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Commentaire CJUE, 5 mars 2015, Commission c. France (C-479/13)

Commentaire d'arrêt : Commentaire CJUE, 5 mars 2015, Commission c. France (C-479/13). Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Novembre 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  2 212 Mots (9 Pages)  •  381 Vues

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Le 5 mars 2015 est un jour prospère pour la jurisprudence fiscale de la Cour de Justice de l’Union Européenne. En effet, ce n’est non pas sur une affaire relative à l’application des taux réduits de Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) que la Cour a l’occasion de statuer, mais sur deux : l’une engage le Luxembourg, l’autre la France. C’est justement ce dernier cas sur lequel porte l’étude, et pour lequel la France est accusée d’avoir appliqué à tort un taux réduit de TVA dans une opération de fourniture de livres numériques et électroniques, violant ainsi les articles 96 et 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Avant toute assignation en justice, il semble que la Commission ait dans un premier temps mis en demeure la France de rétablir la légalité de la situation par deux lettres datées des 4 juillet et 25 octobre 2012, l’informant de sa position et l’invitant à ce titre « à prendre les mesures nécessaires », rappels auxquels la France a répondu par deux courriers datés respectivement du 3 août et 23 novembre 2012, attestant ainsi que l’Etat avait pris connaissance de leur contenu. Toutefois, « n’étant pas satisfaite des explications fournies par la République française, la Commission a décidé d’introduire » le recours à l’étude. Enfin, le 6 février 2014, « le Royaume de Belgique a été admis à intervenir au litige au soutien des conclusions de la République française », sur décision du président de la Cour. Si les parties s’opposent déjà quant à la définition de « livre » qu’il convient de retenir, leur principal point de mésentente porte sur les règles à appliquer à l’espèce. En effet, là où la Commission considère que la fourniture de livres électroniques ne relève pas du champ d’application de taux réduit de TVA porté par l’article 98 §2 de la directive et confirme sa propre thèse par le second alinéa de la même disposition « qui exclut l’application d’un taux réduit de TVA à des services fournis par voie électronique », la France (soutenue par le Belgique) considère que « la fourniture de livres électroniques relève du point 6 de l’annexe III de la directive TVA et peut, en conséquence, bénéficier d’un taux réduit de TVA ». Cette thèse est par ailleurs complétée par d’autres arguments, parmi lesquels le fait que l’article 278-0 bis du Code général des impôts lui permet d’agir ainsi, que la directive 2009/47, en introduisant « sur tout type de support physique », a voulu s’adapter à l’évolution technologique et qu’en rédigeant l’annexe III de la directive 2006/112, le « législateur a souhaité […] que les biens [aux] objectifs sociaux ou culturels, pour autant qu’ils ne présentent pas ou peu de risques de distorsion de la concurrence, puissent faire l’objet d’un taux réduit de TVA », comme en atteste un autre arrêt de la CJUE rendu quatre années plus tôt, le 3 mars 2011[1]. La Cour a donc eu à s’interroger sur la question de savoir s’il est possible de considérer qu’en appliquant un taux réduit de TVA à la fourniture de livres électroniques, la France a agi dans son bon droit, dans une combinaison exacte des normes internes et européennes. À cette question, la CJUE a répondu par la négative, considérant que le recours de la Commission était fondé en ce que la France « a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006 ». Face à la confrontation farouche des thèses, cet arrêt s’avère revêtir un certain intérêt, qui invite à s’interroger : en quoi cette décision permet-elle d’identifier une véritable supériorité et intransigeance du droit européen ? Pour répondre à cette question, deux axes d’études se dégagent : d’une part, il est intéressant de se centrer sur la situation dans laquelle se trouve concrètement la France par rapport à une politique européenne des taux à la fois intransigeante et complexe (I). D’autre part, on s’apercevra que cet arrêt est à la fois prévisible et critiquable, ce qui en fait une parfaite illustration du droit fiscal européen (II).

  1. La France face à une politique européenne des taux intransigeante et complexe

Si la politique des taux semble être le point central de cet arrêt, ce qui transparait plus particulièrement est la difficulté qu’éprouve la juridiction à appliquer cet impôt très intégré qu’est la TVA (A). Pourtant, la décision est sans appel pour un verdict des plus fermes : la France est en infraction vis-à-vis du droit européen (B).

  1. Un arrêt soulignant la difficile application d’un impôt

Il est de notoriété publique que, d’une manière générale, le droit européen poursuit un objectif d’harmonisation de la législation. Cela est d’autant plus vrai pour le domaine du droit fiscal qui, concrètement, cherche à pousser ce processus à l’extrême, jusqu’à l’effacement des frontières étatiques. Bien sûr, une telle entreprise n’est pas aisée compte tenu, d’une part, de la complexité du droit fiscal qui nécessite une véritable connaissance de la matière et, d’autre part, de la superposition des normes qui donne fréquemment lieu à des contentieux liés à l’interaction entre les sources. C’est d’ailleurs de cette problématique d’articulation entre les normes que surgit le contentieux à l’étude. En effet, alors que « le développement de la TVA a été favorisé et encouragé par la communauté européenne »[2], son régime n’est pas parfait, qui plus est quand il s’agit d’appliquer un éventuel taux réduit de TVA, pour quoi il n’existe pas de réelle liste fixe et exhaustive des cas concernés (malgré les données que fournissent d’ores et déjà les annexes II et III de la directive 2006/112). Rapporté à l’espèce, on s’aperçoit que le cas des livre numériques et électroniques est définitivement un sujet de confusion, jusque dans la doctrine administrative pour qui, en tenant compte de la directive du 5 mai 2009, le taux réduit de TVA était définitivement applicable « à la fourniture de livres audio, de livres sous forme de cédérom ou encore sous clé USB »[3] à condition que ces livres « contiennent les mêmes éléments que le livre imprimé ainsi que des fonctionnalités permettant d'accéder aux textes et illustrations »3. Cela ne semble toutefois pas être au goût de la CJUE, pour laquelle la fourniture de livres électroniques ne relève pas de la livraison de biens ou de la prestation de service, qui sont les uniques champs d’application de taux réduit de TVA (art 98 §2, directive 2006/112). Un tel cas d’espèce permet donc d’illustrer définitivement la complexité à laquelle est soumise l’application du taux réduit de TVA et, plus généralement, cet impôt dans son ensemble.

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