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Vivre ou mourir?

Dissertation : Vivre ou mourir?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Novembre 2022  •  Dissertation  •  2 372 Mots (10 Pages)  •  320 Vues

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Dissertation :

Les récents débats sur l’euthanasie mettent en lumière les limites possibles à l’acceptation de la vie ainsi que l’existence d’un choix pour l’individu de vivre ou de mourir. C’est dans cette perspective que Worms, membre du conseil éthique en France déclare « Il se peut que l’opposition entre la vie et la mort ne soit pas seulement celle de deux états contradictoires d’un même corps (avant et après le trépas), mais de deux tendances ou de deux forces, dans un même vivant ( et à chaque instant). La capacité de résistance et celle du relâchement, voire de l’abandon, se disputent en nous comme dans le combat du marcheur épuisé qui est aussi un combat avec lui-même, lorsqu’il sait que s’asseoir dans la neige sera une décision mortelle, dont il risque de ne pas se relever »

Worms dresse ici la métaphore filée du marcheur épuisé : de même que la vie se définit comme un processus fait d’épreuves pendant lequel le sujet est susceptible de passer à trépas à chaque moment, de même la course du marcheur épuisé est un périple rempli d’épreuves qui peut mener le marcheur vers sa mort. Aussi, selon Worms la vie et la mort ne résultent pas de la simple contradiction entre deux états d’un même corps. En effet, si la force de vivre se définit comme une capacité de résistance face aux épreuves qui nous traversent et que le relâchement se traduit par un refus des épreuves pourtant partie intégrante de la vie, on en tire que vie et mort se mêlent perpétuellement au sein d’un être vivant. En effet, à chaque épreuve le sujet est livré à deux possibilités : survivre ou se laisser emporter consciemment ou inconsciemment par la mort.  Mais ces deux forces sont-elles nécessairement en affrontement ? En effet, l’auteur présuppose en filant la métaphore du marcheur épuisé que la vie s’entend comme une succession d’épreuves rudes et éprouvantes. En effet, il en ressort une nécessité de « la fatigue de la vie » chez l’individu. Mais la force de vivre est-elle nécessairement mise en défaut par cette fatigue de la vie ? En effet, de même que le marcheur épuisé peut surmonter sa fatigue de par l’envie de revoir ceux qu’ils aiment, l’envie de trouver la gloire, de contribuer dans la ronde du vivant, de même le sujet peut trouver un sens à sa vie qui lui permet d’opérer un renversement de perspective. Il ne subit plus les épreuves de la vie, il ne vogue plus vers une succession d’épreuve : au contraire il vit intensément et passionnément sa vie et en devient pleinement acteur. Toutefois, c’est paradoxalement l’acceptation de la mort qui donne de la valeur à la vie, qui donne l’énergie de s’élancer à la conquête de son destin.  Mais alors, ne serait-il pas légitime de penser que la vie n’a rien d’une succession de difficultés qui amenuise le sujet mais qu’elle peut lui donner la force de vivre encore plus intensément sa vie et par conséquent de « vivre ». Dès lors, la vie du sujet ne s’entend plus comme un affrontement entre vie et mort, mais comme une vie dont l’intensité est accrue par la prise de conscience de la mort : plus la mort se rapproche, plus le sujet est poussé à apprécier sa vie.  Ainsi, la mort ne serait plus perçue comme une issue prématurée à la difficulté de la vie mais plutôt comme une limite indépassable qu’il s’agit d’accepter, comme une limite qui donne de la valeur à la vie.

En définitive, comment comprendre cet entremêlement perpétuel entre vie et mort au sein d’un même vivant si la vie peut être vécue intensément ? Le périple de la vie est-il destiné à faire du sujet un marcheur épuisé de vivre souhaitant consciemment ou inconsciemment se laisser porter par la mort ou existe-t-il une possibilité pour le sujet de transcender l’existence de la mort et vivre pleinement jusqu’au bout ?

