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Commentaire : Triboulet, CE, 6 mars 2002, n° 217646

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Par   •  16 Juillet 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  2 090 Mots (9 Pages)  •  1 836 Vues

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La décision du 6 mars 2002 rendue par le Conseil d’Etat témoigne de la rigueur dont font preuve les juges, qu’ils soient juges du droit ou du fond, quand il s’agit d’appliquer les principes régissant le droit de la domanialité publique.

En l’espèce, la propriétaire d’une maison construite sur le domaine public maritime détenait des autorisations d’occupation temporaire, délivrées par le préfet.

Après l’entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 1986, le préfet refusa de renouveler l’autorisation d’occupation arrivée à son terme. Il proposa alors à la propriétaire une convention prévoyant une autorisation d’occupation assortie d’une interdiction de cession ou transmission du terrain et de la maison. Celle-ci refuse la convention et demande une concession d’endigage, qui lui sera refusée par le préfet.

La propriétaire ayant refusé la convention, et les autorisations temporaires d’occupation n’étant plus renouvelées, après deux mises en demeure, un procès-verbal de contravention de grande voirie pour occupation sans titre du domaine public fut dressé à l’encontre du propriétaire.

Le tribunal administratif se prononça en faveur des requérantes, mais la cour administrative d’appel annula le jugement de ce dernier. Les ayants droit de cette dernière forment un alors pourvoi contre l’arrêt d’appel, qui les a par ailleurs condamnées à une remise en l’état des lieux, dans leur état antérieur à l’édification de la maison objet du litige, étant précisé qu’à expiration du délai accordé aux requérantes, l’administration pourrait procéder à l’exécution d’office de la mesure décidée.

À l’appui de leur pourvoi, les requérantes font d’une part valoir l’ancienneté d’occupation des lieux ainsi que la relative tolérance dont l’administration a fait preuve à leur égard malgré l’absence d’accord. D’autre part, elles soulignent que l’action en réparation du dommage, à savoir la remise en l’état des lieux constitue une accusation en matière pénale au sens de la CEDH et que la sanction était disproportionnée. Elles se défendent par ailleurs que la remise en l’état sans indemnisation préalable est contraire aux exigences de la CEDH.

La cour d’appel a quant à elle jugé que la remise en l’état consistait en l’état antérieur lourd à l’édification de la maison. Par ailleurs, l’action en réparation ne constitue pas une accusation en matière pénale au sens de la CEDH. De plus, l’obligation de réparer les dommages causés au domaine public ne revêt pas le caractère d’une sanction. Enfin, l’absence d’indemnisation préalable n’est pas prohibée par la Convention EDH.

Les juges du Conseil d’Etat ont eu à répondre à la question de savoir si l’obligation de remise en l’état des biens faisant partie du domaine public maritime sans indemnisation préalable constituait une mesure prohibée par la Convention EDH.

Les juges du Conseil d’Etat ont ainsi répondu négativement à cette question, en « considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mmes A... et Z... ne peuvent se prévaloir d'aucun droit réel sur la parcelle litigieuse et sur les immeubles qui y ont été édifiés ; que la cour n'a, par suite, commis aucune erreur de droit en jugeant que l'obligation de remise en l'état de ladite parcelle sans indemnisation préalable des requérantes ne constitue pas une mesure prohibée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu duquel nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique. »

Les juges du Conseil d’Etat se sont également prononcé sur la question de savoir si la réparation des dommages causées au domaine public constituait une action en matière pénale au sens de le Convention EDH. Ils répondront par la négative là encore en considérant que « la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'action en réparation des dommages causés au domaine public ne constitue pas une accusation en matière pénale au sens des stipulations de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Dans cet arrêt du 6 mars 2002 les juges du Conseil d’Etat font une application stricte du régime du domaine public maritime naturel (I), en précisant sa conventionalité au regard de la Convention Européenne des droits de l’homme (II).

I. Une application stricte du régime du domaine public maritime naturel

En l’espèce, les juges du Conseil d’Etat ont refusé de reconnaître un droit réel des requérantes (A), par une application logique des principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité du domaine public (B).

A. L’exclusion d’un droit réel des requérantes

En l’espèce, le Conseil d’Etat approuve les juges du fond en ce qu’ils ont refusé de reconnaître un droit réel des requérantes sur le bien litigieux, à savoir leur maison. Par une application stricte des principes régissant la domanialité publique, lesquels n’autorisent que des occupations privatives précaires et révocables, les juridictions nationales ont exclu la reconnaissance aux requérants d’un droit réel sur leurs maisons.

La circonstance de la très longue durée de l’occupation n’a ainsi eu aucune incidence sur l’appartenance des lieux au domaine public maritime, inaliénable et imprescriptible. Dans ces conditions, et nonobstant l’acquisition de bonne foi des maisons, dès lors que les autorisations d’occupation n’étaient pas constitutives de droits réels sur le domaine public, la Cour doute qu’ils aient pu raisonnablement espérer continuer à en jouir du seul fait des titres d’occupation. En effet, tous les arrêtés préfectoraux mentionnaient l’obligation, en cas de révocation de l’autorisation d’occupation, de remise des lieux en leur état primitif si cela était requis par l’administration.

En revanche, le fait pour les lois internes d’un Etat de ne pas reconnaître un intérêt particulier comme droit de propriété ne s’oppose pas à ce que l’intérêt en question puisse néanmoins, dans certaines circonstances, passer pour un bien au sens de l’article 1 du Protocole no 1. En l’espèce, le temps écoulé a fait naître l’existence d’un intérêt patrimonial des requérants à jouir de leurs maisons, lequel était suffisamment reconnu

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