres, dans le cadre desquelles ils ne mettent pas en oeuvre le droit de l’Union européenne.

        La Cour en reconnaissant la possibilité pour les États membres d’établir une inégalité de traitement quant à l’octroi de prestations sociales entre leurs nationaux et certains ressortissants d’autres États membres inactifs et sans ressources prend le risque d’établir une citoyenneté sociale à géométrie variable entre les nationaux et les ressortissants étrangers, mais également entre les ressortissants étrangers entre eux (I). Cependant, elle s’inscrit dans une lutte globale contre le tourisme social, chère aux États membres, l’obligeant quelque peu à revenir sur sa jurisprudence antérieure et marque un coup d’arrêt à une libre circulation purement sociale II).

  1. Le risque de création d’une citoyenneté sociale européenne à géométrie variable.

        La décision de la Cour de justice exprime les inquiétudes des États membres dans un contexte particulier, réticent à l’égard des citoyens européens inactifs et sans ressources, dans une période de certaine crise de la citoyenneté européenne, notamment sociale, c’est pour cela qu’elle va conditionner l’octroi de prestations sociales aux ressortissants étrangers par un droit de séjour légal dans l’État membre d’accueil (A). Cela est marqué par une interprétation stricte de la directive 2004/38 et plus globalement du droit de l’Union européenne qui montre un certain infléchissement d’une jurisprudence audacieuse par la Cour de justice concernant les droits sociaux des citoyens européens (B).

  1. La reconnaissance explicite d’un lien direct entre octroi de prestations sociales et régularité du droit de séjour des citoyens de l’Union européenne.  

        La Cour apprécie la conformité de l’interdiction quasiment totale de l’octroi à des ressortissants étrangers non actifs le bénéfice de prestations sociales en cause au regard du droit européen. Il s’agit dès lors pour le juge européen de préciser la portée du principe de non discrimination en raison de la nationalité figurant à l’article 18 TFUE et dont l’article 24 de la Directive 2004/38 et l’article 4 du Règlement 883/2004 en sont des expressions particulières. La Cour se fonde exclusivement sur l’article 24 de la directive 2004/38 pour appuyer son raisonnement. Elle opère ainsi une distinction entre les nationaux et les ressortissants étrangers inactifs puisqu’elle estime  au point 74 de l’arrêt que l’existence d’un droit de séjour légal est la condition préalable pour pouvoir bénéficier de l’égalité de traitement, en effet elle dit « qu’admettre que des personnes qui ne bénéficient pas d’un droit de séjour en vertu de la directive 2004/38 puissent réclamer un droit à des prestations sociales dans les mêmes conditions que celles qui sont applicables pour les ressortissants nationaux irait à l’encontre d’un objectif de ladite directive, énoncé à son considérant 10, qui vise à éviter que les citoyens de l’Union ressortissants d’autres États membres deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil ». Cela instaure donc une sorte de droit à géométrie variable entre les nationaux et les étrangers inactifs. Cependant, elle estime que l’article 24 paragraphe 2 de la directive 2004/38 ne s’applique pas puisque la requérante en l’espèce de se situe pas dans un séjour de moins de 3 mois, en effet elle réside en Allemagne depuis 4 ans. Elle entre donc dans le champ d’application de l’article 24 paragraphe 1 de la directive uniquement. Or, cette égalité de traitement doit se déployer dans le cadre des conditions prévues au sein de la directive. Précisément le séjour se situant entre trois mois et cinq ans est subordonné notamment à des conditions de ressources suffisantes d'après l'article 7, paragraphe 1 de sorte que « ces personnes ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d’accueil ». On voit que la Cour marque bien le fait que le ressortissant étrangers ne doit pas être une charge pour l’État membre d’accueil, ce qui freine considérablement le droit à la libre circulation des inactifs sans ressources. La Cour qui avait eu une interprétation constructive de l’égalité de traitement dans des arrêts précédents, notamment Grzelczyk en 2001, arrêt de principe en la matière, retourne vers une libre circulation économique plutôt que vers une libre circulation civile. C’est donc une vraie restriction puisque cela instaure une sorte de cycle vicieux pour les ressortissants étrangers auxquels la possibilité d’obtenir des prestations sociales ouvre la porte au marché du travail. De plus, dans la même lignée elle établie une distinction entre les ressortissants étrangers travailleurs salariés ou indépendants et les inactifs. Elle crée donc véritablement une citoyenneté européenne à deux niveaux, elle indique en effet que « la directive 2004/38 distingue entre, d’une part, les personnes qui exercent une activité professionnelle et, d’autre part, celles qui n’en exercent pas ». Les travailleurs dispose du droit de séjour sans devoir remplir une quelconque autre condition. Ce droit à géométrie variable risque donc de rendre encore plus attractif le statut de travailleur européen en accordant ce droit de séjour et donc le droit à des prestations sociales dans l’État membre d’accueil sans autre condition que celle de travailler. Cela provoque une sorte de résurgence de la citoyenneté de marché, pour lutter contre le « tourisme social ».

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