Cet entremêlement entre vie et mort s’exprime selon différents modes dans Les Contemplations  de Hugo, Le Gai savoir de Nietzche, La Supplication de Alexievitch

Si le sujet est clairement l’objet d’un affrontement entre force de vivre et dépérissement au cours de sa vie, celle-ci peut s’entendre comme une aventure captivante et faite de sens qui donne l’énergie de vivre intensément. Alors, la convergence du sujet vers sa mort est, au-delà d’une dépréciation de l’enveloppe corporelle, un moteur qui permet de vivre encore plus profondément.

De prime abord, la vie peut être perçu comme « un hideux enlacement » (Hugo) entre vie et mort.

En effet, il convient de considérer que la mort est une composante omniprésente au cours de la vie. D’une part, la mort est liée à la vie en cela que la vie est l’unique passage vers la mort et que réciproquement la vie mène nécessairement à la mort. D’autre part, la finitude de la condition humaine est régulièrement rappelée au sujet au cours de sa vie notamment au travers de la perte des êtres aimés. En effet, si la perte d’un être proche attriste certes, elle fait surtout réaliser que la mort peut nous saisir à tout moment, qu’elle peut être plus proche qu’on ne le pense. Aussi, dans La Supplication, Alexievitch traduit la violence de la déflagration atomique telle qu’elle a été vécue par ses témoins. Ainsi, les pompiers supposés gérer ce qui a été pris pour un incendie ordinaire sont passés de vie à trépas en quelques jours, alors qu’ils étaient plein de vie juste avant. Léopoldine, la fille de Hugo, meurt noyée seulement quelques mois après son mariage, alors qu’elle était plein de joie de vivre. Ces deux tragédies, si elles heurtent de façon brutale les proches viennent rappeler la proximité de la mort. Par ailleurs, le témoignage de la première femme montre qu’au-delà de ce simple entremêlement de la vie et la mort, la vie est un chaos duquel jaillit plein de tendances : elle déclare « Je ne sais pas de quoi parler… De la mort ou de l’amour ? Ou c’est égal… De quoi ? » En effet, tout se mélange : la mort ainsi que l’amour qui est une composante prépondérante de la vie. Toutefois, ainsi que le révèle la parole désarticulée de la locutrice, le chaos de la vie peut nous rendre impuissant si bien que le sujet n’est plus capable de distinguer la vie et la mort. Il se relâche alors au sens de Worms et se vide de vie, se laisse emporter inconsciemment par la mort.

Dès lors, la vie apparaît comme une succession d’épreuves incontournables qui nous affaiblissent jusqu’à nous faire perdre le goût de vivre. Nietzsche, pourtant plein de vie et d’énergie à l’issue de sa première guérison se retrouve quelques années plus tard, assailli par la syphilis. Cette fois-ci, il perd la raison et est défait par la maladie. De même, la perte de Léopoldine résonne pour Hugo comme une déflagration brutale dont il ne trouve pas avant plusieurs années de résignation et de révolte contre le destin, la force de relever. Aussi il déclarait résigné « Maintenant je veux qu’on me laisse !  J’ai fini ! le sort est vainqueur » ou révolté « Je fixais mes regards sur cette chose horrible, Et je n’y croyais, et je m’écriais : Non ! ». Dans les deux cas, l’aliénation de l’auteur est très présente. Cette épreuve l’a vaincu ainsi qu’en témoigne sa formule « veni, vidi, vici » : il prend la décision de s’exprimer comme un vaincu.  Par ailleurs, si la déflagration atomique présente certes un caractère exceptionnel qui n’en fait pas une épreuve incontournable, elle est révélatrice de deux attitudes qui témoigne d’un renoncement à la vie selon une conception plus nietzschéenne. Les habitants trouvent refuge d’une part, dans les activités de la vie quotidienne qui sont un divertissement au sens pascalien et d’autre part, dans les croyances. Dans les deux cas, les habitants se refusent à observer la vie telle qu’elle est vraiment et à en affronter les difficultés. En effet, les Soviétiques sont sujets à une résignation fataliste : la vie et la mort sont seulement inscrits dans un cycle naturel contre lequel la volonté ne peut rien. Cela implique une résignation face à la mort mais aussi une résignation à vivre avec sa souffrance. En somme, la vie en tant qu’elle est nécessairement succession d’épreuves seraient vouées à affaiblir le sujet.

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