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L’équilibre des pouvoirs sous la Vème République

Dissertation : L’équilibre des pouvoirs sous la Vème République. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Décembre 2019  •  Dissertation  •  5 096 Mots (21 Pages)  •  1 162 Vues

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Pour Montesquieu, philosophe des Lumières (XVIIIème siècle), dans « De l’esprit des lois », toute personne concentrant, à l’image du monarque sous l’Ancien Régime, l’intégralité du pouvoir politique, est susceptible d’en abuser. Aussi, pour éviter cette dérive, Montesquieu estime que le pouvoir doit « arrêter le pouvoir ». Ainsi naissait, il y a quelque quatre siècles, la théorie de la séparation des pouvoirs. Cette dernière fut reprise à bon compte par les constituants sous la Révolution française, puisque la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 fait de la séparation des pouvoir un principe cardinal du nouveau modèle démocratique et républicain (au même titre que le droit de propriété et les libertés individuelles). L’article 16 dispose en effet que toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas assurée n’a point de Constitution. Depuis, malgré la présence de régimes divers allant de la République à l’Empire, la France prit toujours soin de se doter d’une Constitution intégrant cet acquis en séparant les pouvoirs législatifs et exécutifs, contrairement à la situation prévalant sous l’Ancien Régime.

Néanmoins, la consécration constitutionnelle d’une séparation des pouvoirs ne présage pas de l’équilibre existant entre ces derniers. L’équilibre des pouvoirs s’entend de l’existence de contrepouvoirs et de moyens d’action réciproques permettant à l’un d’agir sur l’autre sans que l’un d’eux ne se retrouve privé de ses prérogatives au profit de l’autre. Ainsi, si la séparation des pouvoirs fut globalement assurée au cours des différents régimes successifs que connut la France, l’équilibre, lui, fut moins évident. Les IIIème et IVème Républiques en constituent une illustration topique : à cette époque, l’ère du légicentrisme ou parlementarisme absolu prévalait et, avec elle, la prépondérance d’une chambre basse, l’Assemblée, sur un exécutif entièrement soumis à elle. De la sorte, ce régime parlementaire dévoyé en régime d’assemblée ne permettait pas à l’exécutif de gouverner le pays, du fait de l’importante instabilité ministérielle qui régnait sous la pression du Parlement. Ce régime fut, dès la fin de la guerre, jugé insusceptible de doter la France d’institutions fortes. Dans son discours de Bayeux (1946) le général de Gaulle plaidait, déjà, pour un régime prônant un exécutif fort, avec un parlementarisme rationalisé. En 1958, ce régime prit corps avec l’instauration de la Vème République. Dans le sillage du discours de Bayeux, et sous l’impulsion de Michel Debré, la Vème République, bien que se revendiquant de la tradition des régimes parlementaires, mit en place un certain nombre de mesures constitutionnelles destinées à rationaliser profondément le parlementarisme: création d’un bicamérisme, encadrement du domaine de la loi, contrôle de constitutionnalité, prééminence du gouvernement dans la procédure législative. Cette rationalisation fut davantage accentuée à mesure que le régime perdait de son caractère parlementaire pour devenir semi- présidentiel : élection du Président au suffrage universel direct, suppression des risques de cohabitation, consécration du fait majoritaire... autant d’éléments qui, aujourd’hui, consacrent une domination quasi- incontestée de l’exécutif sur le Parlement.

A tel point que la rationalisation du Parlementarisme fit s’élever des voix destinées à critiquer le déséquilibre des institutions. Est-il souhaitable, dans une démocratie, que le Parlement, émanation de la volonté nationale, et, a fortiori, dans un régime encore, sinon dans l’esprit, du moins dans la lettre de la Constitution, parlementaire, soit de la sorte privé de pouvoirs ? La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, dont l’objectif affiché était de rétablir l’équilibre des institutions, est un échec relatif.

Il est donc permis de s’interroger sur la nature déséquilibrée des pouvoirs sous la Vème République. A cet égard, nous verrons que le déséquilibre des pouvoirs était, dès l’origine, une caractéristique essentielle de la Vème République (I). De la même manière, les tentatives de restauration d’un équilibre font, elles aussi, partie de l’histoire de la Vème République (II).

I- Le déséquilibre des pouvoirs : caractéristique de la Vème République

Le déséquilibre des pouvoirs sous la Vème République s’illustre principalement au travers de l’effacement progressif du caractère parlementaire de la Vème République (A), avec, corrélativement, l’affirmation continue du caractère présidentialiste du régime (B).

A. L’effacement progressif du caractère parlementaire de la Vème République

Le bicéphalisme dualiste, caractéristique fondamentale d’un régime parlementaire dissociant la figure de chef d’Etat et de chef du gouvernement (au surplus chef de la majorité) est, désormais, loin derrière nous. Seule la cohabitation permit, alors, de restaurer un dualisme de la fonction exécutive, avec un Président cantonné à ses attributions constitutionnelles (et au domaine réservé, dégagé par l’usage) tandis qu’un chef de majorité gouvernait au sens initial de l’article 20 de la Constitution. Mais, dans presque tous les régimes parlementaires, le chef d’Etat n’est pas élu au suffrage universel direct, à la différence du Parlement, d’où est issu le gouvernement. Ainsi, il existe, dans la Vème République, une incompatibilité presque anormale entre la qualification de régime parlementaire (accompagnée de son bicéphalisme) et l’élection du Président au suffrage universel direct. Car, en effet, l’existence de deux élections au suffrage universel direct (présidentielle et législative) crée un fait majoritaire qui fait obstacle à ce que le pouvoir appartienne réellement au Parlement et, par extension, au gouvernement qui est issu de sa majorité. Au fil du temps, et hors cohabitation, l’exécutif, tout en restant bicéphale, est devenu moniste, avec un effacement du Premier Ministre derrière le Président, alors, implicitement, chef de la majorité. Au surplus, il apparaissait peu cohérent avec l’esprit de la Vème République que la cohabitation, anomalie politique, fût la seule manifestation de notre véritable régime parlementaire.

De manière générale, et outre l’hypothèse de la cohabitation, la Vème République, bien que parlementaire dans sa lettre, a mis en œuvre des procédés juridiques et constitutionnels de rationalisation du parlementarisme tels qu’ils s’apparentent davantage à une volonté de priver le parlement de pouvoirs. Or cette tendance ne

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